samedi 13 novembre 2010

Migreurop dénonce l'externalisation par l'UE de sa politique migratoire

Le réseau Migreurop, qui regroupe une quarantaine d'associations européennes et africaines, livre une charge virulente contre l'externalisation par l'Union européenne de sa politique migratoire, dans son deuxième rapport annuel sur les frontières de l'Europe rendu public vendredi à Madrid.

Exemples à l'appui, le réseau dénonce l'attitude de l'UE qui "par la menace d'une remise en cause des accords de coopération et d'aide au développement" contraint les pays tiers à "non seulement réadmettre chez eux les migrants chassés d'Europe mais aussi, sur leur territoire, de les empêcher d'entreprendre leur voyage vers ses portes".

"De la région de Calais, en France, aux marches de la Turquie et à la mer Adriatique, des parages de Gibraltar au désert sahélo-saharien et aux nouveaux pays membres à l'est de l'Union européenne, une sous-traitance des contrôles migratoires s'effectue en chaîne, parfois très loin de l'Union mais aussi en son sein, tout particulièrement quand il s'agit de se renvoyer de pays à pays des demandeurs d?asile jugés indésirables", note le rapport, intitulé "aux frontières de l'Europe, contrôles, enfermements, expulsions".

"Toute une population d'exilés se trouve ainsi soumise, des deux côtés des frontières de l?Europe, soit à l'incarcération arbitraire, soit à l'errance et aux vexations permanentes d'un environnement hostile", s'insurgent les ONG.

Ce rapport est publié alors que pour la première fois, un pays de l'espace Schengen, la Grèce, a fait appel à la solidarité européenne qui s'est traduite par le déploiement des forces militarisées de l'agence Frontex à la frontière gréco-turque, devenu un passage privilégié des migrants.

Migreurop tient à rappeler que "le droit, reconnu par les traités internationaux, à quitter tout pays et à demander protection ailleurs, est vidé de son sens si les candidats à l'émigration ou à l'asile sont assignés à résidence ou retenus en route".

De plus en plus, les pays européens, à l'instar de la France et de l'Italie qui a conclu un accord avec la Libye, tentent d'intercepter les migrants avant même qu'ils arrivent sur le territoire de l'UE où ils peuvent demander l'asile.

Jouant sur la rhétorique d'une immigration africaine incontrôlée et envahissante, le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi avait demandé, en août, à l'Union européenne au moins 5 milliards d'euros par an pour stopper les migrants si les gouvernements voulaient éviter une Europe "noire".

AFP

Une centaine de personnes dénoncent un mépris du droit d'asile à Bordeaux

Une centaine de manifestants, selon la police, s'est rassemblée samedi après-midi devant l'hôtel de ville de Bordeaux pour dénoncer un "mépris du droit d'asile" concernant quatre familles qui campent dans une situation d'"extrême précarité" sur une place bordelaise.

"Il pleut, il fait froid, des familles avec des bébés dorment dehors: demandeurs d'asile à la rue", pouvait-on lire sur une affiche déployée sur le parvis de la mairie.  "Non au mépris du droit d'asile", proclamait encore la plus grande banderole. Les manifestants, répondant à l'appel d'un collectif Asile réunissant notamment la Cimade, la LDH, le DAL, RESF, Amnesty International, ont demandé que ces quatre familles, dont deux enfants de 10 mois, soient "hébergés de façon digne comme l'exigent une directive européenne sur l'accueil des demandeurs d'asile et la convention internationale sur les droits de l'enfant", a indiqué à l'AFP Me Lucile Hugon, avocate d'une des familles et membre de l'Institut de défense des étrangers (IDE). Selon elle, ces quatre familles campent sur une place transformée en "marécage" avec les pluies des derniers jours et "pataugent dans la gadoue" sans toilette publique ni équipement pour réchauffer leur nourriture.

Le tribunal administratif de Bordeaux vient d'enjoindre le préfet de Gironde d'indiquer un lieu d'hébergement à l'une de ces familles, un couple géorgien et ses deux enfants de 9 ans et 10 mois, considérant que "le préfet de Gironde a porté au droit constitutionnel d'asile des intéressés une atteinte grave et manifestement illégale", selon une ordonnance du 10 novembre dont l'AFP a une copie.
Selon Me Hugon, l'IDE a introduit plus d'une quinzaine de référés similaires et obtenu chaque fois "gain de cause". "On est dans une situation ubuesque", a-t-elle ajouté, soulignant qu'"il n'y a pas d'afflux massif de demandeurs d'asile" en Gironde qui reçoit 1,2% des demandeurs.

AFP relayée par le Parisien

A quoi sert la question subsidiaire ?

En cas de double oui à l’initiative et au contre-projet, le 28 novembre, c’est la question subsidiaire qui fera pencher la balance.

28-11 bulletin de voteEmotionnelle et compliquée: c’est ainsi qu’apparaît la votation du 28 novembre prochain sur le renvoi des étrangers criminels. Compliquée car, en fait, le vote est triple. Le citoyen doit voter pour ou contre l’initiative, mais aussi pour ou contre le contre-projet. Le double oui est possible. Enfin, le citoyen doit répondre à une question subsidiaire qui permettra de départager l’initiative du contre-projet dans le cas d’une double acceptation.

Tous les votants doivent indiquer leur préférence, même ceux qui auront rejeté et l’initiative et le contre-projet. C’est dire que cette question subsidiaire pourrait se révéler cruciale et permettre la victoire finale du contre-projet, même si ce dernier reçoit moins de suffrages que l’initiative.

Oui à l’initiative. Oui au contre-projet. Que l’initiative l’emporte avec plus de suffrages que le contre-projet n’est pas déterminant. Ce double oui actionne la question subsidiaire pour départager les deux vainqueurs.

Scénario plausible: l’initiative UDC fait la course en tête avec plus de 55% de suffrages exprimés, le contre-projet arrive péniblement à 51%. Les deux textes sont acceptés. On décompte alors les résultats de la question subsidiaire, en remettant les compteurs à zéro. Est dès lors pris en compte uniquement le choix coché dans la question subsidiaire. Et ce, quel que soit le vote du premier tour.

Un vote compliqué

Face à une procédure de vote compliquée et qui pourrait faire basculer les résultats, l’UDC n’a voulu prendre aucun risque. Dans sa communication, le parti reproduit un fac-similé du bulletin de vote qui montre qu’il faut dire oui à l’initiative, non au contre-projet et cocher «initiative» dans la case de la question subsidiaire.

«La peste et le choléra»

Pères du contre-projet, les partis du centre-droite – libéral-radical (PLR), démocrate-chrétien (PDC) et bourgeois démocratique (PBD) – appellent les électeurs à voter d’abord le contre-projet et à confirmer ce choix dans la question subsidiaire. Ils viennent d’être rejoints par le groupe socialiste dissident – formé de parlementaires alémaniques et de dix sections cantonales du PS – qui soutient ainsi la position de leur nouvelle ministre de Justice et Police, Simonetta Sommaruga.

Le Parti socialiste, dans sa ligne officielle, défend, lui, le double non. Mais, face à la menace de voir l’initiative de l’UDC l’emporter, le congrès a donné une consigne de vote. Il appelle les électeurs à cocher le contre-projet dans la question subsidiaire. Ce report de voix lors de ce «second tour» pourrait permettre au contre-projet de doubler l’initiative sur la ligne d’arrivée.

Les Verts, eux, refusent de choisir «entre la peste et le choléra». Ils campent donc sur le double non, sans donner de consigne de vote pour la question subsidiaire.

Casse-tête idéologique

Comment sera fait le décompte des voix? Très logiquement, tous les bulletins dont la question subsidiaire n’est pas cochée n’entrent pas en ligne de compte dans le deuxième décompte. Un non-choix, comme celui des Verts, qui pourrait donc faire le jeu de l’initiative UDC, que les sondages voient arriver en tête lors du premier tour.

Un vrai casse-tête idéologique pour les adversaires acharnés de tout durcissement de la Constitution en matière d’expulsion des étrangers criminels.

Xavier Alonso, Berne, pour 24 Heures


Les scénarios

Le double oui – à l’initiative et au contre-projet – paraît probable. Mais que se passe-t-il dans les autres cas? Les autres scénarios possibles

1° Le «deux fois non» l’emporte

Initiative comme contre-projet n’obtiennent pas de majorité. La loi actuelle perdure. Et la question subsidiaire ne sert à rien.

2° Oui à l’initiative. Non au contre-projet

Là aussi, la question subsidiaire ne sert à rien. L’initiative entre alors en vigueur. Les plus féroces opposants à l’initiative tablent sur ce scénario en faisant le pari que l’initiative sera inapplicable ou invalidée par la Cour européenne des droits de l’homme.

3° Non à l’initiative. Oui au contre-projet

La question subsidiaire ne sert à rien. Le contre-projet entre en vigueur. Le texte concocté par le parlement étant conforme aux principes du droit national et international, il n’y a aucune chance de voir l’application de la loi se perdre dans les méandres du juridisme et des recours devant les instances européennes.

4° Oui à l'initiative. Oui au contre projet

Lire le texte principal ci-dessus

La justice vole au secours d'un ex-détenu de Guantanamo

guantanamoLe Tribunal administratif fédéral renvoie sèchement à l’Office fédéral des migrations le dossier d’un Libyen débouté qui réclame l’asile à la Suisse après huit ans de détention.

C’est un dossier embarrassant que les fonctionnaires de l’Office fédéral des migrations (ODM) vont devoir réexaminer. Celui d’un Libyen libéré en février dernier du camp de Guantanamo et qui demande l’asile à la Suisse. L’ODM l’avait débouté une première fois en 2008, estimant ne pas devoir accorder l’asile à un homme sans aucun lien avec la Suisse et qui, parce qu’il lui était arrivé de fréquenter en Afghanistan des membres d’organisations terroristes, était indésirable ici. Mais l’homme, arrêté en 2002 et enfermé huit ans, jusqu’en février 2010, dans la tristement célèbre base américaine de Cuba, a fait recours et vient d’obtenir une victoire partielle.

Dans un jugement diffusé vendredi auprès des médias, mais qui ne sera pas mis en ligne afin de protéger l’intéressé, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a admis le recours et renvoyé le dossier à l’ODM. Les juges l’ont sèchement fait savoir: sur de nombreux points, l’instruction des faits menée par l’ODM est très lacunaire et doit être reprise et approfondie. C’est le deuxième cas concernant un ex-détenu de Guantanamo que les juges du TAF retournent à l’ODM pour nouvel examen.

Ce ressortissant libyen avait déserté les forces armées de son pays avant de se rendre en Afghanistan, où il s’est marié, puis au Pakistan où il a été arrêté lors d’une opération menée dans le cadre de la lutte contre le terrorisme islamique après les attentats du 11 septembre 2001.

Transféré à Guantanamo, il a pu y subir au cours de sa détention des traitements qui ont altéré sa santé psychique, notent les juges. Il se trouve actuellement en Albanie, à laquelle il a été remis après sa libération au début de cette année, sur la base des accords que les Etats-Unis ont obtenus avec plusieurs pays, dont la Suisse, pour résoudre le problème majeur qu’est devenu, au fil des années, le camp de Guantanamo.

L’arrivée du Libyen en Albanie s’est produite alors que la procédure était déjà pendante devant le Tribunal administratif fédéral. Des investigations plus approfondies, et qui incombent à l’ODM et non au tribunal, souligne ce dernier, doivent maintenant être menées pour savoir si l’Albanie est en mesure de lui offrir des conditions d’accueil supportables compte tenu de son état de santé. Les informations apportées par son avocat en Suisse, et citées dans le jugement, sont peu rassurantes à cet égard, même si l’Albanie est signataire de la Convention sur les réfugiés. La prise en charge des ex-détenus de Guantanamo par Tirana serait pour le moins précaire.

La possibilité d’une audition personnelle du requérant par l’intermédiaire de l’ambassade de Suisse à Tirana devra être examinée, enjoignent les juges. Ceux-ci déplorent que l’ODM n’ait pas trouvé le moyen jusqu’ici de l’entendre personnellement, alors que par ailleurs la Suisse avait été en mesure de dépêcher à Guantanamo une délégation chargée d’examiner les dossiers de divers détenus libérables que le Conseil fédéral envisageait d’accueillir à titre humanitaire. Le Libyen ne semble pas avoir été inclus dans cette opération, qui a débouché sur la venue dans le canton du Jura de deux Ouïgours chinois.

A supposer que la poursuite de son séjour en Albanie ne paraisse pas pouvoir lui être imposée, l’ODM devra reprendre la question des risques qu’un accueil du Libyen en Suisse représenterait pour la sécurité, compte tenu des liens qu’il aurait pu entretenir avec le terrorisme islamique.

Sur ce point également, les juges invitent l’administration à plus de retenue dans ses appréciations. Des indices laissent penser que le Libyen a été la victime d’une arrestation arbitraire, après que sa tête a été mise à prix. Il est peu probable que les Américains l’auraient libéré s’ils avaient estimé qu’il représentait un danger. L’ODM ne pourra se référer sans autre précaution aux actes d’enquête des autorités militaires américaines, qui ne répondent pas aux impératifs de l’Etat de droit, souligne le TAF.

Quoi qu’il en soit, un renvoi vers la Libye n’est pas envisageable, c’est l’un des rares points sur lesquels les fonctionnaires de l’ODM et les juges sont d’accord. S’il venait à tomber aux mains du régime de Tripoli, ce déserteur risquerait d’être torturé. Le peu de garanties offertes par la Libye sur le plan du respect des droits de l’homme doit inciter à la plus grande prudence.

Denis Masmejan dans le Temps

Arrêt E-8015/2008 du 8 novembre 2010.

Ce que dévoile le refus d'abriter le congrès de l'UDC à l'Université de Lausanne

Antoine Chollet, chercheur en science politique à l'UNIL, est l'invité de la rubrique Réflexion du quotidien 24 Heures.

antoine cholletLe refus de l’Université de Lausanne d’accueillir en ses murs le congrès de l’UDC peut soulever des interrogations légitimes. Quelques semaines après avoir reçu le Parti socialiste, la discrimination paraît en effet flagrante. Même l’argument de la sécurité invoqué par la direction de l’établissement semble un peu forcé. Depuis quand l’expression d’une parole hérétique devrait-elle être exclue d’une Université sous la menace de désordres possibles?

L’essentiel n’est pourtant pas là. Les péripéties entourant l’organisation du congrès du parti nationaliste nous rappellent opportunément que, décidément, l’UDC n’est pas tout à fait un parti comme un autre. Ses rassemblements ou la venue de certains de ses chefs sont régulièrement émaillés d’échauffourées diverses, savamment entretenues, sinon provoquées, par le parti. On se souvient d’un congrès organisé à La Chaux-de-Fonds et de la venue de Christoph Blocher au Marché-Concours de Saignelégier ou au Comptoir Suisse, à Lausanne, il y a quelques années. A chaque fois, le lieu est choisi à dessein, et la scène dressée pour opposer un parti, forcément démocratique, à des «casseurs anonymes», forcément décervelés.

Ces évènements doivent nous rappeler que l’UDC divise très profondément la société suisse, qu’elle alimente les polémiques sur lesquelles son succès repose, et qu’elle se place systématiquement dans une logique conflictuelle exacerbée. La démocratie est et doit être conflictuelle, c’est évident (même s’il est parfois difficile de le faire admettre en Suisse). Mais pour que ce conflit demeure démocratique, il doit reposer sur la franchise de toutes les parties en présence. Or l’UDC n’en fait pas preuve: elle se repaît de l’agitation qu’elle provoque partout, l’attise par des affiches et des propos scandaleux, et se fiche éperdument des conséquences possibles de ses propositions politiques. Son but, c’est d’être à la une de tous les médias. Dans ces conditions, le dé- bat politique ne peut plus être mené démocratiquement, il est faussé par la duplicité d’un de ses protagonistes.

Alors même que la Suisse est prise dans l’une de ces campagnes politiques créées de toutes pièces par l’UDC, l’affaire du congrès raté à l’Université de Lausanne vient à point nommé nous remettre en mémoire quelques-unes des actions de ce parti passé maître dans l’art de la manipulation politique.

Au moment de voter, le 28 novembre, peut-être ne sera-t-il pas complètement absurde de considérer aussi cet aspect, et de voir que, sur la question posée aux citoyens et citoyennes suisses, les provocations répétées de l’UDC lui ont permis, patiemment, de rallier à ses thèses toute la droite et une minorité du Parti socialiste. La victoire la plus éclatante des stratèges de l’UDC est ainsi de réussir à faire croire qu’ils perdent, lorsqu’en réalité ils gagnent sur tous les fronts.