mardi 24 août 2010

L’Eglise hausse le ton contre le mépris des Roms

Les expulsions de Roms entreprises par le gouvernement du président Nicolas Sarkozy fâchent l'Eglisecatholique . Après les mots du pape, les dignitaires religieux français montent au créneau pour dénoncer le sort réservé à ces personnes. Du côté du pouvoir, on se réfugie dans la séparation entre Eglise et Etat si chère à la République.

Dessin d'Alex dans la Liberté Dessin d’Alex dans la Liberté

Le président de la Conférence des évêques de France, le cardinal André Vingt-Trois, a annoncé hier qu'il rencontrerait le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux. Soit le grand ordonnateur de la lutte lancée fin juillet par le président Sarkozy contre les campements illégaux de Roms. Une offensive qui a déjà conduit au démantèlement de 88 camps, a précisé ce ministre le même jour. L'annonce de cette entrevue fait suite à l'exhortation à l'accueil de toutes les populations prononcée dimanche en français par Benoît XVI: des propos qui ont été perçus, à Paris, comme un désaveu implicite de cette politique.«La position de l'Eglise est claire et elle a été rappelée dimanche par le pape. C'est de rappeler que le respect des personnes est impératif, qu'il faut être disponible à une solidarité effective», a précisé André Vingt-Trois. Celui-ci s'est dit hostile à ce qu'une communauté soit assimilée à une «culpabilité collective», «montrée du doigt». «Les évêques de France sont très soucieux depuis de nombreuses années» de la politique migratoire hexagonale, a rappelé leur porte-parole, Mgr Bernard Podvin.

«Une fêlure importante»

Précédemment, l'archevêque d'Arles (Bouches-du-Rhône) s'était ému des conditions d'expulsion de certains camps de Roms et avait jugé «inacceptables» les «discours sécuritaires qui peuvent laisser entendre qu'il y a des populations inférieures». Dimanche, un prêtre de Lille (Nord) avait fait grand bruit en dénonçant la «guerre» faite aux Roms selon lui. «J'étais étranger et vous m'avez accueilli», a renchéri hier l'archevêque de Clermont-Ferrand, citant l'Evangile selon saint Mathieu.Au même moment, l'ex-ministre Christine Boutin a constaté que cette question des Roms avait entraîné «une fêlure importante» entre son petit Parti chrétien-démocrate et l'UMP. Et, le matin même, le quotidien chrétien «La Croix» s'est élevé contre «la stigmatisation», «depuis plusieurs semaines», des gens du voyage. Le titre a relayé l'appel de l'aumônerie catholique de Lourdes à pétitionner contre «la politique raciste du gouvernement».Toutes ces prises de position issues de la mouvance catholique constituent-elles «une passe d'armes», voire «une offensive», de l'Eglise contre le pouvoir sarkozyste, comme l'analysaient plusieurs médias hier? En tout cas, tant le ministre de l'Intérieur que celui de l'Immigration se sont bien gardés de jeter de l'huile sur le feu. S'ils ont démenti toute inhumanité dans le sort des Roms, ils ont sobrement pris acte des positions de l'Eglise.

Séparation Eglise et Etat

Il faut dire que leur collègue Bruno Le Maire, qui avait rappelé la règle de la séparation entre l'Eglise et l'Etat, s'est pris une sèche réplique de l'archevêque de Clermont, pour qui «cette séparation n'est pas l'ignorance du bien commun». Avec cette controverse sur les Roms, comme jadis avec son style de pouvoir très ostentatoire et avec les «affaires» Frédéric Mitterrand, Jean Sarkozy ou Henri Proglio, l'Elysée est-elle en train de perdre le soutien de l'électorat catholique? «Il faut rester prudent», jugeait hier Jérôme Fourquet, de l'institut Ifop.

Un électorat mal pris

En 2007, Nicolas Sarkozy, grand zélateur des «racines chrétiennes» de la France et admirateur de Jean-Paul II, avait été massivement soutenu par l'électorat catholique: 37% des électeurs de cette confession avaient voté pour lui. Sociologiquement, les catholiques se retrouvent davantage dans deux groupes (les seniors et les femmes) qui, traditionnellement, votent à droite.Des électeurs qui «peuvent être sensibles aux positions de l'Eglise sur la question des Roms mais qui le sont aussi, de par leur composition sociologique, aux discours sur la sécurité», selon Jérôme Fourquet. Avant ce débat enflammé sur les Roms, une étude Ifop de 2010 avait confirmé l'ancrage à droite de l'électorat catholique - qui se déclare à 30,6% partisan de l'UMP, contre 25% pour le corps électoral dans son ensemble.

Bernard Delattre, Paris, dans la Liberté

L'Equatorienne renversée à Bel-Air se heurte à l'intransigeance de Berne

L'administration fédérale refuse de régulariser Mirta Palma, la femme grièvement blessée l'été dernier au centre-ville de Lausanne. Recours en vue.
Le terrible accident de l'été dernier à la place Bel-Air continue d'entraîner des effets en chaîne pour Mirta Palma. Cette Equatorienne sans papiers âgée de 55 ans, qui avait été grièvement blessée lors de l'accident, est sommée de quitter le pays dans les deux mois. L'Office fédéral des migrations (ODM) a rejeté fin juillet sa demande de permis humanitaire, malgré le préavis positif des autorités cantonales. L'avocat de Mirta Palma, Jean-Michel Dolivo, annonce le dépôt d'un recours au Tribunal administratif fédéral. Le 26 juin 2009, une voiture remorquée avait roulé sur un trottoir à la place Bel-Air, au centre-ville de Lausanne. Neuf personnes avaient été renversées, mais Mirta Palma avait été la seule à recevoir de graves blessures. C'est à cette occasion que sa situation irrégulière avait été dénoncée.
Les études de sa fille
Mirta Palma vit depuis 2002 en Suisse, où elle travaillait dans l'économie domestique jusqu'au jour de l'accident. Mère célibataire, elle consacrait une bonne partie de ses revenus aux études de sa fille cadette, restée en Equateur. Elle ne l'a pas revue depuis son départ pour la Suisse, la demande de visa ayant été refusée. Mirta Palma avait émigré après avoir perdu son poste de secrétaire de direction pour raisons économiques.
«Je n'ai plus de courage, réagit-elle. Cette nouvelle me laisse complètement démunie.» Elle dit aussi son incompréhension: «La Suisse passe pour le pays des droits de l'homme. Mais ce que l'on dit n'existe pas». Mirta Palma ne peut envisager de rentrer en Equateur, du moins pas tant qu'elle n'aura pas été soignée. Elle souffre encore de nombreuses séquelles, et devra prochainement subir une nouvelle opération de la cheville. «En Equateur, les soins coûtent très cher, et il n'y a pas de véritables spécialistes», affirme-t-elle. Mirta Palma suit également un traitement psychologique suite au traumatisme provoqué par l'accident.
Soins de bonne qualité
L'Office fédéral des migrations estime que la situation de l'Equatorienne ne justifie pas l'octroi d'un permis humanitaire pour cas d'extrême gravité. Ni la durée du séjour en Suisse, ni l'absence d'antécédents judiciaires, ni ses problèmes médicaux ne constituent des raisons de l'accueillir. L'ODM affirme que les infrastructures sanitaires en Equateur sont de bonne qualité, mais il n'aborde pas la question de leur accessibilité.
En outre, l'administration juge que «les problèmes physiques (de Mirta Palma, ndlr) ne représentent pas un obstacle dans la recherche d'un emploi ou à sa réinsertion dans le marché du travail». Une analyse qui provoque la colère de Jean-Michel Dolivo. «En revenant en Equateur à 55 ans avec un handicap, elle n'a aucune chance de trouver un emploi», lance l'avocat, qui milite au sein du Collectif vaudois de soutien aux sans-papiers.
L'administration a donné un délai de deux mois à Mirta Palma pour quitter le pays. Mais la procédure de renvoi devrait être suspendue jusqu'au verdict du Tribunal administratif fédéral. Malgré plusieurs tentatives, nous ne sommes pas parvenus à joindre hier le ministre vaudois de l'Intérieur, Philippe Leuba.
Disparités entre cantons
Les régularisations de sans-papiers se font au compte-gouttes. L'année passée, la Suisse n'a délivré que 88 permis humanitaires. De fortes disparités existent entre les cantons, ces derniers étant libres de transmettre ou non les demandes à Berne. En 2009, seuls deux cantons ont fait cet effort: Genève (138 demandes, 63 réponses positives) et Vaud (39 demandes, 22 réponses positives). Berne, Fribourg, Argovie et le Jura ont déposé chacun un seul dossier, et les autres cantons aucun.

Michaël Rodriguez dans le Courrier

Permis humanitaire refusé à Mirta Palma

Fauchée sur un trottoir à Bel-Air, il y a un peu plus d’une année, l’Equatorienne sans-papiers vient de voir sa demande rejetée par l’Office des migrations. Son avocat va faire recours.

Mirta Palma

Il y a un peu plus d’une année, Mirta Palma se faisait faucher sur un trottoir de la place Bel-Air, à Lausanne, par une voiture remorquée. Beaucoup avaient été touchés par le sort de cette Equatorienne sans-papiers, d’autant plus que trois semaines plus tard, elle recevait un avis d’expulsion du Service cantonal de la population (Spop).

Mirta Palma vient de recevoir une mauvaise nouvelle: malgré un préavis cantonal positif, l’Office fédéral des migrations vient de rejeter sa demande de permis humanitaire. «L’Office considère que sa situation n’est pas très différente de celle de ses compatriotes équatoriens sans-papiers, résume son avocat, Jean-Michel Dolivo. Il reconnaît qu’elle supporte des séquelles physiques et psychiques de l’accident, mais estime que l’Equateur dispose des structures nécessaires pour la recevoir.»

Mirta Palma dispose de huit semaines pour quitter le pays. Jean-Michel Dolivo annonce qu’il va faire recours. «J’espère que le tribunal va reconnaître, comme le canton, que Mirta Palma se trouve dans un cas personnel d’extrême gravité. Elle souffre toujours de douleurs à la marche et de boiterie. Son traitement se poursuit et elle doit encore se faire opérer.»

Bonne nouvelle toutefois, les soins médicaux de l’Equatorienne ont été pris en charge par son assurance-maladie.

S. MR dans 24 Heures

Vaud cherche des projets d’intégration

Le canton se fait le Père Noël des associations, grâce à un fonds annuel de 1,155 million destiné à subventionner des projets d’intégration.

En 2010, 53 formations de langues – qui se déclinent en 150 cours de français et 30 ateliers – ont été soutenus par le canton, qui ont permis d’améliorer l’intégration de 2000 étrangers.

Le Bureau cantonal pour l’intégration des étrangers et la prévention du racisme lance un nouvel appel aux projets pour 2011, qui peuvent aussi concerner des initiatives pour la cohabitation dans les quartiers et la lutte contre le racisme.

Associations, collectivités, écoles, communes ont jusqu’au 15 octobre 2010 pour déposer leur dossier, qui pourrait ainsi obtenir 70% de financement. Caritas, Français en jeu, Appartenances figurent parmi les plus importants bénéficiaires. Mais les modestes associations locales et les Commissions culturelles des communes peuvent aussi s’annoncer. Celles-ci ont d’ailleurs perçu 30% de l’enveloppe à disposition en 2010.

Le canton de Vaud dispose d’un fonds de 450 000 francs, auquel s’ajoutent 705 000 francs octroyés par la Confédération. Les associations intéressées sont pléthore, mais certaines régions sont proportionnellement moins bien dotées en offre linguistique que d’autres, telles La Côte, Morges et la vallée de Joux. «La typologie de la population étrangère plus favorisée socialement à La Côte peut expliquer la différence. Mais l’idée, ici, est d’être transparent face au public et de susciter des envies et des initiatives», commente Fanny Spichiger, déléguée à l’intégration des étrangers.

L. AUR dans 24 Heures