lundi 16 juin 2008

La famille ukrainienne déboutée va faire recours


La famille ukrainienne qui avait été sauvée dans les montagnes tessinoises en janvier veut rester en Suisse.


C'est sur les pentes du Monte Lema que la famille ukrainienne avait été retrouvée en janvier. (keystone)
Elle va très certainement recourir contre le rejet de sa demande d'asile, rendu public dimanche dans la «NZZ am Sonntag».

C'est du moins ce qu'a annoncé lundi le père Martino Dotta, qui s'est occupé de la famille au Tessin, dans une interview publiée sur le site internet de «Ticinonews». Le prêtre y critique par ailleurs les méthodes de l'Office fédéral des migrations (ODM).

La famille ukrainienne a appris le rejet de sa demande par la presse dominicale, dénonce-t-il. Elle n'a encore pas reçu de réponse officielle à sa demande.

L'ODM se justifie


Interrogée par l'ATS, le porte-parole de l'ODM Jonas Montani précise que le refus a été envoyé jeudi en fin d'après-midi à l'avocat des requérants sous pli recommandé. De telles lettres parviennent généralement le jour suivant au destinataire, fait-il valoir.

L'office fédéral a exprès attendu vendredi pour répondre aux demandes des médias, ce qui a abouti à l'article de la «NZZ am Sonntag». L'ODM a une obligation d'informer et il a reçu tous les jours des demandes concernant ce cas, a justifié M. Montani.

Pétition pour l'admission

La Suisse considère l'Ukraine comme un pays sûr. Le Parti socialiste et des oeuvres d'entraide catholiques avaient récolté plus de 700 signatures au Tessin pour l'admission de cette famille. Le Conseil d'Etat du canton était même intervenu auprès de la ministre de la justice Eveline Widmer-Schlumpf.

Après avoir passé sept ans en Hongrie, la famille avait déjà déposé en vain deux demandes d'asile en Suisse en 2007. Renvoyée en Italie, elle avait fait un «sit-in» devant le consulat de Suisse à Milan. La police l'avait fait évacuer et placer dans un centre d'hébergement.

Sauvés in extremis

La mère de 47 ans et ses cinq enfants âgés de 9 à 21 ans avaient tenté d'entrer au Tessin par le Monte Lema (1680 mètres). Probablement aidée par des passeurs, la famille avait entrepris l'ascension de la montagne à la frontière italo-suisse, le 18 janvier.

A cette époque près d'un demi-mètre de neige recouvrait les hauteurs. La mère et ses enfants avaient perdu leur route et passé deux nuits à la belle étoile avant de lancer un appel au secours via un appareil de radio-émetteur. Ils avaient été secourus le 20 janvier par une colonne de la Rega et du Club alpin suisse.

Tous les enfants avaient été hospitalisés pour des engelures. Le plus jeune avait évité de peu une amputation aux pieds.

"Le parcours du requérant"

L'ODM a ouvert les portes du Centre d'Enregistrement et de Procédure de Vallorbe, espérant "que cette visite permettra de connaître tous les aspects du quotidien du CEP et sera riche en enseignements". Voici le compte-rendu de cette visite guidée.

Suivez le guide
Dans la cour d'entrée, l'ODM sur son 31 assure l'accueil. Distribution de numéro à chaque visiteur, ainsi que quelques guides touristiques et un dépliant officiel, qui souhaite que cette visite « nous permettra de connaître tous les aspects du quotidien du CEP et sera riche en enseignements ».
Un petit groupe de visiteurs se forme et nous faisons la connaissance de notre guide: Jean-François. Il nous annonce que nous allons suivre le « parcours du requérant », dans les premières heures qui suivent son arrivée. Nous lui remettons le billet numéroté reçu à l'entrée, puis il nous ouvre la porte du centre à l'aide de son passe. Ici, il y a beaucoup de portes: elles permettent de sortir, mais pas d'entrer librement. D'ailleurs ici, tout est réglementé:



- interdiction de faire du bruit, de fumer, de boire de l'alcool dans le centre
- interdiction d'avoir un téléphone, un appareil photo, une radio
- obligation de se conformer aux horaires de repas, d'ouverture de l'infirmerie, de l'économat
- obligation de respecter les horaires du centre: 8H-11H30 et 13H-17H00. Dès 17H, la porte est fermée et celui qui reste à l'extérieur est considéré comme « non-rentré ». Il devra passer la nuit dans la salle d'attente extérieur, qui fait aussi office de salle de dégrisement. Une personne « non-rentrée » est considérée comme « disparue » après 24 heures.
- la circulation entre les différents secteurs des dortoirs est impossible pendant la nuit

Dans le hall, un guichet, auquel le requérant présente une feuille d'identification, puis un local de fouilles derrière un rideau. Jean-François nous invite à le suivre au fond d'un long couloir. Au passage, l'attention est attirée par une pièce sombre, sans meuble, où des gens attendent le long des murs. Mais il faut suivre le guide. Première étape: l'économat, où le requérant reçoit son « paquetage »: une couverture, une taie d'oreiller, deux draps, un linge de bain et un strict nécessaire de toilette. Jean-François nous précise la cadence de renouvellement d'un tube de dentifrice.
Puis une petite pièce, où sont dispensés des cours de français. Jean-François souligne la forte fréquentation de ces cours: « Jamais je n'aurais pensé que les gens s'intéressent autant à la langue française! ». Ces cours sont donnés par des assistants du centre.
Nous passons ensuite à la buanderie. Accès autorisé une fois par semaine pour une personne seule, deux fois pour les familles. Il est fortement recommandé aux requérants de collaborer à la lessive, lorsqu'on le lui demande. Celui qui refuse devra se débrouiller pour laver son linge ailleurs.
Dans les couloirs, les groupes se croisent et les assistants qui servent de guide se saluent, se sourient et échangent quelques mots qui les font rire. De leur côté, les visiteurs sont progressivement plombés par l'ambiance. On se sent mal à l'aise. Pour compenser ce fort sentiment d'intrusion et la présentation des lieux froidement administrative, notre groupe salue chaque requérant qu'il rencontre.

Le Paradis des Enfants
Nous prenons un ascenseur qui nous emmène au cinquième étage. Longue enfilade de couloirs, toujours beaucoup de portes fermées à clé. Devant nous une salle d'attente très sobre. Le requérant fraîchement arrivé y attend son passage dans les différents bureaux. Il y a celui où l'on prend les empreintes et une photo d'identité, pour le dossier. Puis vient la salle de dépistage de la tuberculose. On pose des questions au requérant, s'il obtient dix points, il y a suspicion de tuberculose et il est dirigé vers un hôpital. « Ici, on ne joue pas avec la santé des gens! », précise notre guide, qui nous fait voir la porte de l'infirmerie. On n'y pratique pas d'actes médicaux: au mieux, on distribue une aspirine pour les maux de tête, tous les cas plus graves sont envoyés dans un hôpital.
Jean-François est heureux de nous apprendre qu'il y a eu deux accouchement dans le centre ces derniers jours et qu'il a bien failli devoir en assister un. Il précise qu'il a été responsable médical par le passé, ce qui ne signifie pas qu'il soit médecin.
Au passage, on note les horaires d'ouverture de l'infirmerie: du lundi au vendredi de 9H à 9H30 et de 13H à 13H30. Ces horaires sont nécessaires, sans quoi « les requérants défileraient toute la journée pour trois fois rien ».
Dans ce fond de couloir, il y une porte étiquetée « Paradis des Enfants ». À l'intérieur, des jeux, des peluches, une TV et quelques films. Ici, pas d'horaire. Rien ne doit sortir, pas le droit d'emmener une peluche. Mais si un enfant brave cette interdiction, Jean-François nous assure qu'à son départ du centre, il la laissera dans son dortoir. Fin de la visite du seul endroit chaleureux du CEP et fraîchement repeint en orange.
Nous nous retrouvons devant le vestiaire. Ici les assistants distribuent des habits à ceux qui en ont besoin. Mais le requérant n'y entre pas: s'il a besoin d'un pantalon, on lui en propose deux et il choisit celui qui convient. Les critères de distribution dépendent de l'assistant. Pour Jean-François, il est clair que « celui qui est vêtu en Nike et Hugo Boss ne peut prétendre à de nouveaux habits ».


Dans ton lit tu dormiras
Par les escaliers, nous descendons au 4ème. Jean-François s'assure que nous sommes tous là et ferme l'accès au cinquième. Il semblerait que le « Paradis des Enfants » ne soit pas accessible le week-end.
Au 4ème et 3ème étages se trouvent les dortoirs des hommes, sur lesquels nous faisons l'impasse. Arrivés au 2ème, à gauche les dortoirs pour les familles où les deux parents sont présents; à droite, ceux des femmes seules avec leurs enfants. Jean-François nous ouvre la porte du dortoir 219. Huit lits à étages. Interdiction de déplacer le mobilier, sauf pour grouper les lits d'une même famille. Chaque lit est numéroté. Le requérant n'a pas le droit de s'installer dans un autre lit que celui qui lui a été attribué à son arrivée.
Malgré l'impossibilité évidente de fermer les casiers présents dans les chambres pour protéger ses affaires, notre guide nous dit que certains se procurent des cadenas. Mais d'ailleurs, qu'auraient-ils à protéger? Ils n'ont pas d'objet de valeur, pas de papier d'identité, pas de portable. Tout ce qui leur est confisqué à l'entrée leur est restitué au départ, « jusqu'au plus simple stylo bille ». Pourquoi pas de portable? Parce qu'il est interdit de faire des photos, par respect pour la sphère privée. A ce propos, les assistants ne s'appellent que par leur prénom, pour les mêmes raisons. Oui, mais si le portable ne fait pas de photo? Tant pis, il est confisqué aussi. De toute façon, il y a deux cabines téléphoniques en bas et elles sonnent toute la journée.
Nous apprenons au passage que les requérants touchent 3.-- par jour. La caisse n'est ouverte qu'une fois par semaine, le jeudi. Celui qui arrive le vendredi devra se montrer patient.


Propre en ordre
Au premier étage, salle de loisirs et un peu plus loin sur la gauche, salle de prière pour les musulmans. Un rideau y sera prochainement installé, pour apporter un peu d'intimité à ce lieu. Nous ne sommes pas invité à visiter ce secteur. Sur la droite, nous arrivons au réfectoire, pendant l'heure du repas. « Tiens, mais c'est un self! » lance une dame. « Mais non mais pas du tout! », rétorque Jean-François, qui s'empresse de nous montrer l'assistante de cuisine, en train de distribuer les portions de nourriture. Aujourd'hui, c'est spätzli et une tranche ronde de quelque chose qui ressemble à de la viande et une orange pour le dessert. Un homme qui tente de sortir du réfectoire avec deux oranges dans les mains se fait aussitôt remettre à l'ordre par un agent de sécurité: pas de nourriture dans les étages, c'est le règlement. Même ici, il semble qu'il n'y a pas de plaisir, les visages sont fermés, les regards sont vides et glissent sur nous.
Jean-François nous indique un homme affairé à vider les plateaux repas et nous fait observer à quel point certains sont empressés à donner un coup de mains. Il a l'air assez content de l'ordre qui règne ici et de cette collaboration spontanée entre requérants et assistants.
Une femme passe, elle tient six balais dans ses mains. Elle échange quelques mots avec notre guide. J'en déduis qu'elle est l'assistante de ménage. Elle peut ranger ses balais, tout est propre.
Retour au rez-de-chaussée, fin de la visite. Jean-François, pourtant très à l'aise dans son rôle de guide, peut ranger le papier qu'il a sorti plusieurs fois de sa poche entre les étages. Il nous remercie et nous salue, puis plaisante avec un autre assistant, costume beige cravate rose, qui lui est tout heureux d'avoir fait visiter son lieu de travail à ses parents.
Dans la cour, plusieurs stands d'informations, dont celui de Securitas. Je vois passer un énorme plateau de charcuterie: l'ODM sait recevoir.

Racisme à l'italienne

Ils ont manifesté inquiétude ou désapprobation à l’égard de l’Italie : l’ONU, le Vatican, l’Europe, des ministres espagnols, etc. Les Italiens et leur gouvernement seraient devenus trop intolérants vis à vis des immigrés

"Ils ont subi l’immigration, aujourd'hui ils vivent dans des réserves !", pouvait-on lire sur cette affiche de campagne de la Lega Nord, parti allié de la coalition de Sivio Berlusconi, aux dernières élections, et présent dans l'actuel gouvernement
"Xénophobe", "raciste", tels sont les qualificatifs dont l’Italie est affublée en ce moment par des militants politiques ou associatifs étrangers, mais aussi par les institutions internationales. Ce sont les mots même de la porte parole du gouvernement espagnol, Maria Teresa Fernandez de la Vega, récemment. A l'ONU, on se dit préoccupé par les politiques "xénophobes et intolérantes contre l’immigration irrégulière et les minorités indésirées" en Europe, en pointant du doigt l’Italie. Ces derniers jours, des Roms ont manifesté devant les ambassades italiennes à l’étranger pour dénoncer les attaques racistes que subissent les leurs sur le territoire italien.
Pourquoi toutes ces préoccupations ? Il y a des faits, tout d’abord, signes d’une xénophobie ambiante. A commencer par le vote majoritaire des Italiens en faveur de la coalition de Silvio Berlusconi et de la Lega Nord, lors des récentes élections. Ces deux partis ont fait campagne sur la lutte contre l’immigration clandestine, le second étant connu pour son hostilité aux immigrés. (Cf leur affiche de campagne ci-dessus).
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Journée porte ouverte à la CEP de Vallorbe

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Portes ouvertes au Centre d'enregistrement de Vallorbe

24 HEURES
CHRISTIAN AEBI | 16 Juin 2008 | 00h37

«Ne nous décevez pas, Madame Widmer-Schlumpf»

ASILE La conseillère fédérale est venue remonter le moral du canton et des habitants de Vallorbe, lors des portes ouvertes du centre d'enregistrement des requérants. Ni promesse ni déclaration, mais une présence appréciée.

© Crédit photo | LA CONSEILLÈRE FÉDÉRALE: Eveline Widmer-Schlumpf, à côté du conseiller d'Etat Philippe Leuba (au centre) et du syndic de Vallorbe Laurent Francfort. Le centre d'enregistrement des requérants d'asile est source de tensions pour les Vallorbiers, Les attentes sont fortes. VALLORBE, LE 14 JUIN 2008. | MICHEL DUPERREX




Elle n'a eu qu'à jeter un oeil par la fenêtre de sa Mercedes. En passant devant la gare de Vallorbe, samedi matin, Eveline Widmer-Schlumpf comprend en un éclair le problème des Vallorbiers. Regards sombres, visages noirs, mains dans les poches: une quinzaine d'hommes sont assis sur les marches de la station. Un peu moins, sont en face, sur une barrière métallique. D'autres se disséminent en ville. Scène de la vie ordinaire à Vallorbe. Une première pour la conseillère fédérale, qui assistait à la journée portes ouvertes organisée au centre d'enregistrement et de procédure (CEP) de Vallorbe. L'occasion pour le conseiller d'Etat Philippe Leuba et le syndic Laurent Francfort d'appeler à l'aide la ministre de la Justice. «C'est un appel: ne nous décevez pas!», lui a lancé Laurent Francfort. «Donnez-nous des moyens. Les Vallorbiers se sentent victimes d'une inégalité. Nous accueillons 280 requérants, c'est plus de 8% de la population du billage, trente fois plus qu'à Bâle!». «Je comprends, je comprends», soufflera plus tard la conseillère fédérale en visitant les locaux. Porte fermée à clé. Vitrage de sécurité. L'ancienne caserne reconvertie n'a rien d'un hôtel. En ce moment, 160 requérants y logent. Peu sont présents. Samedi, on leur avait pourtant demandé de ne pas trop se montrer à l'extérieur. Depuis des années, la présence des requérants à la gare ou en ville échaude les esprits. Rien de bien méchant à reprocher aux quelque 46 000 personnes qui ont déjà défilé ici depuis l'ouverture du centre en l'an 2000. Quelques vols à l'étalage, de rares bagarres. «C'est surtout un choc culturel permanent», estime Philippe Hengy, directeur du centre.

Activités et visites

Canton et commune ont trouvé une parade: diminuer le nombre moyen de requérants (180 au lieu de 250) et les occuper pendant la journée (24 heures du 13 juin). Visites de sites touristiques ou culturels, travaux d'intérêt général et pratique du sport seront introduits dès l'automne. «Pour cela, l'Office fédéral des migrations (ODM) doit accorder deux ou trois postes en plus pour l'encadrement et acheter un véhicule», explique Philippe Leuba. Eveline Widmer-Schlumpf a promis de plancher sur cette solution concrète «dès la semaine prochaine». «Sans l'aide de la Confédération, nous irons vers un blocage. Nous devrons prendre des mesures...» dit le syndic Francfort. Toutefois, ni le canton, ni la commune n'évoquent, pour l'heure, la fermeture du centre.

Local déplacé

Ce qui sera fermé dans un premier temps, c'est le local à la gare - de l'Aravoh. L'association humanitaire et bénévole au service des requérants sera en effet déplacée. Histoire d'apaiser les esprits. L'espace attire de nombreux requérants à la gare. Les pouvoirs publics vont allouer 15 000 francs par an à l'Aravoh pour déménager. «On a accepté de déménager pour calmer le climat, dit une bénévole. Mais ce ne sera pas très utile. Il paraît qu'on va nous mettre dans des containers, juste à côté... de la gare.