mardi 15 août 2006

La campagne du malaise

Ou comment deux partis cherchent à se refaire une santé politique en se servant des arguments populistes de la droite dure.

Editorial de Bernard Wüthrich à lire dans le Temps

Les partis de droite ont tenu parole. On ne les a plus entendus parler d'une même voix du droit d'asile depuis leur conférence de presse commune du 4 juillet. Rien d'étonnant à cela: cette entente de façade masque mal le malaise qui caractérise la campagne sur le durcissement du droit d'asile.

Hormis quelques escarmouches avant la pause estivale, et cette conférence de presse en était une, ce n'est que maintenant que la campagne démarre vraiment. A six semaines du scrutin, les partis de droite avancent désormais en rangs dispersés ou, en tout cas, avec des arguments différents.

Fidèle à son électorat, qui vote pour elle parce qu'elle a fait de l'abus du droit d'asile l'un de ses chevaux de bataille, l'UDC n'a pas la moindre réticence à durcir la loi. De leur côté, le Parti radical et le PDC font tout ce qu'ils peuvent, sans vraiment y parvenir, pour éviter d'être perçus comme les suiveurs d'un parti qui leur a enlevé des électeurs.

Ils sont confrontés à un problème interne croissant, car le comité bourgeois qui s'oppose au durcissement du droit d'asile ne cesse de recueillir l'adhésion de politiciens cantonaux et d'anciens parlementaires fédéraux radicaux et démocrates-chrétiens, ce qui démontre une faille grandissante au sein de ces deux partis.

Le PDC défend désormais sa position en affirmant qu'on peut durcir le droit d'asile tout en restant un chrétien crédible. Et le PRD défend la sienne en intégrant la nouvelle loi dans un concept de politique de migration plus large. Mais personne n'est dupe. Si l'UDC n'avait pas autant progressé ces dernières années, ni le PDC ni le PRD n'auraient soutenu le durcissement du droit d'asile imposé par Christoph Blocher en cours de route.

Phase décisive

Sous le titre "La campagne sur l'asile dans sa phase décisive", Denis Masmejan dans le Temps consacre un article aux nuances de la campagne sur l'asile et les étrangers.

De gauche à droite: Bruno Frick (PDC), Fulvio Pelli (PRD) et Ueli Maurer (UDC)
(photo Keystone)

La campagne en vue des votations du 24 septembre sur l'asile et sur les étrangers entre dans le vif du sujet. A six semaines du scrutin, alors que la pause estivale touche à sa fin, partisans et adversaires des deux lois multiplient les interventions. Cette semaine, le Parti radical doit discuter de son concept d'intégration, connexe à la votation. Les deux lois seront également évoquées par les délégués de l'UDC. Lundi prochain, le comité qui prône le double non présentera ses arguments, appuyé par l'ancienne conseillère fédérale Ruth Dreifuss.

Les premiers sondages commencent également à tomber. Un sondage d'Isopublic réalisé pour Le Matin et le Sonntagsblick donne une majorité pour le oui (48% pour la loi sur l'asile, 30% contre), mais avec une part encore importante d'indécis (27%), et de fortes disparités entre la Suisse alémanique et les cantons romands, où le soutien s'abaisse à 34%.

Les partis de droite, eux, sont loin d'être monolithiques. Ils doivent compter avec un comité «bourgeois» contre les deux lois, qui ne cesse de s'étoffer. De plus, les partisans du oui chez les radicaux et les PDC tiennent à garder leurs distances à l'égard de l'UDC. Cela n'a pas empêché les trois partis gouvernementaux de tenir une conférence de presse commune, début juillet, mais c'est à peu près la seule occasion où PRD, PDC et UDC se seront trouvés réunis.

• UDC

Idéologiquement, les démocrates du centre sont totalement à l'aise dans cette campagne. Le budget de campagne de l'UDC reste toutefois modeste, explique Simon Glauser, porte-parole du parti, sans en préciser le montant. Le style de l'unique affiche diffusée par le parti, déjà présente en Suisse alémanique comme en Suisse romande («Stop aux abus!»), est lui aussi modéré, compte tenu du savoir-faire dont l'UDC a fait preuve par le passé. Des encarts publicitaires seront aussi publiés dans la presse, et certaines personnalités radicales ou PDC y figureront aussi, selon le porte-parole.

• PRD

La campagne des radicaux fonctionnera «à bas budget», explique Christian Weber, porte-parole du parti. Aucune affiche n'est prévue. Les radicaux entendent se démarquer de l'UDC en insistant sur leur politique des «4 piliers» arrêtée au début de l'année déjà, et qui accorde une place importante à l'intégration des étrangers. Le PRD présentera prochainement un comité de soutien aux deux lois. «Tout le monde se focalise sur l'asile, parce que le sujet est plus émotionnel, mais la loi sur les étrangers concerne bien davantage de gens», observe Christian Weber.

• PDC

Le PDC, lui, diffusera une affiche, mais en Suisse alémanique seulement, au vu du rejet des deux lois par plusieurs sections romandes, explique Alexandra Perina-Werz, porte-parole du PDC pour la Suisse romande. Le parti a tenu une conférence de presse au plus creux de l'été - le 31 juillet - pour présenter un argumentaire sur la compatibilité des deux lois avec les valeurs chrétiennes. Ce devrait être la dernière. Le PDC vient pour le reste de refuser la demande du conseiller national UDC zurichois Ulrich Schlüer. Le rédacteur de Schweizerzeit souhaitait que l'engagement de personnalités de droite dans le camp du non ne reste pas sans réplique des partisans du oui. Mais le style d'Ulrich Schlüer a constitué, pour le PDC, un repoussoir.

Les principaux changements

En cas de oui le 24 septembre, tous les requérants d'asile déboutés seront privés d'aide sociale, et plus seulement ceux qui sont frappés d'une décision de non-entrée en matière, comme c'est le cas aujourd'hui.

Lire la suite dans le Temps, où Valérie de Graffenried revient sur les changements qu'impliquerait un durcissement des lois.

Le Temps qui propose toujours un dossier consacré à la révision des lois sur l'asile et les étrangers: les enjeux des lois, les chiffres de l'asile, les personnalités engagées, ainsi que des opinions, reportages et récits. Tout cela et plus encore dans le dossier du Temps.