Un ex-policier ouïgour a refusé de monter dans un avion pour Rome. Ses motifs sont-ils solides? Enquête.
Nijiati Abudureyimuse bat pour ne pas être expulsé vers l’Italie. Ayant refusé mercredi dernier de monter dans un avion pour Rome, il est retourné dans un centre de requérants d’asile neuchâtelois. L’homme, qui dit avoir été le témoin de scènes d’exécution, de torture et de trafic d’organes en Chine, espère maintenant obtenir l’asile en Suisse.
Le problème, c’est que les accords de Dublin stipulent que les demandes d’asile ne peuvent être adressées qu’au pays d’arrivée du requérant. Or, avant d’aboutir en Suisse, Nijiati Abudureyimu est passé par l’Italie. C’est pourquoi l’Office fédéral des migrations (ODM) n’est pas entré en matière sur sa demande.
Manque de structures
Pour justifier son combat, Nijiati Abudureyimu invoque d’abord l’absence de structures d’accueil en Italie. A raison, explique Richard Greiner, juriste à l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR): «Les pays de première entrée comme l’Espagne, la Grèce et l’Italie sont les pays qui reçoivent le plus d’immigrés. Ils ne possèdent pas les structures adéquates pour accueillir ce flot de requérants. L’examen des demandes y est très sommaire, et elles ont peu de chance d’être acceptées. C’est logique que les immigrés essaient de fuir vers d’autres pays. »
Pour Nijiati Abudureyimu, par ailleurs, retourner en Italie signerait son arrêt de mort. Il est persuadé que l’importante communauté chinoise d’Italie (200 000 personnes) abrite des infiltrés du gouvernement chinois. Paranoïa? «Même en Suisse, il y a des personnes infiltrées par leur gouvernement au sein des communautés étrangères», affirme Manon Schick, porte-parole d’Amnesty International.
«Notre tradition humanitaire vacille»
«Nijiati Abudureyimu est libre de solliciter la protection des autorités italiennes s’il se sent menacé, réplique Michael Glauser, porte-parole de l’ODM. Nous ne doutons pas que l’Italie dispose d’un système judiciaire compétent. » Pour Richard Greiner, de l’OSAR, «l’accord de Dublin est une véritable affaire pour l’ODM. Les statistiques montrent que la Suisse se décharge sur d’autres pays de nombreux dossiers grâce à Dublin. De quoi faire vaciller la tradition humanitaire de notre pays. »
Un article de la Tribune de Genève