La France s'est retrouvée sur le banc des accusés, mardi au Parlement européen, en raison de sa politique à l'égard des Roms, jugée "inacceptable" par de nombreux élus. La Commission européenne a été moins vive mais a demandé à la France de mieux garantir les droits des citoyens européens qu'elle expulse.
C'est au Parlement que les attaques contre la politique française vis-à-vis des Roms ont été les plus dures. Les groupes libéral, socialiste, vert et communiste du Parlement ont présenté des projets de résolution condamnant les expulsions de citoyens roumains et bulgares vers leur pays d'origine par les autorités françaises. Un vote doit intervenir jeudi sur la question. Le chef des libéraux, Guy Verhofstadt, a mis en garde contre la "tentation populiste, parfois raciste", qui s'exprime selon lui en France et dans d'autres pays de l'UE. Le chef de file des socialistes, l'Allemand Martin Schulz, a quant à lui dénoncé "une chasse aux sorcières" contre les Roms.
Le gouvernement français a dénoncé ces attaques de la part de certains députés européens. "J'ai trouvé des propos, dans la bouche d'eurodéputés, totalement excessifs et injustes à l'égard de la politique de la France à l'égard des Roms", a affirmé Pierre Lellouche, le secrétaire d'Etat français aux affaires européennes. M. Lellouche, qui doit se rendre jeudi et vendredi à Bucarest avec le ministre de l'immigration, Eric Besson, a de nouveau mis en cause la Roumanie, d'où vient l'immense majorité des Roms qui cherchent à émigrer vers l'Europe de l'Ouest.
LA COMMISSION EUROPÉENNE PLUS CLÉMENTE
De son côté, la Commission européenne, qui avait été interpellée sur la question des expulsions de Roms en France, a été moins dure que les eurodéputés. Tout en rappelant que les Roms ne devaient pas devenir des "boucs émissaires", la commissaire européenne chargée de la justice, Viviane Reding, s'est déclarée satisfaite des "garanties" que lui a fournies le gouvernement français pour justifier sa politique de reconduction."Grâce à un dialogue très intense entre la Commission et les autorités françaises au cours des dernières semaines, une évolution certaine se dessine, a estimé Mme Reding. La France a bien expliqué qu'il n'y avait pas d'action ciblée contre les Roms."
La Commission européenne a cependant demandé à la France de donner force de loi aux garanties de procédures accordées aux personnes expulsées par le droit communautaire. Selon des sources proches de la Commission, la France n'a pas intégré ces éléments prévus dans une directive de 2004 sur la liberté de circulation dans l'Union européenne en estimant qu'ils découlaient de sa jurisprudence. Ces garanties concernent le délai d'un mois dont doit bénéficier toute personne visée par une mesure d'expulsion ou le principe de "proportionnalité" qui exige de prendre en compte la situation de la personne au regard de la décision qui la touche.
Le président de la Commission, José Manuel Barroso, qui a rencontré Nicolas Sarkozy, lundi soir à Paris, a quant à lui insisté sur les "obligations" qui s'imposent à tous les citoyens européens. "Il faut toujours mettre l'accent entre la liberté de circulation et la sécurité. Sinon, nous aurons un danger d'exploitation de ces questions par des forces extrémistes qui pourront exploiter de façon populiste le sentiment d'insécurité."
DES PROCÉDURES TOUJOURS EN COURS
Viviane Reding a indiqué qu'elle attendait des informations complémentaires du gouvernement français avant de juger si la France avait respecté le droit européen. La commissaire luxembourgeoise informera le collège des commissaires de son analyse "la semaine prochaine". Elle a laissé entendre qu'elle n'hésiterait pas à poursuivre en justice la France ou tout autre Etat membre en cas de traitement discriminatoire à l'égard des Roms.
Viviane Reding a par ailleurs demandé l'organisation d'une réunion ministérielle européenne sur la situation des Roms. Un groupe de travail de "haut niveau" devrait voir le jour pour débattre de la "non utilisation ou la mauvaise utilisation" des fonds européens destinés à l'intégration des 12 millions de Roms européens. "Les fonds sont disponibles. Ils ne sont pas utilisés pour régler le problème parce qu'il se pourrait qu'il ne soit pas très populaire au sein des Etats membres d'utiliser les fonds européens pour aider la population Rom", a dit Viviane Reding.
En août, le Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale avait rappelé la France à l'ordre, l'exhortant à "éviter" les renvois collectifs de Roms et les "discours politiques discriminatoires". Le pape Benoît XVI avait lui aussi exprimé sa désapprobation sur le sujet, appelant, en français, "à savoir accueillir les légitimes diversités humaines".