jeudi 1 avril 2010

Un témoin du décès de Kloten est libéré

Julius, un des requérants d'asile qui devait être expulsé de Kloten le mercredi 17 mars par un vol spécial vers le Nigeria, a été libéré hier par la Justice de Paix de Lausanne. Ce requérant d'asile nigérian avait été témoin direct du décès d'un autre requérant avant l'embarquement ce jour-là. Il est détenu au centre de Frambois en vue de son renvoi forcé.

La Justice de Paix a considéré ce renvoi comme «matériellement plus possible, compte tenu de la suspension des vols spéciaux sans qu'aucune échéance de reprise ne soit fixée», explique son avocat Jean-Michel Dolivo. «A Kloten, il a vécu un traumatisme. » Ces vols spéciaux qui permettent de renvoyer des requérants par la force ont été suspendus durant l'enquête pénale sur le décès de Kloten. Julius a par ailleurs déposé une demande de révision pour cas de rigueur, début mars.

«Il semble que le Nigeria refuse désormais ce type de vol», avance l'avocat. Trois autres requérants sont dans le même cas que Julius, dont Dieudonné (notre édition d'hier) et un autre témoin direct du décès de Kloten. La Justice de Paix a tenu hier des audiences pour examiner leurs demandes de libération. Les décisions pourraient tomber aujourd'hui. Tous n'ont pas un casier judiciaire vierge. Les raisons qui justifient la libération de Julius s'appliquent aussi aux autres requérants concernés, estiment les militants qui les défendent.

Les quatre hommes font partie d'un groupe de treize requérants détenus à Frambois et tous attribués au canton de Vaud, qui ont rédigé récemment une lettre commune pour demander une mise en liberté.

Ces familles désintégrées par un renvoi

Le canton de Vaud s'apprête à priver une fillette de son père, requérant d'asile béninois en instance de renvoi. Le grand-père maternel de l'enfant, un Fribourgeois, interpelle les autorités. Un article de Michaël Rodriguez dans le Courrier.


«Ma petite-fille souffre de plus en plus de l'absence de son père. On est en train de détruire sa vie!» C'est un véritable cri d'alarme que lance Bernhard Hugo, un jeune retraité établi à Domdidier dans la Broye fribourgeoise. Grand-père d'une enfant de sept ans, il ne supporte pas de la voir privée de son père, un Béninois détenu dans l'attente de son expulsion.
Lettre aux autorités
Bernhard Hugo a envoyé récemment une lettre au ministre vaudois Philippe Leuba et à la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf pour plaider en faveur de Dieudonné, le père de la fillette. Le 27 mars dernier, la Ligue suisse des droits de l'homme et la Coordination asile lui ont emboîté le pas.
«En renvoyant Dieudonné, vous punissez non seulement le requérant débouté mais aussi sa fille, qui «perdra» son père à un âge où tout le monde reconnaît l'importance des liens parentaux», écrit Bernhard Hugo. Depuis plus d'un mois, le jeune papa est incarcéré à la prison de Frambois, à Genève. Il aurait probablement déjà été renvoyé si les vols spéciaux n'avaient été suspendus par les autorités fédérales suite à la mort d'un requérant d'asile nigérian le 17 mars dernier.
Des zones d'ombre
Même si sa fille est séparée du jeune Béninois, Bernhard Hugo a décidé de se battre pour lui comme s'il était son beau-fils, à la fois parce qu'il a «appris à l'apprécier» et en raison de «la relation très forte» de l'enfant avec son père. Le retraité est bien placé pour en juger, puisqu'il vit sous le même toit que sa fille et sa petite-fille, dans la ferme familiale de Domdidier. La mère de la fillette confirme que Dieudonné entretient un lien étroit avec cette dernière. «Ce serait mieux pour elle qu'il reste ici et qu'il puisse travailler», juge-t-elle.
Le parcours de Dieudonné n'est pourtant pas sans zones d'ombre. Lorsqu'il raconte son histoire, le jeune Béninois ne cherche d'ailleurs pas à dissimuler ses démêlés avec la justice. C'est spontanément qu'il relate – tout en clamant son innocence – sa condamnation à 18 mois de prison avec sursis en 2005, pour trafic de drogue. En 2008, il a aussi été pincé en possession d'un faux passeport français, ce qui lui a valu de passer deux mois à la prison de la Croisée, à Orbe.
«Je fais tout pour m'en sortir, affirme Dieudonné. Mais on ne me laisse pas ma chance.» D'abord celle d'avoir une vie professionnelle. A son arrivée en Suisse, en 2002, le jeune Béninois a trouvé un emploi, mais il a dû le quitter huit mois plus tard suite au rejet de sa demande d'asile. En 2005, il a entamé une nouvelle démarche de régularisation. «Les autorités m'ont dit que je devais avoir un emploi et une adresse de résidence.» Dieudonné obtiendra finalement un logement et une promesse d'engagement dans une pizzeria à Villeneuve. En vain: la réponse des autorités est négative.
Droit à la famille menacé
Les antécédents judiciaires du père ne changent rien au problème de fond: est-il acceptable de punir un enfant en le privant d'un de ses parents? L'histoire de Pitchou, un jeune papa congolais libéré in extremis après une demande de réexamen à Berne, avait déjà fait craindre une violation du droit à la famille.
La Convention relative aux droits de l'enfant veut que les Etats «veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré», sauf si son intérêt supérieur l'exige. Et dans le cas où il y aurait tout de même séparation, il s'agit de respecter «le droit de l'enfant (...) d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents».
Qu'en serait-il si Dieudonné était expulsé? «C'est dramatique, lance Laurent de Mestral, avocat du jeune homme et ancien juge cantonal. Avec un renvoi, l'enfant ne verra plus son père. D'ici qu'il obtienne un visa depuis le Bénin pour rendre visite à sa fille, il se passera beaucoup de temps!»

La Belgique se dirige vers une interdiction totale de la burqa

Les députés belges ont adopté hier en commission un projet de loi interdisant le port du voile intégral, y compris dans la rue. Une première en Europe. Un article de Yannick van der Schueren dans 24 Heures.

Belgique Burqa

Alors que la France continue à débattre sur l’interdiction du voile intégral dans les lieux publics, la Belgique semble prête à trancher. Hier, les députés de la commission de l’Intérieur ont approuvé, à l’unanimité, une proposition de loi visant à rendre illicite le port d’un vêtement dissimulant le visage dans l’espace public. Si cette décision est confirmée en plénum, la Belgique sera le premier pays d’Europe à légiférer en la matière.

Le texte n’évoque pas explicitement la burqa ou le niqab. Il prévoit que les personnes qui «se présenteront dans l’espace public le visage masqué ou dissimulé, en tout ou en partie, par un vêtement de manière telle qu’ils ne soient plus identifiables» seront punies d’une amende de 15 à 25 euros ou d’une peine de prison de 1 à 7 jours. La notion d’espace public inclut ici l’ensemble des rues, les parcs publics, les terrains de sport, et les «bâtiments destinés à l’usage du public». Des exceptions sont toutefois prévues en période de carnaval.

Cette législation irait plus loin que celle que la France prévoit d’adopter. En vertu des recommandations du Conseil d’Etat – la plus haute juridiction administrative française – transmises mardi dernier, l’interdiction dans l’Hexagone se limiterait à certains lieux et services publics, sans s’étendre à la rue.

Vote éthique

Les députés belges ont motivé leur décision par deux arguments principaux: la question de la sécurité – il faut que chacun soit identifiable en tous lieux – et celle de la «dignité de la femme» et du respect des «principes démocratiques fondamentaux», a souligné le chef de groupe du Mouvement réformateur (libéral), Daniel Bacquelaine. Un vote en séance plénière pourrait intervenir dès le 22 avril, permettant alors au texte d’entrer en vigueur d’ici à l’été.

A noter que plusieurs communes belges prohibaient déjà le port du voile intégral dans l’espace public par le biais de règlements municipaux qui interdisent de se cacher le visage en dehors de la période de carnaval.

YANNICK VAN DER SCHUEREN