mercredi 16 avril 2008

Occupations de sans-papiers en France et paroles d'employeurs

Ces patrons qui défendent les sans-papiers

Raphaëlle Remande
LIBERATION.FR : mercredi 16 avril 2008



En Ile-de-France, une vingtaine de lieux sont toujours occupés par des sans-papiers qui demandent leur régularisation. Certains chefs d'entreprise leur ont apporté leur soutien. Paroles.

«Nous sommes passé de 200 à 350 sans-papiers mobilisés. Ils n'ont plus rien à perdre et ils sont déterminés», affirme Jean-Claude Amara, porte-parole de Droits devant!, qui, avec la CGT, soutient le mouvement de salariés en situation irrégulière en grève depuis hier matin. Alors qu'une action est prévue à 17 heures devant le ministère du travail, Jean-Claude Amara invite les patrons à se joindre au mouvement: «Tout ce qu'on demande aux patrons, c'est de faire pression (sur le ministère, NDLR)». Libération a interrogé des chefs d'entreprises prêts à s'engager. Propos recueillis.

Belhaid Benaîssa, gérant de BBF, une entreprise spécialisée dans les entretiens d'espaces verts, basée à Ormoy (91). Sur ses 45 salariés, une vingtaine seraient munis de faux-papiers: «Je suis à fond derrière mes gars. Je n'espère qu'une chose: qu'on les régularise le plus vite possible. J'ai des chantiers à attaquer, d'autres à finir. Mes employés sont là depuis 5, 6 voire 7 ans et ils sont irremplaçables. J'ai appris dimanche qu'ils avaient de faux papiers, je n'avais pas cherché à vérifier. Pour l'instant je veux récupérer tout ce beau monde. Je ne dis pas ça que pour moi. Ces régularisations sont dans l'intérêt de l'économie du pays.»

Vlado Jankovic, chef d'entreprise de «Location peinture prestation», basée à Boissy sous Saint Yon (91), une trentaine de salariés: «L'occupation se passe dans le plus grand calme. Je connais les personnes qui sont là et je vais boire le café avec eux. La plupart ont travaillé longtemps pour moi. J'ai appris qu'ils étaient sans-papiers avec les circulaires de l'été dernier (Depuis le 1 juillet, les chefs d'entreprise ont l'obligation de demander aux préfectures, quand ils recrutent un étranger, de vérifier l'authenticité du titre de séjour, NDLR). On n' a pas voulu les licencier tout de suite mais il y a eu une descente de police en début d'année et nous avons dû le faire. Sinon, on risquait d'être mis en cause pénalement. Un de mes sans-papiers a quand même été régularisé en février. Je trouve que c'est une cause juste. Moi j'ai toujours des problèmes pour recruter. Il y a une grosse pénurie de main d'oeuvre sur le marché. Alors quand on arrive à fidéliser, on a envie de garder nos salariés.»

Bruno Druilhe, créateur de l'enseigne «Chez Papa» qui gère une dizaine de restaurants dans Paris. Sur 70 salariés, 16 auraient des faux papiers: «C'est sûr que nous n'avons pas été assez vigilants sur les papiers. Mais certaines personnes viennent de la part de l'ANPE. Les papiers, ce sont des photocopies de photocopies. Mes employés étaient déclarés. Ils touchaient leur salaires, allaient à leur visite médicale. Aujourd'hui, je m'engage à ce qu'ils aient des papiers rapidement. Ils travaillent depuis 4 ou 6 ans pour moi, je ne peux pas me permettre de les licencier. Hier j'ai appelé mon syndicat professionnel. Nous avons obtenu un rendez-vous demain avec le premier ministre.»
http://www.liberation.fr/actualite/societe/321547.FR.php



Action «coup de poing» des sans-papiers en Ile-de-France

Raphaëlle Remande
LIBERATION.FR : mardi 15 avril 2008

Magasins et entreprises: 18 sites sont occupés depuis ce matin. Une action soutenue par la CGT pour dénoncer les conditions des sans-papiers travailleurs et demander leur régularisation.

Restaurants, chantiers, les lieux d'occupation n'ont pas été choisis au hasard. Le symbole le plus fort, c'est peut-être la maison du nettoyage de Villejuif, où une centaine de grévistes se sont rassemblés. Tout un symbole puisque le bâtiment abrite la fédération nationales des entreprises de propreté, qui emploient un maximum de travailleurs immigrés. 15000 structures, spécialisés dans le nettoyage, y sont représentés.

Dès 8 heures ce matin, les sans-papiers se sont regroupés dans un hall. Assis par terre en groupes, ils discutent ou se reposent. Accoudé contre un mur, Moussa Keita décrit ce qu'il appelle une vie de galère: «Ne pas avoir de papiers, c'est comme ne pas avoir de vie. On est obligé de tout accepter comme boulot. Et surtout, l'employeur peut faire ce qu'il veut avec nous. Parfois, c'est comme de l'esclavage.»

Comme lui, la plupart des grévistes sont des Africains arrivés en France depuis plusieurs années. Ils enchaînent les petits boulots dans l'espoir d'être régularisé. «Le pire, c'est la peur», renchérit son voisin Ibrahim Diara. «Je sais que je ne peux pas être comme les autres qui sont nés ici. Mais je demande juste un feu vert pour travailler, sinon c'est pas une vie.»

Faire pression sur le ministère

C'est pour dénoncer ce statut particulier des sans-papiers qui travaillent que la CGT mène cette action. L'opération est préparée depuis une semaine dans la plus grande discrétion. Les grévistes, qui seraient près de 250, ont eu pour consigne de ne pas parler au téléphone. Après une réunion dimanche, ils ont reçu des textos hier, pour leur indiquer le lieu où se rendre. Dans certains endroits, de simples piquets ont été installés, dans d'autres, ce sont des occupations physiques, comme à Villejuif, mais dans le calme. «Quand je suis arrivée, j'étais vraiment surprise», s'exclame une salariée de la maison du nettoyage. «Mais ils ne nous bloquent pas, ils nous laissent travailler. Et puis ils font valoir leur droits.»

C'est justement pour alerter l'opinion publique que cette action coup de poing a été mise en place. L'objectif est aussi d'interpeller les entreprises pour qu'elles fassent pression sur le ministère. «On a des intérêts communs avec elles» ne cesse de marteler Caroline Aubry, responsable immigration de la CGT Ile-de-France. «Ils ont besoin de main-d'oeuvre.»

Manque de main d'oeuvre

Néanmoins, la CGT et les sans-papiers tiennent à souligner que les employeurs savent qui ils embauchent. «90% des patrons sont au courant» affirme Mady Yena, porte-parole des sans-papiers. «Mais que voulez-vous, là où je travaille, c'est avec des fourneaux. Il n'y a pas un blanc. Je suis pas raciste, mais aucun Français ne veut faire ça.»

Ménages ou travaux physiques, les emplois occupés par les sans-papiers concernent des branches d'activités dites en tension, c'est-à-dire en pleine croissance et qui manque de main d'œuvre. Ce matin à Villejuif, une délégation a été reçue par la présidente de la fédération des entreprises de propreté, Carole Sintès, qui reconnaît que «c'est un problème qui nous préoccupe. Mais ce sont des situations complexes. Certains salariés sont de très bons professionnels mais une entreprise ne peut pas se mettre hors la loi.» Demain, un conseil d'administration de la fédération est prévue au cours duquel le problème sera abordé.

Peur

La CGT espère étendre la mobilisation. A Villejuif, les sans-papiers s'organisent peu à peu, collectent de l'argent pour la nourriture. Ils projettent de continuer jusqu'au bout, quitte à dormir dans le hall. «De toute manière, on va voire ma tête à la télé, alors demain je suis viré», déclare Mady Yena, le porte-parole. «Et après-demain je suis peut-être expulsé.»

Comme lui, les sans-papiers ont laissé leur travail pour faire grève aujourd'hui. Des décisions courageuses. «Mais on en a marre d'occuper des Eglises et d'avoir peur, déclare l'un des grévistes Hamidou Boigiullé. D'ailleurs, on ne devrait pas car on cotise, on contribue à la société française. Aujourd'hui, il faut montrer notre colère.»

http://www.liberation.fr/actualite/societe/321547.FR.php

France : lettres publiées pour raconter des histoires de clandestins

"Mon village à l'heure d'Hortefeux"

NOUVELOBS.COM | 16.04.2008 | 10:22


Nouvelobs.com publie une série de lettres écrites au ministre Brice Hortefeux, pour lui raconter des histoires de clandestins. Ce travail, réalisé avec le réseau RESF, est coordonné par Florence Aubenas.

C'ÉTAIT une idée un peu banale, presque scolaire, qu'avait eu le Réseau Education Sans Frontière (RESF) pour sa dernière campagne de soutien aux Sans-Papiers : écrivez une lettre au ministre de l'Intégration et de l'Identité nationale, Brice Hortefeux, pour lui raconter une histoire de clandestin.

Plus de 600 courriers ont été envoyés. Pour voir, on en lit un. Puis deux. Et on voudrait les lire tous : c'est un trésor. On y apprend, bien entendu, des nouvelles de familles géorgiennes, kurdes ou congolaises, mais aussi -et là surgit sans doute la plus grande surprise- des nouvelles de familles françaises. En filigrane, c'est "mon village à l'heure d'Hortefeux" dont ces lettres tracent la chronique, le portrait d'une France qui s'indigne de ce qu'elle découvre sur elle-même.

"Une mère en plein désarroi vous écrit … ", commence une lettre. "Je n'imaginais pas de telles choses possibles chez nous… ", continue une autre. "La révolte m'a pris, je ne reviendrais plus en arrière", poursuit une troisième.

"Nous vivons un moment, où le regard d'une société est en train de changer sur les Sans-Papiers ", dit Armelle Gardien, documentaliste, une de celle qui a dépouillé les courriers pour RESF et voudrait aujourd'hui en confier l'analyse à un chercheur. Selon elle, la majorité des signataires ne sont pas les militants les plus visibles du réseau, au contraire.

En les lisant, on sent d'ailleurs souvent ces épistoliers troublés d'avoir à tracer des mots qu'on ne convoque généralement que sur les fronton des mairies ou dans les cérémonies officielles: "déclaration des droits de l'homme ", "liberté-égalité-fraternité ", "patrie ". Eperdus dans une situation que la plupart découvrent, certains se raccrochent à des analogies, évoquent la "résistance " ou "la guerre d'Algérie ". Un jeune professeur: "C'est en tout cas la première fois que j'ai l'impression d'avoir à choisir un camp, et de faire l'histoire, avec un grand H, comme celle que j'enseigne à mes élèves".

Florence Aubenas

Lectures. Les lettres que nous publions ont été choisies par la rédaction du Nouvel Observateur : des extraits d'entre elles sont visibles sur le magazine Le Nouvel Observateur en vente jeudi 17 avril. Des lectures publiques sont en préparation. L'une a déjà eu lieu à la Cartoucherie de Vincennes, sous la direction d'Ariane Mnouchkine, avec Jeanne Moreau.

« La Chasse aux enfants »

Publié par les éditions La Découverte et par le Réseau Éducation Sans
Frontières (RESF) co-écrit par Miguel Benasayag, Angélique del Rey et
des militants du Réseau Éducation Sans Frontières (RESF).

**Fruit d'une enquête nationale et nourri de nombreux témoignages, ce
livre montre que la politique discriminatoire visant les enfants de
famille sans papiers scolarisés en France a des effets sur la société
française dans son entier, et plus particulièrement sur ses enfants. Il
défend l'hypothèse selon laquelle, au-delà de la conscience de chacun,
l'engagement au nom de la solidarité relève donc de la possibilité
matérielle de vivre ensemble.

Voir : Présentation du livre « La Chasse aux enfants » au Théâtre de la
Colline le 11 avril 08 (vidéos)
<http://www.educationsansfrontieres.org/spip.php?article12800>

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France: grève de travailleurs sans-papiers pour obtenir une régularisation

PARIS - Quelque 300 salariés sans-papiers, africains pour la plupart, d'une vingtaine d'entreprises de la région parisienne se sont mis en grève mardi pour la première fois de façon concertée, avec le soutien d'un syndicat, pour demander à être régularisés.

Les grévistes réclament l'application d'une mesure gouvernementale française du 7 janvier permettant de régulariser les sans-papiers travaillant dans des secteurs ayant des difficultés à recruter, mesure qui selon eux n'est pas mise en oeuvre par les autorités.

Pour la plupart originaires d'Afrique de l'ouest, ces travailleurs ont tous un contrat de travail mais ont été embauchés avec de faux papiers. Il y aurait en France entre 200.000 et 400.000 étrangers en situation irrégulière, dont l'immense majorité travaille.

"Il faut arrêter l'hypocrisie et mettre un terme à cet esclavage moderne", affirme la centrale syndicale CGT (Confédération générale du travail).

De son côté, le ministère de l'Immigration a souligné qu'il appartenait "aux préfets d'apprécier au cas par cas les demandes de régularisation qui lui sont adressées". Il a toutefois rappelé que l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007 "s'engage à prendre la capacité d'intégration en
France d'un certain nombre de travailleurs ayant des compétences particulièrement recherchées sur le marché du travail".

La grève, organisée par le syndicat CGT et une association de défense de sans-papiers, Droits Devant!, a été déclenchée dans des entreprises de nettoyage, de jardinage ou encore de restauration.

Chez un traiteur de Colombes, près de Paris, ils sont une douzaine de salariés sans-papiers à faire grève, sur 200 salariés au total. Maliens pour la plupart, ils y travaillent depuis 5 à 8 ans.

"On vit ici, on bosse ici et on restera ici", affirme Mamadou, déterminé à exiger sa régularisation à visage découvert pour continuer à vivre en France car, dit-il, "on a peur tout le temps, même quand on prend le métro".

Un gérant de société, Johann Le Goff, qui dit représenter une trentaine de chefs d'entreprise, a également plaidé pour "une régularisation simplifiée et rapide de nos travailleurs sans-papiers".

"Il manque à peu près 3 millions d'emplois. Pourquoi ne pas régulariser ceux qui sont en poste, qui connaissent parfaitement leur boulot, qui sont des travailleurs hors pair?", interroge le porte-parole de l'association Droits Devant!, Jean-Claude Amara.

"L'opinion publique ne sait pas forcément que ces centaines de milliers de sans-papiers travaillent, cotisent, gonflent les caisses de retraite ou celles de l'Assedic", l'assurance chômage, souligne en outre le responsable associatif.

Le président Nicolas Sarkozy, qui privilégie une politique d'immigration "choisie", a fixé un objectif de 25.000 expulsions d'étrangers en situation irrégulière en 2008, comme en 2007.

(©AFP / 15 avril 2008 21h01)

Naturalisations: l'UDC combat les recours

Naturalisations: l'UDC combat les recours







Toni Brunner, président de l'UDC. Le parti n'a pas hésité à recycler d'anciennes affiches portant sur un objet similaire. (photo: Keystone)
PASSEPORT. Le parti est prêt à investir 600000 francs pour défendre son initiative populaire.

L'initiative sur les naturalisations par les urnes lancée

L'UDC a lancé sa campagne sur son thème phare: l'initiative sur les naturalisations par les urnes. Et pas question de changer de recette. Le parti a recyclé l'affiche qui lui a permis de faire capoter en 2004 les projets visant à octroyer plus facilement le passeport suisse. A lire dans le Matin.