vendredi 18 mai 2012

La peur des réfugiés climatiques

Des experts en climatologie tirent la sonnette d’alarme devant l’afflux des réfugiés africains: ils préconisent le verrouillage des frontières.

Au Congrès israélien sur la climatologie, les professeurs Arnon Soffer et Anton Berkovsky, du département de géographie de l’Université de Haifa, ont tiré la sonnette d’alarme. Selon eux, Israël n’aura pas d’autre solution pour endiguer le flux  des travailleurs immigrés ou des sans-papiers venus d’Afrique noire, des pays arabes voisins, que de clôturer toutes ses frontières, terrestres et maritimes (en Méditerranée, comme sur la mer Rouge).
Ces deux professeurs, dans un rapport de 200 pages soumis au Congrès de climatologie, affirment que le réchauffement climatique va entraîner et provoque déjà le déplacement de populations entières affamées et dépourvues de moyens d’existence à la recherche de terres d’accueil.
«Ces mouvements  de population de plus en plus vastes, font-ils aussi remarquer, auront des impacts socioéconomiques et géostratégiques d’une ampleur insoupçonnée.» Le professeur Soffer met l’accent sur ce qui se passe dans la vallée du Nil où, dit-il, la surpopulation et des changements climatiques drastiques incitent au départ  vers le nord des centaines de milliers de personnes.
Puis de souligner que les eaux du bassin du Nil, qui étaient naguère de 84 milliards de mètres cubes, sont maintenant en dessous des 51 millards de mètres cubes. Pour expliquer combien la situation devient dramatique en Afrique, Arnon Soffer révèle que 800 lacs, autrefois sources de prospérité, y sont totalement asséchés.

Raréfaction de l’eau
Le professeur établit également un lien entre les régions où  la rébellion en Syrie gagne du terrain et la raréfaction de l’eau. Le Printemps arabe serait, d’après lui, la conséquence directe des phénomènes d’appauvrissement général au Moyen-Orient liés aux conditions de réchauffement climatique.  Arnon Soffer poursuit en ces termes: «Israël est une île ( de prospérité ) dans la région et nous devons nous défendre contre le déferlement de vagues de réfugiés climatiques. Les Européens se sont empressés de verrouiller leurs frontières, nous devons faire de même.» Actuellement Israël érige une barrière dite de «sécurité» tout le long de sa frontière avec l’Egypte. Mais les passeurs bédoins trouvent toujours une faille par où faire franchir la frontière et conduire les réfugiés d’Afrique noire vers la terre promise.
Du côté de l’ancienne gare routière de Tel-Aviv, s’agglutinent un nombre croissant de sans-papiers. Un climat de xénophobie et d’incompréhension se développe dans ces quartiers de la métropole israélienne à forte densité de réfugiés africains. Des incidents violents y ont éclaté entre la population locale et les Africains. La police essaie de s’interposer, de maintenir le calme, mais sans grand succès jusqu’à présent.

Climat de xénophobie
Certains politiciens, comme Elie Ychai,  ministre de l’Intérieur et leader de la formation séfarade orthodoxe Shas, jettent de l’huile sur le feu en tenant des propos incendiaires. Elie Ychai en est venu à déclarer: «Il faut mettre tous ces réfugiés en prison jusqu’à leur expulsion.»
Dans les milieux antiracistes, on s’indigne face à de tels propos. On accuse aussi  les deux professeurs de l’Université de Haifa de propager la xénophobie. Dans ces mêmes milieux on parle de solidarité nécessaire avec ceux qui sont prêts à prendre tous les risques (les soldats égyptiens n’hésitent pas à tirer sur les réfugiés à l’arme automatique dans le désert du Sinaï) pour échapper à la pauvreté et à la faim. «Les Juifs, plus que d’autres, doivent savoir leur tendre une main secourable», dit l’extrême gauche israélienne.

Serge Ronen dans le Courrier

Visite du premier sleep-in pour migrants du canton

sleep in la côte Alors que Le Tulipier accueillera, lundi, les premiers migrants, l’EVAM peaufine leur arrivée.

«C’est beaucoup mieux qu’un abri de protection civile», explique d’emblée Cécile Ehrensperger, responsable du secteur Nord et Ouest de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), en entrant dans l’une des chambres du Tulipier, à Morges. Les pièces, dotées de deux ou de quatre lits, sont relativement spacieuses.

Dès lundi, c’est ici que seront accueillis durant quatre à six mois 24 hommes célibataires, de 19 h à 9 h. Le fonctionnement de la structure est prévu sur le mode sleep-in. Une première dans le canton. Les migrants n’y dormiront théoriquement qu’une nuit et ne s’y installeront donc jamais. En effet, cette population doit quitter le territoire suisse.

Cette semaine, l’EVAM a préparé les locaux pour les héberger. «Nous avons entrepris très peu de travaux, car c’est un ancien centre de semi-détention qui dispose de toute l’infrastructure nécessaire pour être rapidement opérationnel», ajoute la responsable. La zone d’accueil, les chambres ainsi que le réfectoire ont été aménagés. Mais l’EVAM a surtout dû former une vingtaine de personnes. Chaque soir, un surveillant et un encadrant veilleront au bon fonctionnement du lieu. «Le métier d’encadrant sleep-in n’existait pas avant et nous avons dû le créer en établissant un cahier des charges pour ouvrir Le Tulipier», poursuit Cécile Ehrensperger. Une nouvelle profession qui couplera accueil, social, intendance et surveillance.

Aide minimale

Les migrants qui viendront dormir seront soit des déboutés de l’asile, soit des NEM (non-entrée en matière) qui ont demandé l’aide d’urgence. Ils disposeront par conséquent de l’aide minimale et ne recevront pas d’argent. «Nous leur fournissons l’hébergement, les repas, les articles d’hygiène, ainsi qu’un bon pour des vêtements de seconde main», détaille encore la responsable. Aucune mesure d’accompagnement n’est prévue, comme c’est le cas dans d’autres centres de requérants d’asile. «Ce sont des conditions correctes, mais assez dures, avoue Cécile Ehrensperger. Nous ne cherchons pas à les intégrer. L’objectif est de les inciter à partir.» Un point que confirme Philippe Leuba, conseiller d’Etat en charge de l’Asile: «Ces personnes sont en bout de procédure. Nous n’entendons pas fournir des prestations qui vont contredire les décisions des autorités judiciaires. Le but est de les convaincre à partir d’elles-mêmes plutôt qu’au travers de mesures de contrainte.»

Si les conditions peuvent paraître rudes, elles sont légales. «Nous avons demandé un avis de droit au Service de justice du canton, qui a confirmé que ce mode d’hébergement était constitutionnel», précise le ministre. Ce type d’hébergement permet surtout de répondre à la forte demande en matière d’asile. «Cela fait deux ans que nous sommes dans une situation tendue. Il manque environ 600 places dans le canton», conclut Cécile Ehrensperger.

Lauriane Barraud dans 24 Heures

La Suisse veut décourager les requérants d’Erythrée

Le parlement va durcir la loi. Les requérants érythréens, mal intégrés en Suisse, seront-ils moins nombreux à venir?

2011 demandes asile nb demande asile par année

La Suisse cherche à endiguer le flot d’Erythréens qui demandent l’asile politique en Suisse. Après le Conseil des Etats, le Conseil national s’apprête à serrer la vis en juin. Sa Commission des institutions politiques vient de voter à une large majorité la suppression de la qualité de déserteur pour réclamer l’asile. Or ce motif est invoqué actuellement par les deux tiers des Erythréens.

Pour bien comprendre le problème, il faut remonter à l’année 2005. C’est à cette date que le Tribunal fédéral reconnaît la désertion, assimilée à l’opposition à un régime, comme un motif valable pour l’asile. Dès lors, le nombre de requérants en provenance de l’Erythrée va exploser. Il passe de 200 en 2005 à plus de 1000 en 2006. L’an passé, on a franchi le cap des 3000 demandes par année et au premier trimestre 2012, on enregistre déjà une augmentation de 41% par rapport à 2011 (1151 demandes au 31 mars). Ce qui place les Erythréens au premier rang des groupes de requérants, loin devant les autres.

Avec le durcissement de la loi, le nombre de demandes va-t-il dès lors diminuer? La question est âprement débattue. Car les déserteurs érythréens peuvent continuer à venir en Suisse. S’ils ne sont plus reconnus comme réfugiés, ils pourront néanmoins bénéficier d’une admission provisoire en raison de la poursuite de la guerre entre leur pays et l’Ethiopie.

Aide sociale diminuée

Alors cette loi est-elle un coup d’épée dans l’eau, n’y aura-t-il aucune diminution du flot de requérants? Non, estime Heinz Brand (UDC/GR), spécialisé dans la problématique de l’asile, qui déplore au passage le temps perdu par Eveline Widmer-Schlumpf sur ce dossier. «Certes, la baisse des requérants érythréens ne va pas se faire du jour au lendemain. Mais elle sera là, car les conditions changent. Le déserteur ne sera plus au bénéfice d’un statut de luxe de réfugié. L’aide sociale va diminuer et le regroupement familial ne sera plus autorisé.»

A gauche au contraire, on estime que cette précarisation n’entraînera pas de diminution du nombre d’Erythréens. Ueli Leuenberger (Vert/GE), président de la Commission des institutions du National, mais qui, ici, s’exprime à titre individuel, explique: «C’est le phénomène qu’on a connu pour le Kosovo. Les gens, indépendamment de leur statut, viennent se réfugier où ils ont de la famille. Les Erythréens vont donc continuer à arriver mais l’admission provisoire va rendre leur intégration encore plus difficile.»

Qu’en pense l’Office des migrations (ODM), qui est aux premières loges? Eh bien, on ne se mouille pas. «Il est difficile de dire si le nombre d’Erythréens va baisser après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. Car aujourd’hui déjà, nous n’accordons pas l’asile au seul motif de désertion», répond le porte-parole Michael Glauser. «Ce qui est sûr, c’est que les déserteurs érythréens vont continuer de bénéficier de l’admission provisoire car ils risquent leur peau si on les renvoie dans leur pays. Actuellement 60% à 70% de cette communauté bénéficient d’un statut de réfugié, ce qui est très élevé. Mais impossible aussi de dire si cette proportion va diminuer à l’avenir au profit de l’admission provisoire.»

Mauvaise intégration

Indépendamment de leur nombre élevé, un autre problème se pose avec les requérants érythréens: leur intégration. Pour Heinz Brand, elle est très mauvaise car ces gens vivent en clans et ne subviennent pas à leurs besoins en Suisse. Michael Glauser juge effectivement que les Erythréens sont en général mal intégrés. «Ils ne parlent pas de langue nationale, bredouillent quelques mots d’anglais, ont un niveau d’éducation faible, ce qui les coupe du marché de l’emploi. Plus de 90% d’entre eux dépendent donc de l’aide sociale.»

Ueli Leuenberger, lui, ne s’inquiète pas et prend les choses avec recul. «Que n’a-t-on pas dit quand les Tamouls sont arrivés en Suisse! Qu’ils n’allaient jamais s’intégrer. Or aujourd’hui, les patrons les considèrent comme des travailleurs modèles de par leur gentillesse et leur efficacité . »

Arthur Grosjean, Berne, dans 24 Heures

L'immigration reste à l'Intérieur, au moins jusqu'aux législatives

Le ministère de l’Intérieur garde pour l’instant la haute main sur la politique de l’immigration, une réforme emblématique du mandat de Nicolas Sarkozy dénoncée en son temps par les socialistes et les ONG de défense des étrangers qui espèrent un changement après les législatives en juin.

«L’immigration reste à l’Intérieur», a indiqué à l’AFP l’entourage du nouveau ministre Manuel Valls, adepte d’une gauche moderne et décomplexée, d’origine catalane et naturalisé français à 20 ans. Lorsque la politique de l’immigration est entrée complètement Place Beauvau à la suite d’un remaniement du gouvernement de François Fillon en novembre 2009, le PS s’en était indigné. Au même titre que les associations. En rattachant l’Immigration à l’Intérieur, le gouvernement «fait un lien entre immigration et insécurité», avait alors dénoncé auprès de l’AFP la députée Sandrine Mazetier, spécialiste de la question qui n’a pas souhaité réagir jeudi.

Les associations regrettent cette décision

«On aurait pu imaginer une rupture avec cette réforme symbolique de Nicolas Sarkozy mais ce n’est pas le cas», remarquait jeudi Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti). «On constate que la conception policière (de l’immigration) reste imprimée dans ce choix» de François Hollande, ajoutait-il. «Le compte n’y est pas», a regretté France Terre d’Asile (FTA) qui a salué la victoire du socialiste le 6 mai. Son président, Pierre Henry, se dit désormais «dans une position d’attente jusqu’aux élections législatives». «Pas d’impatience, attendons les législatives», a insisté M. Henry, estimant qu’«une rupture symbolique doit s’opérer» avec la conception de Nicolas Sarkozy car «les questions de l’asile et de l’intégration ne peuvent pas relever de la logique de sécurité». Autre association de défense des étrangers, la Cimade avait appelé juste après la victoire de M. Hollande à une rupture avec «l’approche sécuritaire» de son prédécesseur. Le «premier signe» en serait, selon elle, «de sortir la question de l’immigration de l’Intérieur».

«La gauche doit être très claire»

Au début de son quinquennat, Nicolas Sarkozy avait instauré un «ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire» qui avait été fortement critiqué à cause de l’association «immigration» et «identité nationale». Jusqu’à cette date, la politique de l’immigration relevait de plusieurs ministères: Affaires étrangères, Emploi et Affaires sociales et Intérieur. Le maintien de l’immigration dans le giron de Beauvau «ne doit pas être détaché de la nomination de Manuel Valls», incarnation de la droite du PS, a analysé M. Maugendre. Portée au coeur de la campagne électorale par Nicolas Sarkozy qui a tenté de séduire les électeurs de l’extrême droite, l’immigration a révélé un malaise au sein du PS, partagé entre ceux qui souhaitent «plus de fermeté» et ceux qui «veulent plus d’humanité» vis-à-vis des étrangers. Son candidat, accusé de «flou», a fini par dévoiler une doctrine démentant le laxisme dont il était soupçonné par la droite. Il s’est prononcé pour le «contrôle des flux» et contre les «régularisations massives», promettant que les étrangers non régularisés «ont vocation à être reconduits» dans leur pays d’origine. Cette position a été exprimée sans ambiguïté par Manuel Valls quand, il y a un an, son prédécesseur a expulsé des centaines de Tunisiens arrivés en France après la chute du dictateur Ben Ali. «Les migrants qui sont en situation irrégulière n’ont pas vocation à rester sur le sol français. Je pense que la gauche doit être très claire sur cette question», avait approuvé M. Valls.

Libération

mercredi 16 mai 2012

Morges: les requérants arrivent lundi

morges requérants tulipier

24 Heures

La criminalité nord-africaine dans le viseur

La police fribourgeoise a multiplié les actions contre une soixantaine de personnes originaires du Maghreb.

Appeler un chat un chat n’est pas toujours politiquement correct. La police fribourgeoise a pris ce risque hier et a tiré le bilan d’une opération de sécurité visant la hausse de la petite criminalité associée à un groupe de personnes venues d’Afrique du Nord.  «Plus de 60 personnes originaires d’Afrique du Nord résidant dans les foyers du canton sont une des causes de la hausse de la criminalité constatée à la fin de l’année passée et au début de celle-ci», a indiqué la police. Cette dernière s’est empressée de souligner qu’il ne fallait pas généraliser: «Tous les requérants d’asile venus du Maghreb ne sont pas des délinquants.»

Selon la police, les personnes poursuivies font partie d’une catégorie de requérants – provenant en partie de pays ayant vécu les révolutions du Printemps arabe –, qui se sont vu opposer une décision de non-entrée en matière de procédure d’asile ou une décision négative.  A la fin de l’année dernière et au début de cette année, la police fribourgeoise a constaté une «augmentation flagrante des délits commis par ces ressortissants du Maghreb». Les délits identifiés sont essentiellement des vols à l’étalage, des vols par effraction dans des véhicules et des habitations, des infractions à la loi sur les stupéfiants et des agressions.

Pour exemple, les vols par effraction dans les véhicules ont augmenté de 410% au premier semestre 2012 par rapport aux premiers semestres de 2010 et 2011. La majeure partie des infractions ont été commises en ville de Fribourg. Des ressortissants des pays du Maghreb avaient également contribué à une hausse de la criminalité à Fribourg l’été dernier. C’est pourquoi la police avait décidé de mettre sur pied une task force, qui avait abouti à 88 dénonciations en 2011.

En février, elle a décidé de reconduire les activités de cette task force. Constituée par des forces issues de la gendarmerie et de la police de sûreté, celle-ci a réalisé 75 interpellations portant sur 66 personnes, avec à la clé 56 dénonciations.  Cette opération nommée «Eden» compte également un volet préventif. L’année passée, la population avait été mise en garde par la campagne de prévention «Attention aux voleurs», notamment dans les centres commerciaux.  Au final, la criminalité des ressortissants du Maghreb a baissé grâce à «Eden», affirme la police cantonale. Selon elle, cela a non seulement été confirmé par les chiffres, mais également par les retours des commerçants.

ATS dans 24 Heures

mardi 15 mai 2012

La zone industrielle ne veut pas d’un foyer EVAM

Bussigny, Ecublens, Echandens et Conforama unis contre un projet de 120 logements provisoires pour requérants d’asile.

centre evam zi

Sale temps pour l’asile dans la région lausannoise. Au Mont-sur-Lausanne, les habitants du quartier de Montjoie ne veulent pas du centre de formation de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM, 24 heures du 26 avril, notamment). A Ecublens, ce sont les entreprises de la zone industrielle du Reculan et les communes avoisinantes qui sont contre la venue de 120 requérants dans un foyer provisoire, projeté par l’EVAM sur un terrain qui appartient à l’Etat de Vaud. A l’issue de l’enquête publique qui présentait le changement d’affectation du sol à cet endroit, neuf oppositions ont été déposées.

Les trois communes d’Ecublens, d’Echandens et de Bussigny font partie des opposants. Elles veulent notamment obtenir de l’Etat et de l’EVAM des garanties que la population hébergée dans ces logements ne sera pas composée de requérants déboutés. Elles veulent aussi s’assurer que le chantier prévu n’empêchera pas la réalisation d’une bretelle d’autoroute toute proche.

evam bussigny opinion Mais les plus fermes dans leur opposition sont les sociétés implantées dans la zone industrielle, dont plusieurs entreprises de transport et le magasin d’ameublement Conforama. «Que ça soit clair, notre opposition n’est pas dirigée contre les requérants d’asile ou contre l’EVAM en tant que telle, précise Alain Spring, directeur Vente et logistique pour la Suisse romande. Ce que nous contestons vivement, c’est l’idée même de placer du logement à cet endroit.»

Il met en avant une circulation dense, avec quelque 20 000 véhicules par jour sur la route qui borde la zone industrielle, et un va-et-vient incessant de camions sur le chemin du Reculan. Or les migrants qui devraient poser leurs valises sur le terrain cantonal sont censés se déplacer à pied ou à vélo, dans la très grande majorité des cas. «Il est parfois difficile de croiser, continue Alain Spring. Il n’y a pas de trottoir ni d’infrastructure adaptée au passage des piétons ou des vélos. Nous ne voulons pas risquer un accident.»

Pour dix ans

Dans la présentation publique faite à Ecublens il y a environ un mois, le conseiller d’Etat Philippe Leuba, en charge de l’asile, et Pierre Imhof, qui dirigeait encore l’EVAM, ont assuré que ce foyer n’accueillerait que des migrants dont la procédure d’asile est encore en cours. «Des gens qui ont beaucoup à gagner à rester discrets», selon les mots mêmes de Pierre Imhof. Surtout, cette construction ne devrait pas durer plus d’une dizaine d’années.

Sur les oppositions, Philippe Leuba ne s’exprime pas pour l’instant. C’est le Département de l’intérieur, dont dépend le Service d’aménagement du territoire, et la conseillère d’Etat Béatrice Métraux, qui en a la charge, qui devront se déterminer.

Une quinzaine de sites

Reste la question de savoir pourquoi le canton et l’EVAM ont choisi un terrain en pleine zone industrielle, peu adaptée à héberger 120 personnes dépourvues de voitures? «Dans la situation tendue que nous vivons, au vu de la pénurie de logements, ce n’est qu’un projet, une des pistes qui pourraient se concrétiser rapidement et qui nous a été présentée par le canton, précise Catherine Martin, responsable de l’hébergement à l’EVAM. Nous avons actuellement une quinzaine de sites potentiellement en mesure d’accueillir de l’hébergement collectif. Nous n’en parlons pas, ou du moins nous ne les médiatisons pas, parce que ce n’est pas du concret pour le moment.»

Catherine Martin reconnaît que «pour projet de logement non dédié aux migrants, on n’aurait sans doute pas choisi un site pareil. Mais à notre avis, il reste parfaitement utilisable, pour un temps limité.»

Jérôme Ducret  

Découvert après plus de vingt heures sous le capot

afghan moteur C’est l’édifiante histoire d’un Afghan qui a tenté de passer clandestinement de Grèce en Italie.

Les agents de la police des frontières du port de Bari, dans les Pouilles, n’avaient encore jamais vu ça. Alors qu’un minivan bleu débarquait du ferry Superfast 1 en provenance de Patras, la grande nervosité du conducteur auquel ils demandaient ses papiers leur a mis la puce à l’oreille.

Après un rapide contrôle du véhicule, ils ont fini par ouvrir le capot, rapportait hier l’agence italienne de presse ANSA. Et là: stupéfaction! A moitié asphyxié, un jeune homme se cachait, recroquevillé dans une niche aménagée entre le radiateur et la calandre du véhicule. Il s’y trouvait depuis plus de vingt heures avec pour seule isolation contre la chaleur du moteur un simple coussin.

Après avoir repris ses esprits, le clandestin a pu raconter son odyssée. Agé de 18 ans, ce jeune Afghan est l’une des innombrables victimes des réseaux qui promettent l’eldorado. Pour son passage ver l’Europe, il a dû débourser 6000 euros: les économies de huit ans, patiemment accumulées alors qu’il travaillait auprès d’une famille aisée de Kaboul, qui l’avait recueilli après l’exécution de ses parents par les talibans.

Quant au conducteur du minivan et sa compagne, deux Bulgares de 24 et 39 ans, ils ont immédiatement été arrêtés et inculpés pour complicité de passage illégal de frontière. En poussant leurs investigations, les policiers ont découvert que le mari de la Bulgare – vraisemblablement membre de la même organisation criminelle – avait été arrêté le 30 avril par leurs collègues de Brindisi. Condamné précédemment pour les mêmes activités, il doit encore effectuer une peine de 2 ans et demi de prison.

Bernard Bridel

Contre l’immigration, la Grèce construit un mur sur sa frontière

grèce mur infographie Malgré la crise, Athènes dépense des millions pour un ouvrage qualifié d’inutile. Reportage.

Dans son pick-up gris, Evanghelis Maraslis, l’excentrique maire adjoint du village grec de Nea Vyssa, file, pleine vitesse, le long de la frontière turque. De part et d’autre d’une petite route terreuse, on trouve des champs, des paysans et des soldats. Au loin, des miradors. «A gauche de la route, c’est la Grèce. On cultive des asperges et de l’ail. A droite, c’est la Turquie, qui produit du riz. Le mur sera construit entre ces champs», explique Evanghelis.

Sur 12 kilomètres de frontière terrestre avec la Turquie, la Grèce a décidé, début 2011, de construire un mur de barbelés équipé de 25 caméras thermiques. Les 200 kilomètres restants, limitrophes avec le voisin turc, étant séparés naturellement par le fleuve Evros. En février 2012, un échantillon du mur a été inauguré. Début mai, dans l’ombre des médias, les travaux de terrassement ont débuté. L’enjeu est énorme: entre 200 et 300 migrants entrent chaque jour clandestinement en Grèce par la Turquie. Ce qui représenterait plus de 80% de l’immigration clandestine de l’Union européenne.

A Nea Vyssa, village agricole de 2000 âmes, les habitants continuent de voir passer, tous les matins, des dizaines de migrants en provenance d’Afghanistan, du Bangladesh ou encore d’Afrique subsaharienne. «Hier, la police a cueilli 50 immigrés qui avaient franchi le fleuve», confie Katarina, une villageoise. Chaque nuit, sur des bateaux pneumatiques surchargés, les migrants tentent la traversée périlleuse de l’Evros. Parfois, au péril de leur vie. En 2011, 48 corps ont été repêchés dans le fleuve.

Par le fleuve

Ceux qui passent par les 12 kilomètres de terre déambulent dans les rues de Vyssa au petit matin. Volontaires et dociles, ils se rendent à la police, qui leur délivre un avis d’expulsion sous 30 jours, puis partent pour Athènes. «Les immigrés ne créent pas de problèmes. Ils ne font que passer. Nous essayons de leur donner à manger, à boire, de collecter des vêtements», explique Anastasio dans un café.

Autour des terrasses ensoleillées de Vyssa, le mur est loin de faire l’unanimité. «Il ne fera que déplacer le problème. Les migrants passeront par le fleuve. Depuis l’arrivée de Frontex [la police européenne aux frontières] il y a deux ans, les clandestins ont migré vers le sud», regrette Evanghelis, en sirotant un café glacé.

stop evros wall

«Il ne sera pas achevé»

Les travaux, estimés à 3 millions d’euros, seront financé entièrement par le gouvernement grec. L’Union européenne refuse de payer un mur qualifié d’«inutile» par Cecilia Malmström, commissaire chargée des Affaires intérieures. Des militants de la région ont créé une association contre le mur: Stop Evros Wall. Diamando, membre du collectif, sourit. «Le mur ne sera jamais achevé. Il a été commencé en période d’élection. Le gouvernement grec voulait montrer à l’Europe qu’il agissait sur l’immigration», affirme-t-il.

Réseau mafieux

Car le problème reste immense. Depuis cinq ans, la Grèce connaît une explosion migratoire, alors que les frontières maritimes de l’Italie et de l’Espagne ont été renforcées. En pleine crise économique, avec 2 millions d’immigrés pour 11 millions d’habitants, la Grèce est devenue un véritable Etat tampon. En parallèle, un réseau mafieux international se développe avec comme plaque tournante Istanbul. Les passeurs, souvent des Turcs ou des Afghans, demandant jusqu’à 10 000 euros pour aller jusqu’en Grèce.

Mathieu Martinière, envoyé spécial à Nea Vyssa, pour 24 Heures

Un renvoi forcé interrompu par une manif à Zürich

Une procédure de renvoi forcé d'un Irakien qui devait être renvoyé à Budapest a été interrompue mardi à l'aéroport de Zurich.

Une procédure de renvoi forcé a été interrompue mardi à l’aéroport de Zurich. Le réfugié iranien qui devait être ramené à Budapest, où il avait déposé une première demande d’asile, a refusé de monter dans l’avion. Une quinzaine de personnes avaient protesté contre l’expulsion dans un hall de l’aéroport.

La police avait prévu un niveau de sécurité bas, a indiqué à l’ats une porte-parole de la police, revenant sur une information de la chaîne régionale Radio 24. L’homme devait simplement être accompagné jusqu’à l’appareil. La manifestation dans le hall de l’aéroport n’a pas causé l’interruption de l’opération, a pour sa part affirmé Daniel Küttel, responsable de l’office argovien des migrations. L’Iranien était détenu à Aarau en vue de son renvoi. Lundi déjà, des sympathisants du groupe d’opposition des moudjahiddines du peuple iranien s’étaient rassemblés devant la prison pour soutenir le réfugié.

ATS / Newsnet relayés par le Matin

Le Tribunal fédéral donne raison à un groupe anti-islam

En 2009, le mouvement suisse contre l’islamisation (MOSCI) avait demandé à pouvoir tenir un stand en ville, sans succès. Une décision abusive.

L’instance juridique suprême a déclaré que la Ville de Fribourg avait violé les libertés d’opinion et d’information du mouvement en lui interdisant d’organiser son stand, sous prétexte de risques de débordements. Dans son arrêt du sept mai, le Tribunal fédéral déclare que les risques de grabuge ne semblaient pas assez concrets, lors de la décision, et que si la Ville se faisait tant de soucis que ça, elle aurait dû poser des exigences quant aux contenus exposés sur le stand ou prévoir des forces de police pour sécuriser la zone.

Quelques mois plus tôt, à Lausanne, un stand du MOSCI avait été attaqué par des ressortissants étrangers. Selon son président, David Vaucher, une personne avait été particulièrement choquée par la présence d’un ex-musulman converti au christianisme à ses côtés.

Le Mouvement suisse contre l’islamisation souhaitait présenter sur son stand divers documents, dont un livret exposant en quoi certains comportements du prophète Mahomet, s’ils avaient lieu aujourd’hui, poseraient problèmes aux yeux de la loi. Des critiques concernant un certain aspect «anti-démocratique» de l’islam devaient aussi figurer dans des textes proposés sur le présentoir du MOSCI.

La Ville de Fribourg avait refusé la tenue du stand après consultation, par la Direction de la police locale, de la Préfecture de la Sarine et de la Police cantonale. La demande de MOSCI s’était faite dans le contexte du débat sur la présence des minarets en Suisse.

Raphaël Pomey dans le Matin

samedi 12 mai 2012

Nouveau durcissement du droit d’asile en vue

La commission du National propose d’aller au-delà de la révision de la loi adoptée par le Conseil des Etats.

Le National pourrait durcir encore la révision de la loi sur l’asile acceptée par le Conseil des Etats. Sa commission a décidé plusieurs tours de vis à un projet qu’elle soutient au final par 15 voix contre 5 et 3 abstentions. Si cette version est adoptée au plénum, les personnes admises provisoirement en Suisse perdront leur permis F si elles séjournent plus de deux mois à l’étranger. Le statut de réfugié sera aussi restrictif et la famille d’une personne concernée ne pourra plus l’obtenir.

La commission veut dénouer le problème d’hébergement des requérants d’asile en permettant à la Confédération d’utiliser des installations sans autorisation cantonale ni communale. Mais pour un an seulement et si cela ne nécessite pas d’importants travaux de transformation. Parmi les nouveautés, la commission souhaite que la Confédération alloue un forfait de sécurité aux communes qui abritent un centre.

Le projet se concentre sur des mesures d’accélération de la procédure d’asile à court terme avant une grande réforme. Auteur d’une quarantaine d’amendements, l’UDC s’est montrée satisfaite de l’adoption de la plupart de ses revendications: c’est une bonne révision, a déclaré Heinz Brand (UDC/GR). La gauche a fait grise mise: selon Silvia Schenker (PS/BS), les partis bourgeois ont utilisé la révision pour imposer des durcissements inacceptables. Les discussions seront âpres, a-t-elle annoncé.

ATS et 24 Heures

Le shérif sadique de l’Arizona a des ennuis

shérif limite Joe Arpaio promène ses prisonniers dans les rues pour les humilier. Il pourrait bientôt devoir cesser: l’Etat fédéral le poursuit.

C’est une figure célèbre, bien au-delà des frontières américaines. Des équipes de télévision du monde entier sont venues filmer les dures méthodes de Joe Arpaio, shérif du comté de Maricopa (Arizona) depuis vint ans. L’une de ses spécialités est de promener «ses» prisonniers dans les rues en tenue de forçat, parfois les chaînes aux pieds, ou de leur faire porter des caleçons roses pour les humilier.

Derrière ce pathétique folklore, celui qui s’autoproclame à 79 ans «le shérif le plus sévère des Etats-Unis» est accusé de faire arrêter systématiquement des hispaniques au seul motif de leur origine. Sous enquête depuis 2008, ce délit de faciès lui vaut aujourd’hui d’être poursuivi par le Département américain de la justice. Plainte a été déposée jeudi, le département faisant état de «discrimination délibérée et systématiques envers les Hispaniques» pratiquée tant par Joe Arpaio que par ses adjoints, ainsi que d’«abus de pouvoir». Les Hispaniques – 30% de la population dans le comté – sont fréquemment interpellés et arrêtés sans motif, leurs droits constitutionnels violés, relève la plainte. En décembre dernier, la mort d’un prisonnier, un citoyen américain d’origine hispanique, suite à l’utilisation d’un Taser dans des locaux de police par les hommes de Joe Arpaio avait choqué le pays: une vidéo montre clairement que l’arme électrique avait été utilisée sans aucun motif, contre un homme qui se tenait tranquille.

Depuis des mois, Joe Arpaio tente de faire passer ses ennuis pour une «affaire politique»: il se dit victime de l’administration Obama. «Je me battrai jusqu’au bout», a déclaré jeudi celui qui semble avoir fait du président en personne une de ses cibles. En mars dernier, il avait fait ouvrir une enquête au sujet du certificat de naissance de Barack Obama, soupçonnant qu’il soit faux. En avril, il avait refusé que son département se prête à un examen de son fonctionnement.

Le bras de fer engagé dépasse le «cas Arpaio». L’Arizona, Etat frontalier du Mexique, a promulgué une loi autorisant le contrôle au faciès destinée à lutter contre l’immigration clandestine, loi contre laquelle l’Etat fédéral s’est battu en justice, obtenant son abrogation. L’affaire n’est pas terminée: la Cour suprême étudie en ce moment la constitutionnalité de la loi.

Cathy Macherel dans 24 Heures

jeudi 10 mai 2012

Le sleep-in pour requérants va ouvrir

Morges accueillera des requérants uniquement pour la nuit, une première cantonale. Les migrants devraient arriver dans une dizaine de jours.

Centre de semi-détention jusqu’à très récemment, Le Tulipier ne sera pas resté longtemps inoccupé. C’est en effet dans ce bâtiment cantonal, situé sous les fenêtres de la gendarmerie, au croisement des rues des Pâquis et du Docteur-Yersin, que l’établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) prévoit de loger une vingtaine de requérants déboutés (NEM et autres «Dublin II»). Le concept retenu étant celui du sleep-in – une première cantonale –, les migrants ne feront qu’y dormir et devront quitter les locaux la journée. Sur place, ils n’auront pas de place attitrée.

Selon nos informations, une vingtaine de requérants (des hommes célibataires) devraient investir les lieux le lundi 21 mai. Une échéance que Sylvie Makela, chargée de communication auprès de l’EVAM, ne confirme pas. «Les discussions avec la commune de Morges, notamment sur le fonctionnement de la structure et sa date d’ouverture, sont toujours en cours. Nous ne communiquerons qu’à leur terme. Mais c’est en bonne voie, ça pourrait aller assez vite.» Un souhait de voir le dossier avancer rapidement qui a son importance. En effet, pour l’EVAM, le temps presse. «Notre parc immobilier affiche un taux d’occupation de plus de 100%, d’où la solution du sleep-in. Nous ne voulons pas mettre ces gens à la rue. Il s’agit d’une première cantonale, mais ce n’est pas un projet pilote, c’est une mesure d’urgence!»

A Morges, on est évidemment au courant des projets de l’EVAM. Et on s’y résigne. «La commune n’est pas partenaire de ce projet. C’est la volonté de l’EVAM et la politique du canton qui est appliquée. Nous ne sommes que l’instance d’exécution», insiste Sylvie Podio, municipale des affaires sociales. Mais l’élue verte d’indiquer toutefois que sa commune ne restera pas les bras croisés. «Nous allons créer un groupe de suivi, où l’on retrouvera notamment des parents, des membres de l’Eglise ou de l’Espace Prévention. En présence de l’EVAM, ils prendront connaissance du projet avant de relayer l’information. Nous veillerons à ce que tout se passe bien.»

Emmanuel Borloz dans 24 Heures

Lausanne songe à interdire son centre aux dealers et mendiants

Un élu PLR propose des mesures d’éloignement pour les «fauteurs de troubles». Le Conseil communal est entré en matière.

riponne

La proposition a surtout le mérite de poser des questions. Mardi soir, au Conseil communal, le PLR Mathieu Blanc a enflammé les débats avec sa motion (lire ci-dessous) . Celle-ci veut instaurer des mesures d’éloignement. Le texte invite la Municipalité à introduire dans le règlement de police une disposition donnant la compétence aux forces de l’ordre «d’interdire pour une durée maximale de trois mois l’accès à un périmètre donné» en ville à des individus. Les personnes ciblées sont celles qui «créent un trouble public en raison de leur comportement».

Qui est visé?

Le motionnaire voit large: les dealers, les mendiants, mais aussi les «personnes qui dérangent délibérément les passants» ou encore les «rassemblements qui menacent l’ordre public». Mathieu Blanc pense aux marginaux de la place de la Riponne, par exemple. «Cette proposition est d’autant plus grave qu’elle touche un grand nombre de destinataires, se désole Jean-Michel Dolivo, avocat et conseiller communal de La Gauche. Quand M. Blanc nous parle de «rassemblement», cela concerne aussi les manifestations ou même le théâtre de rue.» «Ce n’est pas l’esprit de la motion, rétorque l’auteur du texte. Il s’agit simplement de s’en prendre à des personnes qui utilisent de façon intolérable le domaine public.» Côté socialiste, les largesses de la motion inquiètent aussi. «Nous avons toujours dit que nous entrons en matière sur ces mesures d’éloignement pour les dealers. Et uniquement les dealers», insiste Rebecca Ruiz. Pour la présidente de la section lausannoise, pas question de s’en prendre aux mendiants ou aux marginaux.

Délit de sale gueule?

«L’idée est de s’attaquer à des comportements, même s’il n’y a pas eu d’infraction, explique Mathieu Blanc. Alors oui, il y a un risque d’être accusé de pratiquer le «délit de sale gueule», mais certaines attitudes laissent peu de doute.» Une position qui ébouriffe Jean-Michel Dolivo. L’avocat se demande comment les policiers vont faire pour reconnaître les gens et leur notifier une interdiction de périmètre, s’il n’y a pas eu d’infraction. «Peut-être que certaines personnes ont une tête à troubler l’ordre public», ironise-t-il.

Quelle base légale?

Une commune peut-elle se doter d’un tel arsenal? L’ancienne municipale PLR de la Police, Doris Cohen-Dumani, avait déjà souhaité à l’époque «mettre en œuvre des mesures d’exclusion». Mais lors des grandes opérations de police «Delta» et «Alpha 4» en 2003 et 2004, elle s’était finalement rabattue sur des contrôles d’identité systématiques dans certaines zones. «Le but était de harceler les dealers», explique-t-elle. Mathieu Blanc estime que la base légale se trouve dans la loi sur les communes. Celle-ci leur donne les compétences pour réglementer l’usage de leur domaine public. Ce que confirme Jean-Luc Schwaar, chef du Service juridique et législatif du canton. Mais il ajoute un bémol. «Après, il s’agit de savoir si la restriction du droit fondamental d’aller et venir sur le domaine public se justifie par un intérêt général prépondérant. C’est délicat.» Quoi qu’il en soit, Mathieu Blanc a une solution. «Lorsque je serai député, en juillet, j’interviendrai au Grand Conseil pour donner une base légale aux communes.»

Renaud Bournoud dans 24 Heures

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Expérience

L’exemple genevois

Genève a doté sa police cantonale de ce nouvel outil en 2009. Depuis, les gendarmes peuvent éloigner un individu d’un périmètre donné pour une durée d’un jour à trois mois. La loi vise ceux «qui par leur comportement, importunent des tiers», mais aussi les personnes «qui se livrent à la mendicité» (ndlr: elle est prohibée à Genève) ou encore «le commerce de stupéfiants». Dans la pratique, la décision d’interdire de périmètre un individu revient à un officier de police. «A fortiori, il faut qu’il y ait eu une infraction, avec arrestation, pour que l’on puisse signifier la mesure d’éloignement au contrevenant», précise Jean-Philippe Brandt, porte-parole de la police cantonale genevoise. La décision peut faire l’objet d’un recours. «Nous lui remettons un plan de la ville avec les zones qui lui sont interdites. S’il enfreint la mesure d’éloignement cela revient à une violation de domicile», prévient Jean-Philippe Brandt. Quant aux résultats de cette disposition, le porte-parole reste dubitatif: «Disons que c’est relativement dissuasif…»

R.B.

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Gauche et droite presque d’accord

A croire que les élections restaient encore à venir, tant le débat de mardi soir a donné lieu à une passe d’armes engagée. Le débat avait été écourté une première fois il y a deux semaines, il a repris de plus belle. La proposition du libéral-radical Mathieu Blanc, visant à autoriser la police à éloigner certaines personnes du centre-ville, réunissait la droite de l’hémicycle. Mais la démarche semble également titiller les alliés Verts et socialistes. Au grand dam du groupe La Gauche, qui a vertement critiqué ses alliés traditionnels en dénonçant une «mesure moyenâgeuse».

PS et Verts estimaient toutefois que le caractère impératif de la motion libérale-radicale devait être assoupli en la transformant en simple postulat. Chasser les dealers, oui, mais pas les mendiants, s’accordent à dire les deux alliés.

Habituellement battu par la majorité de gauche, le PLR tenait une occasion de faire passer sa proposition. «Pas question de modifier cette motion en postulat», a toutefois laissé entendre Mathieu Blanc, laissant l’assemblée perplexe.

Face au refus du PLR, la socialiste Rebecca Ruiz menaçait de déposer elle-même un texte visant à étudier la question de l’éloignement, mais des dealers seuls. Sous pression, le PLR est finalement revenu sur ses pas en acceptant cette transformation de motion en postulat. Nouvelle stupeur, amenant Alain Hubler, président de La Gauche, à féliciter Mathieu Blanc pour ses qualités de «manipulateur». La pirouette du PLR avait contraint le PS, soutenu par les Verts, de sortir du bois en s’appropriant cette proposition de droite.

Au terme d’une interruption de séance, le verdict était clair. Le postulat du PLR n’a été combattu que par la gauche de la gauche, esseulée. Au soutien de l’UDC, s’est adjoint celui du PS et des Verts. Ces deux derniers mégotant toutefois: «Nous ne votons pas pour une mesure d’éloignement, mais pour une étude de cette mesure», résume Isabelle Mayor pour les Verts. La balle est dans le camp de la Municipalité.

24 Heures

Une force dangereuse qui monte, le social-nationalisme

jn cuénod réflexions 24h ns La crise européenne a fait émerger une force qui prend de l’ampleur à chaque rendez-vous électoral, le social-nationalisme. Précisons d’emblée les termes. Le mot «populisme» – utilisé à tort et à travers pour qualifier l’extrême droite contemporaine – ne signifie rien. Dans une démocratie, les politiciens doivent forcément s’adresser au peuple, prendre en compte son avis et donc faire du «populisme».

Jusqu’ici, l’extrême droite actuelle a relevé surtout du national-libéralisme, comme l’UDC blochérienne, le Parti du progrès norvégien, celui de la Liberté aux Pays-Bas et d’autres formations de ce genre, actives surtout au nord de l’Europe.

Ces mouvements politiques défendent des thèmes xénophobes et racistes visant les immigrés et l’islam. Mais aucun d’entre eux ne remet en cause l’ordre démocratique; d’autant plus que, jusqu’à maintenant, ils n’ont pas à se plaindre du verdict des urnes. En outre, ils sont, pour la plupart, des partisans de l’économie libérale. Enfin, ces nationalistes libéraux n’organisent pas de milices. Il s’agit avant tout de formations bourgeoises.

L’autre extrême droite qui se développe aujourd’hui tient un discours différent et constitue un danger bien plus vif pour la démocratie. Il s’agit du social-nationalisme, le terme de national-socialisme renvoyant à une situation allemande de l’entre-deux-guerres qui ne correspond pas à notre époque. Toutefois, comme le fascisme originel italien et allemand, dont elle est l’héritière en ligne plus ou moins directe, cette extrême droite mêle dans son idéologie protection sociale, glorification de l’identité «raciale» et affirmation nationaliste. Elle prospère actuellement dans l’est et le sud-est de l’Europe. Son représentant grec, Aube dorée, vient d’entrer au parlement d’Athènes avec 21 députés sur 300. S’appuyant sur les mêmes bases idéologiques et de semblables méthodes violentes, le Jobbik hongrois dispose de 47 parlementaires sur 386 et l’Ataka bulgare, de 21 sur 240.

Sur de nombreux points, cette extrême droite se situe en rupture avec le national-libéralisme. Plus qu’au sein de la bourgeoisie, elle recrute dans les milieux populaires. Loin de défendre le libéralisme économique, elle le voue aux gémonies. Mais, surtout, le social-nationalisme se distingue par l’emploi qu’il fait de ses milices. Aube dorée et Jobbik disposent de groupes organisés militairement, qui investissent certains villages ou quartiers pour tabasser les immigrés et les Roms. Si le national-libéralisme reste dans les clous de la démocratie, le social-nationalisme en sort carrément.

Dans un Etat de droit, le monopole de la violence légitime doit rester dans les mains d’une force neutre, agissant sous le contrôle du pouvoir judiciaire. C’est pourquoi la police et la préservation de son monopole deviennent un thème politique majeur.

Jean-Noël Cuénod, Paris, dans 24 Heures

Ces étrangers dont la Suisse ne veut pas

Chaque année, des milliers d'étrangers en situation irrégulière terminent leur aventure dans un avion qui les ramènera vers leur pays d'origine ou un État européen. Leur présence n’est pas (plus) souhaitée.

La politique migratoire de la Suisse et l'expulsion des indésirables reviennent en permanence sur le tapis dans ce pays où une personne sur cinq est d’origine étrangère. En 2010, quatre ans après avoir modifié la loi sur l’asile et les étrangers, les électeurs suisses ont accepté une initiative controversée sur le renvoi. Le texte de la droite conservatrice prévoit l'expulsion automatique des étrangers condamnés pour certains crimes, comme la violence sexuelle, le vol, le trafic de stupéfiants ou l'abus de prestations sociales.
Mais la traduction de l'initiative dans un projet de loi d’application s’avère problématique. D’une part parce que le texte pourrait violer les principes constitutionnels et les accords internationaux ratifiés par la Suisse. D’autre part parce que la liste des délits est plutôt aléatoire puisque, théoriquement, elle pourrait inclure des infractions moins graves comme le vol avec effraction.
Si les statistiques sur la criminalité donnent des arguments aux partisans de la ligne dure (voir le graphique ci-contre), des voix se sont cependant élevées pour contrer les dérives xénophobes qui tendent à criminaliser – et donc à expulser – aussi ceux qui n’ont pas commis de crime. Mais quels sont les étrangers qui sont expulsés par la Suisse?
«Il y a deux groupes. Ceux qui relèvent du domaine de l'asile et ceux à qui s’applique la Loi fédérale sur les étrangers», répond à swissinfo.ch Hendrick Krauskopf, spécialiste des mesures de renvoi à l’Office fédéral de la migration (ODM).
L'ODM, ajoute ce dernier, s'occupe des requérants d'asile. Par contre il appartient aux cantons de prononcer l'expulsion des étrangers qui ont violé les dispositions sur l'entrée et le séjour en Suisse.

Départs volontaires

En 2011, 9461 personnes ont quitté la Suisse par voie aérienne (8059 en 2010). Plus des deux tiers des départs (6669) relevaient de l'asile. «Il s'agit de requérants qui ont obtenu une décision négative ou de non-entrée en matière», précise Hendrick Krauskopf.
Il y a non-entrée en matière lorsque la demande d'asile est illégitime ou incomplète. Ou lorsque le requérant a déjà présenté une demande dans un autre pays signataire des accords de Dublin. Sur la base de la procédure en vigueur depuis décembre 2008, la Suisse peut renvoyer la personne vers l'État européen concerné. «La moitié des requérants d'asile expulsés l'année dernière entre dans le cadre des accords de Dublin», relève le collaborateur de l’ODM.
Et de préciser que 40% des requérants non admis repartent sur une base volontaire. «Cela signifie qu’ils se rendent à l'aéroport sans escorte policière. Dans les autres cas par contre, la personne a au moins été accompagnée par des agents jusqu'à l'embarquement.»
Pour encourager le départ volontaire des requérants d'asile, la Suisse met à disposition une aide au retour, en général financière. En avril, le gouvernement a proposé d'augmenter cette contribution jusqu'à 2'000 francs maximum dans le but d'accélérer les départs. Un nouveau système de subventionnement, baptisé «plan Maghreb», a été adopté par le canton de Genève vis-à-vis des requérants d'asile et des criminels originaires d’Afrique du Nord.
Mais tous les requérants déboutés ne quittent pas la Suisse. Certains (on ne dispose pas de statistique) passent dans la clandestinité. Faute de permis de séjour, ils vont grossir les rangs des sans-papiers.

Pas seulement les clandestins

Les motifs de renvoi d’étrangers qui n’entrent pas dans le domaine de l'asile sont multiples, explique Guy Burnens, responsable de la Division étrangers au Service de la population du canton Vaud.
«Cela peut être le séjour illégal, qui ne concerne pas seulement les sans-papiers, mais aussi les étudiants admis temporairement qui restent en Suisse après la fin de leurs études. Ou des étrangers qui, après avoir obtenu un permis de séjour pour regroupement familial, rompent rapidement l'union conjugale.»
La loi prévoit la révocation de l’autorisation de séjour pour certaines catégories d’étrangers qui dépendent de l'aide sociale, ajoute Guy Burnens.
A ces personnes, dont l’infraction ne constitue pas un acte criminel, s'ajoutent les vrais délinquants. C'est-à-dire les étrangers expulsés pour avoir commis un délit grave ou parce qu'ils représentent un danger pour l'ordre et la sécurité publiques.
Les chiffres manquent, souligne Guy Burnens. «Nous ne disposons pas encore des instruments informatiques nécessaires pour établir de telles statistiques. Mais je crois que, de toutes façons, parmi les étrangers qui ont reçu une décision d’expulsion, ceux qui ont commis des délits graves ne sont pas majoritaires.»
Selon l'ODM, les étrangers criminels expulsés sont en nette minorité. Entre 350 et 400 par an, avait indiqué en 2010 le directeur de l’époque de l’Office, Alard du Bois-Reymond.

Prêts à négocier

Le délai imparti pour quitter la Suisse dépend de chaque cas spécifique, souligne Guy Burnens. «Si la personne ne constitue aucune menace, elle peut avoir jusqu'à trois mois. Par contre dans un cas plus grave, comme le trafic de drogue, le renvoi peut être immédiat.»
Avec 30% d’étrangers, le canton de Vaud compte un des taux les plus élevés du pays et préfère les départs volontaires, relève Guy Burnens. La personne qui ne réagit pas est convoquée pour discuter les modalités du départ.
«Nous sommes prêts à négocier le délai, par exemple avec les familles. Parfois nous proposons une aide au retour comme pour les requérants d'asile.» Le but de cette aide, qui peut atteindre jusqu'à 6000 francs, vise à favoriser la réintégration dans le pays d'origine.
Pour ceux qui s'obstinent à ne pas quitter la Suisse, on recourt à des mesures coercitives, indique Marc Aurel Schmid, porte-parole de l’office de la migration du canton de Zurich. «Ils peuvent être mis en détention administrative ou soumis à un renvoi forcé.»
Dans les cas les plus extrêmes, l'ODM et les forces de police organisent ce qu’on appelle des «vols spéciaux» (165 personnes en 2011), une mesure controversée qui recourt à la force physique, à l’usage de menottes ou d'autres moyens de coercition.

Interdiction d’entrée

Théoriquement, un étranger expulsé pourrait revenir en Suisse après quelques jours. Il lui suffirait en effet de demander un visa auprès de l'ambassade de Suisse ou, pour les citoyens des pays de l'Union européenne, d’utiliser les facilités prévues par l'accord sur la libre circulation.
Cependant, la décision de renvoi est de plus en plus souvent accompagnée d'une interdiction d'entrée en Suisse, observe Marc Aurel Schmid. «La durée maximum est de cinq ans. Mais elle peut être prolongée pour des personnes qui constituent une menace.»
De toutes façons, une telle interdiction ne garantit pas que les étrangers indésirables se tiendront vraiment à l’écart. Comme l’a constaté la police du canton de Zurich l'an dernier, les plus rusés n'hésitent pas à demander un nouveau passeport dans leur pays et à revenir en Suisse sous une autre identité.

Luigi Jorio, swissinfo.ch
Traduction de l'italien: Isabelle Eichenberger