mix & remix
mercredi 9 avril 2008
Genève: l'apprentissage aussi pour les sans-papiers ?
IMMIGRATION - La proposition des démocrates-chrétiens vise aussi à relancer le débat sur les régularisations.
En 1985, une fillette était le premier enfant clandestin à intégrer l'école genevoise. Depuis, tous les élèves, quel que soit le statut de leurs parents, sont scolarisés. Le Parti démocrate-chrétien (PDC) souhaite aujourd'hui faire un pas supplémentaire. Dans une motion qui sera déposée au Grand Conseil, il propose d'ouvrir l'apprentissage en entreprise aux sans-papiers. Cette mesure ne concernerait que les jeunes qui ont effectué leur scolarité à Genève. «Ceux qui, à 15 ou 16 ans, trouvent un patron prêt à les engager pour un apprentissage sont bloqués», pointe la députée Anne-Marie von Arx Vernon, rappelant que les sans-papiers ont, en revanche, accès à l'enseignement post-obligatoire et aux écoles de métiers. L'ouverture aux sans-papiers «ne pénaliserait pas les jeunes Suisses», continue l'ancien conseiller d'Etat Carlo Lamprecht. «Car, quoi qu'on en dise, les places d'apprentissage existent.» Pour permettre l'embauche de sans-papiers, les démocrates-chrétiens prônent la mise en place par l'Etat d'un «chèque apprentissage» qui fonctionnerait sur le modèle du chèque service. Ce dispositif permet aux particuliers qui emploient des femmes de ménage ou des gardes d'enfants de payer leurs cotisations sociales sans qu'elles soient dénoncées et expulsées.
Le PDC voit sa motion comme un moyen de prévenir la violence juvénile mais aussi comme «un retour sur investissement». «Quand l'Etat dépense 100 000 francs sur dix ans pour scolariser un élève et qu'ensuite ce dernier ne s'insère pas sur le marché du travail, c'est du gâchis», plaide Mme von Arx Vernon. Quitte ensuite à se faire expulser? «Au moins, la personne rentrera dans son pays avec une formation», positive M. Lamprecht. L'ancien conseiller d'Etat rappelle qu'il était monté à Berne à plusieurs reprises pour demander la régularisation des quelque 5000 clandestins de l'économie domestique séjournant à Genève (estimation datant de 2004). L'accueil, se souvient-il, avait été glacial et la demande genevoise «avait fini en queue de poisson». Maintenant que Christoph Blocher a été remplacé, la motion sur les apprentis se veut une «piqûre de rappel» au gouvernement actuel afin qu'il relance la demande genevoise. Cependant, pour le PDC, pas question de régularisation collective mais d'approche au cas par cas.
SIMON PETITE
France: statistique de l'asile 2007
La demande d'asile a baissé de 9,7% en France en 2007 pour la quatrième année consécutive, cédant, pour la première fois, à un autre pays européen - la Suède - le premier rang de destination de l'asile.
Lire l'article de l'Express
La chasse au sans-papiers tue!!! Un exemple
Il y avait du soleil lorsque je suis sortie du RER, j'ai traversé la
rue. Le trajet est agréable pour aller au laboratoire de cinéma de GTC : on descend l'avenue, on passe le pont sur la Marne, un peu d'eau, de douceur, tout près de Paris.
J'ai été légèrement bousculée par un jeune homme, une allure d'adolescent, il courait comme un fou; j'ai entendu une voix hurler : "Arrêtez-le ! Police !!! Arrêtez-le !" Le jeune homme était alors au niveau d'un vieil homme qui l'a laissé passer sans pouvoir réagir. Deux policiers en civil m'ont alors dépassée ; eux aussi couraient comme des dératés.
J'ai vu le jeune homme dévaler l'avenue, les deux policiers derrière lui. Je me suis dit que lorsqu'on est poursuivi on trouve dans son corps toute l'énergie pour aller vite, qu'on est irrattrapable, et pourtant les policiers ne ménageaient pas leur peine.
Je me suis demandé ce qu'il avait fait, agression, trafic de drogue ? Le jeune homme a tourné à gauche avant le pont. Les policiers épuisés ont ralenti. Je me suis dit qu'il avait gagné, leur avait échappé.
Le vieux monsieur est arrivé à mon niveau, il m'a dit : "C'est à vous qu'il a volé quelque chose ?" Il se sentait un peu coupable de ne pas avoir intercepté le jeune homme. J'ai dit que non, que je ne savais pas de quoi il s'agissait.
J'ai regardé à nouveau en bas de l'avenue. Un des policiers montait à l'arrière d'un scooter qu'il paraissait avoir intercepté, le scooter est parti et a disparu dans la direction qu'avait prise le jeune homme. L'autre policier est resté au niveau du pont et regardait dans cette
direction.
J'ai descendu l'avenue jusqu'au pont. Le policier était sur le pont lui aussi, il avait une oreillette et regardait l'eau au loin. Je voyais à une centaine de mètres le policier du scooter qui scrutait l'eau et les environs. J'ai ralenti, moi aussi j'ai regardé, je n'ai rien vu. Je me disais que si le jeune homme était dans l'eau, je le verrais, qu'il n'avait pas eu le temps de traverser à la nage le bras de la rivière.
J'ai pensé qu'il était peut-être parti de l'autre côté ou bien qu'il se cachait quelque part le long de la rive. Le policier, sur le pont, regardait aussi, puis il regardait son collègue, petit sur la rive. Un
autre homme avait rejoint le policier au loin. J'ai attendu une minute ou deux, rien ne se passait. Alors j'ai continué ma route en me disant qu'il avait réussi à s'échapper.
Ce soir, je lis sur le Net : "Mort d'un sans-papiers poursuivi par la police." L'information dit qu'il a 29 ans, est malien, qu'après un contrôle dans le RER il a fui, s'est jeté dans la Marne et a fait un
arrêt cardiaque. Il est mort à l'hôpital peu de temps après son admission.
J'ai envie de vomir. La mort d'un homme pour ça ? Cette poursuite démente pour un homme qui court et n'a rien fait ? Pas un criminel, même pas un petit délit de vol à la tire, non, juste un homme qui court parce qu'il n'a pas de papiers et vient mourir dans cette rivière de la
banlieue parisienne.
Que se serait-il passé sans cet acharnement, sans ce scooter ? Le policier sur le pont était d'origine étrangère ; qu'est-ce que ça lui fait de vivre avec ce moment-là dans la tête, de savoir que cette course acharnée a tué un homme ? Ces deux policiers si convaincus sont les
artisans zélés d'ordres terrifiants. Quelque part en haut, dans la sphère politique, quelqu'un a déclaré une guerre impitoyable à ces hommes et ces femmes venus de loin pour essayer de vivre ici un peu mieux.
D'autres hommes prennent le relais, décident de stratégies policières, de mesures à prendre pour lancer la chasse à l'homme et l'exclusion du territoire. Au bout de la chaîne, deux policiers courent sans savoir après qui, ni pourquoi, juste parce qu'un jeune homme court et qu'il est
présumé sans papiers.
C'est insupportable, et nous le supportons.
De quelle démocratie parle-t-on?
invité de la rubrique Réflexions
du 24 Heures
Il est parfois étonnant de voir à quel point certains débats politiques passent inaperçus. Tel a été le cas pour le droit de vote des étrangers sur le plan cantonal, pourtant âprement discuté au Grand Conseil en début d’année. Une initiative constitutionnelle visant à attribuer le droit de vote et d’éligibilité sur le plan cantonal aux étrangers ayant vécu dix ans en Suisse et trois ans dans le canton a été rejetée de justesse, à une voix près. Les médias s’en sont très peu fait l’écho et la discussion n’a pour ainsi dire pas dépassé les murs de l’arène politique.
Il s’agit pourtant de l’une des discussions actuelles les plus importantes en matière de droits démocratiques. Dans un monde de plus en plus multiculturel, où la migration concerne des millions de personnes, la démocratie se doit d’évoluer. Il est injuste et choquant que des personnes établies depuis de nombreuses années dans le canton, y payant leurs impôts et contribuant à sa prospérité, n’aient pas voix au chapitre.
Il se pourrait que ce débat revienne quelque peu sur le devant de la scène – certes indirectement – à l’occasion de la campagne en vue de la votation du 1er juin sur l’initiative pour des naturalisations par les urnes. En effet, les opposants à l’attribution du droit de vote aux personnes étrangères font systématiquement le lien avec les naturalisations. C’est même leur principal argument: puisque les étrangers ont la possibilité de se faire naturaliser, il n’y aurait pas, selon eux, matière à se poser la question du droit de vote.
Cette argumentation n’est pas soutenable, pour au moins deux raisons.
Tout d’abord, il faut voir que ceux qui vantent les mérites de la naturalisation pour justifier le refus du droit de vote des étrangers ont un double langage. Ce sont en effet les mêmes qui cherchent à rendre les naturalisations plus restrictives, notamment avec l’initiative pour des naturalisations par les urnes. Cette attitude manque ainsi singulièrement de courage. Il serait beaucoup plus transparent – mais évidemment bien plus difficile à assumer – de dire clairement que l’idée qu’une personne étrangère donne son avis sur les affaires du canton dérange profondément.
L’autre raison tient à la conception du droit de vote. Je suis d’avis que le droit de vote sur le plan cantonal ne doit pas nécessairement être lié au fait d’avoir le passeport à croix blanche. Un grand nombre de personnes étrangères et établies depuis «toujours» en Suisse sont plus impliquées dans la vie publique que certains Suisses. Les expériences faites avec le droit de vote au niveau communal semblent concluantes et vont exactement dans ce sens.
L’initiative concernant les naturalisations par les urnes porte le nom fallacieux d’initiative «pour des naturalisations démocratiques», alors qu’elle les rend en réalité plus restrictives et plus arbitraires. Ne nous y trompons pas. Si l’on durcit encore davantage les règles de la naturalisation et que l’on refuse parallèlement d’accorder le droit de vote aux étrangers sur le plan cantonal, c’est bien la démocratie qui est au final la grande perdante…