jeudi 10 août 2006
Réfugiés, étrangers: papiers, svp !
Envie d'assister à ce débat public ? De participer au forum sur le site de l'émission ? La TSR vous donne la parole.
Envie de dérider vos zygomatiques en revoyant tous les dessins de Mix & Remix: un clic et c'est parti ....
Artistes engagés
Vraiment? Et pourquoi donc les créateurs n’auraient-ils pas le droit de se préoccuper de l’intérêt général, et d’exprimer leur opinion en se définissant comme ils l’entendent?
La question n’est pas neuve de Zola à Sardou, de Sartre et Camus à Moretti et Tabucchi, de Brasillach à Bruce Springsteen, et bien avant eux, il s’est toujours trouvé des artistes pour mettre leur talent et leur prestige au service de leurs idées politiques. Pour estimer que leur responsabilité citoyenne exigeait qu’ils s’engagent publiquement. Pour trouver légitime de s’exprimer non dans l’anonymat artificiel de pseudo-citoyens lambda qu’ils ne sont pas, mais en tant que personnes réelles, avec toutes leurs qualités.
L’appel de Locarno offre un bon exemple de prise de risque: le texte réclame non seulement un cessez-le-feu immédiat (mesure équilibrée) mais aussi la fin de «l’expansionnisme militaire » d’Israël. Aussitôt taxée d’antisémitisme - de façon abusive - cette proclamation expose ses signataires à toutes sortes de critiques et peut-être de difficultés dans leur métier. Risque qu’ils encourent consciemment, on leur reconnaîtra le courage de leurs opinions.
Et l’asile, et les étrangers? Ces deux lois, votées par le Parlement, sont attaquées en référendum, et le peuple aura le dernier mot. Rien de plus démocratique - et c’est pourquoi il est précieux que les artistes se fassent entendre dans le débat en cours avant la votation du 24 septembre.
Ils prouvent par l’acte qu’ils ne se considèrent pas comme des êtres à part, évoluant dans des sphères éthérées. Si ces créateurs ont leur public, celuici est intéressé à savoir ce qu’ils pensent en tant que citoyens, et à constater qu’ils ne sont pas préoccupés que de leur oeuvre, de son succès et de leurs royalties. A ceux qui se reconnaissent dans leur monde intérieur, ces artistes disent leur vision d’un problème qu’ils jugent grave. Leur intervention concourt à la formation de l’opinion. Pas un mot d’ordre, mais une invite à la réflexion. Un exemple? Oui, celui du courage. Pas question, bien sûr, d’exiger de tout artiste qu’il s’engage et donne son avis sur tout: libre à chacun de vivre sa vie comme il l’entend. Mais pas question non plus d’interdire à quiconque de participer, fût-ce en mettant sa notoriété au service de ses idées. En particulier sous prétexte que de l’argent public lui permet detravailler; une subvention au film, au livre, au théâtre a pour but de favoriser la création, non d’acheter le silence ou la docilité du créateur. Si les appels des milieux artistiques sont unilatéraux, on ne saurait le reprocher à personne. Ni à ceux qui s’expriment - ils sont sincères - ni à ceux qui estiment que l’engagement public n’est pas leur rôle.
Ce sont de mauvais procès, et seul compte en définitive l’examen de conscience du citoyen devant ces appels, et son choix personnel. Pour ou contre? Peu importe: la démocratie ne redoute qu’une chose, l’indifférence.
Militants contre la loi sur l’asile
Bideau, Bron ou DimitriParmi les 700 signataires, on peut citer les comédiens Yvette Théraulaz et Jean-Luc Bideau, le cinéaste Jean-Stéphane Bron, les chanteurs Sina et Michel Bühler, les clowns Gardi Hutter et Dimitri, Pipilotti Rist ou encore les architectes Peter Zumthor et Jacques Herzog. Leur manifeste relève l’«incohérence» de la Suisse qui s’engage pour la création d’un nouveau Conseil des droits humains de l’ONU tout en envisageant «d’abolir les droits humains à ses frontières ».
Lorsque des artistes empoignent l’actualité, le ton, qu’il soit ironique ou poétique, n’est pas celui du café ou du Parlement. Leur description du réfugié idéal, celui qui correspondrait à la nouvelle loi? «Quelqu’un qui chez lui, pour des raisons politiques, a pris deux ou trois mois de congé, répond l’écrivain Guy Krneta. Quelqu’un qui rentrerait chez lui après deux ou trois mois une fois la situation stabilisée. »
L’opération va maintenant se poursuivre avec un «Tour de Suisse». Du 17 août au 15 septembre, l’appel sera présenté dans dix villes, dont Lausanne ne fait toutefois pas partie. Des «pétrifiés» du sculpteur Carl Bucher seront également exposés, et le documentaire «Expulsé» diffusé. La réalisatrice Irène Marty y présente le destin de Stanley Van Tha, Birman renvoyé de Suisse en avril 2004 avant d’être arrêté dans son pays d’origine.
Instigateur du projet, le publicitaire Andy Bühler admet avoir connu plus de difficultés à récolter des paraphes en Suisse romande. «Peut-être que j’y connais moins de monde, avance-t-il. Mais les réponses à ma lettre ont été plus nombreuses chez les Alémaniques. » Une dernière anecdote prouve que ses liens avec le monde artistique ne datent pas d’hier: «L’actrice Marthe Keller? C’était ma première copine», raconte-il tout sourire. Depuis, la Bâloise a fait son bonhomme de chemin: sa photographie figure même sur le manifeste qu’elle a, elle aussi, signé.
Trois prises de position
Christian Wicky a été sollicité «bien à cinq reprises» pour rejoindre le clan des opposants à la loi sur l’asile. Son groupe, Favez, n’a répondu positivement qu’une seule fois, en fournissant un morceau pour une compilation réalisée avec des artistes alémaniques. Le but était de récolter des fonds. A entendre Christian Wicky, cette décision n’a pas dû être évidente à prendre. Le chanteur n’aime d’ailleurs pas l’idée de signer un texte écrit par d’autres. «Je comprends ceux qui le font, précise-t-il. Mais personnellement, je trouve qu’il y a trop de raisons pour ne pas agir de la sorte: un tel document est trop général pour exprimer tes idées, pour correspondre à ta vraie pensée.» De façon plus générale, le chanteur ajoute que dans les années soixante, l’engagement de groupes devait être plus simple. «A l'époque, l’Etat était contre les jeunes. Alors, l’intérêt des jeunes était clair.» Au quotidien, Christian Wicky est engagé au sein du parti socialiste lausannois. Dans ce contexte, il devrait annoncer prochainement un projet artistique. «Mais c’est un engagement personnel», conclut-il. C. Z.
Gaston Cherpillod: "Tous forcément engagés"
«Je ne sais pas combien de documents j’ai dû signer durant mon existence», s’exclame Gaston Cherpillod.
L’asile, c’est une question particulière, admet l’écrivain qui ajoute avec un brin de provocation: «Je ne fais pas de différence entre un réfugié économique ou politique. Je ne vois pas pourquoi on répugne à accueillir quelqu’un dans notre pays sous prétexte que sa tête tient encore sur ses épaules.» Un artiste doit donc s’engager dans la société? «N’importe quel bipède est forcément engagé, répond le Belletrien.
Nous sommes tous dans l’Histoire. Soit nous assumons cette petite responsabilité, soit nous la refusons. Mais dans ce deuxième cas, nous nous engageons encore dans le non.» L’octogénaire s’arrête un instant, avant de retourner sa verve contre lui-même: «Je me suis engagé dans toutes sortes de causes. Et pas toujours les bonnes: je suis un ancien bolchévique, et le moins que l’on puisse dire, c’est que j’ai dû commettre une erreur d’appréciation.» Quant à savoir si tout cela est utile… «Je me dis avec superbe que Dieu me voit. Ou peut-être pas, mais dans ce cas, il a tort.» C. Z.
Michel Bühler: "Ce qui se passe ma touche"
«Certains artistes estiment qu’ils doivent rester en dehors du monde. Ils créent de l’art.
De la beauté, résume Michel Bühler. Mais ce qui se passe autour de moi me touche. La plupart du temps, je ne suis pas d’accord et j’ai envie d’agir.» Tout cela est-il bien utile? «A la fin de mes spectacles, il y a souvent des personnes qui me remercient d’exprimer ce qu’elles pensent, répond le chanteur. Alors pour moi, faire se rencontrer les gens, les rendre heureux, cela a une petite utilité.» Mais surtout, le Vaudois sort l’exemple des 523 de sa besace.
«Dans cette affaire, le département de Christoph Blocher n’a cessé de dire qu’il avait agi correctement et que ces étrangers devaient rentrer.
Au final, il s’est trompé. Cela montre qu’on ne peut pas avoir confiance en lui.» Lorsqu’on lui demande s’il n’est pas fatigué de militer, la réponse de Michel Bühler fuse: «Au contraire! J’ai toujours voulu laisser derrière moi un monde un peu moins mauvais.
J’ai maintenant vécu la bonne moitié de ma vie et il me reste de moins en moins de temps pour agir. Je suis toujours plus teigneux.» C. Z.
Match oratoire: député de la droite dure vs chanteur de gauche
Suisse plus restrictive que ses voisins ?
En Suisse, la clause de «non-entrée en matière» (NEM) est l´une des plus restrictive, comparée aux autres pays européens (Keystone)