mercredi 25 février 2009

A Vallorbe, Mama Africa est orpheline de sa présidente

Présidente de l’Association auprès des requérants d’asile de Vallorbe, œcuménique humanitaire (ARAVOH) et de L’Association vaudoise pour les Droits de la femme (ADF), Christiane Mathys-Reymond est décédée lundi matin.

Christiane Mathys-Reymond est décédée alors qu’elle avait en tête bien des projets, notamment celui d'écrire un second livre. Photo Olivier Allenspach

 

Christiane Mathys était une femme étonnante. A plus de 70 ans, elle avait conservé son âme de jeune militante. Une qualification qui lui tenait plus à cœur que son doctorat ès sciences religieuses. En effet, sur le faire-part de la famille rédigé par ses soins, elle a tenu que figure sous son nom «enseignante retraitée, militante».

«Le verset biblique qu’elle a choisi: Il n’y a plus ici ni Juif, ni Grec; il n’y a plus ni esclave, ni homme libre, il n’y a plus ni homme, ni femme, car vous êtes un en Jésus-Christ, résume bien l’état d’esprit qui a animé ma femme durant toute sa vie», témoigne Jean-Louis Mathys.

Fille de pasteur, parfois pugnace, «Christiane Mathys était une battante qui a défendu des causes nobles. Pas toujours très populaire, elle avait un caractère bien trempé, tout en étant très féminine», explique Pierre-Olivier Heller, aumônier au Centre de requérants. A l’écoute des autres, elle respectait ceux qui ne partageaient pas ses idées.

Musicienne, elle avait également un certain talent pour l’écriture. Son livre Tu n’iras pas à la maison des vieux, publié l’année dernière, en témoigne.

Avec le décès de Christiane Mathys, Vallorbe perd un personnage et l’ARAVOH, appelée familièrement Mama Africa, est orpheline.

"Christianisme et antisémitisme": écho de la soirée à l'Estrée

L’antisémitisme est-il de retour en Pays de Vaud? «Il faut rester très vigilant! Le mal, insidieux, rôde», répond l’auteur d’Un Juif pour l’exemple. Lundi, à Ropraz, il faisait face à ses lecteurs. Un article de Christian Aebi dans 24 Heures.

Jacques Chessex, ici aux côtés d'Alain Gilliéron, directeur artistique de l'Estrée. Photo Christian Aebi Lundi soir, à Ropraz, l’écrivain Jacques Chessex lisait en public quelques pages de son livre Un Juif pour l’exemple. Le crime de Payerne, en 1942, servait de point de départ à une réflexion publique sur le «Christianisme et l’antisémitisme». Un rendez-vous organisé par les Eglises. Le centre culturel de L’Estrée n’arrivait pas à contenir les 250 personnes présentes, la plupart contemporaines de l’auteur.

Silence de plomb quand Jacques Chessex, le ton grave, raconte la Payerne de la guerre. Le fanatisme nazi, le pauvre sort d’Arthur Bloch. Un vieil homme au fond de la salle lève ses lunettes, essuie ses larmes. «Pourquoi rebouiller tout cela», murmure-t-il. Puis, n’y tenant plus, se dresse sur sa canne et lance: «Chessex, qu’est-ce que les Payernois t’ont fait?»

«Ce crime n’est pas le fait des Payernois, lui répond Antoine Reymond, membre permanent du Conseil synodal. Il s’agissait de quelques hommes emmenés par un pasteur fanatique qui faisait partie de mon Eglise. Les Payernois doivent admettre ce qui s’est passé chez eux. En mettant une plaque commémorative où le drame s’est déroulé, ils rappelleraient à tous que cela ne doit jamais se reproduire.»

«C’est au Conseil d’Etat et au Grand Conseil vaudois de faire un acte de mémoire sur cette affaire, lance un membre de l’Amitié judéo-chrétienne. Ça aurait pu se passer n’importe où dans le canton.» Applaudissements dans la salle.

L’antisémitisme aura donc été au cœur de la soirée. Tour à tour l’école, l’éducation, le politique ou la culture ont été appelés à la rescousse. «Merci, Monsieur Chessex d’avoir écrit ce livre!» lance une femme. «Depuis tout gosse, je me rappelle du regard, de la méfiance que l’on posait sur les Juifs, explique Mark Elikan. A mon père, bien connu à Yverdon, dragon à l’armée, mobilisé, on avait demandé s’il était plutôt Suisse ou plutôt Juif.»

«J’aurais pu en être»

Pour Marcel Cohen-Dumani, chargé de relation de la Communauté israélite de Lausanne et du canton de Vaud (CILV), le conflit dans la bande de Gaza ravive de vieux démons: «Les gens ne font pas la différence entre un pays, Israël, majoritairement peuplé de Juifs, et les juifs. Nous sentons une pression. Nous recevons des envois anonymes, nous essuyons des remarques. Quelque chose se passe.» Un autre témoignage, poignant, est venu d’un ancien Payernois. «Grâce à Dieu, j’étais trop jeune de trois ans. Mais il s’en est fallu de peu pour que je sois avec cette bande. Vallotton (ndlr: l’un des coupables) avait un pouvoir de persuasion inouï. Il conditionnait les copains, le jeudi. Je ne pouvais pas y aller, j’étais garçon livreur. Mon patron, pharmacien, était un Allemand «prononcé», il était proche d’un coiffeur, un vrai nazi! La période était dure. On triait les lavures pour vivre. C’étaient les riches qui mangeaient du jambon. Les discours des nazillons avaient un terreau propice. C’était la crise. Comme maintenant…»

Salle comble lundi soir pour débattre du dernier Chessex

Etude sur l'extême droite, gaspillage de fonds publics ?

Le Fonds national de la recherche a présenté le fruit d’une étude initiée en 2003. L’orientation et la banalité du propos sont pointés du doigt. Un article de Patrick Chuard dans 24 Heures.

A première vue, le bilan est maigre. L’étude sur l’extrémisme de droite, entamée en 2003 et présentée hier (lire ci-dessous), n’apporte aucune révélation. Valait-il la peine que le Fonds national de la recherche scientifique (FNS) engloutisse 4 millions de francs pour financer cinq ans de recherches? Certains politiques tirent à vue: «Une absurdité, du grand n’importe quoi!» selon Hans Fehr (UDC/ZH).

L’étude présentée hier souligne que «les attitudes et comportement extrémistes» sont «avant tout le fait de jeunes adultes» dont «la violence ne représente pas une menace aiguë pour l’Etat».  Grütli, 1er Août 2002, Keystone Il faut dire que cette étude – initiée notamment après que des skinheads ont chahuté Kaspar Villiger, au Grütli, en 2000 – s’est attachée à examiner les liens entre l’extrémisme et le populisme en politique. En désignant clairement l’UDC. «Plus le populisme de droite gagne en importance, plus l’extrémisme de droite arrive à capter l’attention», observent en substance les chercheurs. Hans Fehr y discerne un «plan pour pouvoir attaquer une nouvelle fois l’UDC et la taxer d’antidémocratique et de raciste». Son collègue de parti, Yvan Perrin, renchérit: «Le côté scientifique n’arrive pas à masquer une certaine idéologie, voire une aversion pour l’UDC, dit-il. Cela ne me gêne pas. Ce qui me gêne c’est qu’on paie cela avec les deniers publics!»

Critiques balayées par Marcel Niggli, professeur de droit à Fribourg et directeur de la recherche: «Il n’y a rien de politisé, c’était une décision scientifique d’ouvrir le champ de recherches à l’environnement politique, comme on l’a fait pour le sport, par exemple, en abordant le problème du hooliganisme.» Il ajoute que «4 millions, ce n’est pas une somme exagérée: une cinquantaine de chercheurs en sciences humaines (sociologues, historiens…) a travaillé sur treize projets au total.» Et sur le fait que l’étude n’apporte rien de neuf? «Peut-être, mais c’est la première fois qu’on abordait le phénomène avec une méthodologie et des résultats empiriques.»

«Regard partiel»

L’étude enfonce toutefois des portes ouvertes. Notamment lorsqu’elle conclut qu’il existe une «divergence entre la société et le besoin marqué d’identité nationale et de défense vis-à-vis de l’étranger qu’éprouvent de nombreux citoyens». Charles Kleiber, ancien secrétaire d’Etat à l’éducation et à la recherche, admet «qu’on peut se demander s’il fallait investir 4 millions pour une critique de l’UDC. Mais, en l’occurrence, je ne crois pas que ce soit le cas. Et de telles études font tourner la recherche, ce sont des postes scientifiques qui sont en jeu.»

Une manière de dire que l’essentiel est de financer des recherches, quels que soient les résultats? Pierre Weiss, président du Parti libéral et lui-même sociologue, ne se prononce pas sur cette question. Mais il regrette «le regard partiel, voire partial, de l’étude». Une telle recherche s’avère «nécessaire, dit-il, à condition de prendre en compte tous les aspects de l’extrémisme, y compris religieux, de gauche ou les attitudes qui consistent à soutenir des mouvements comme le Hamas». Marcel Niggli abonde, mais rétorque que le mandat du Conseil fédéral se limitait strictement à l’extrême-droite.

 

Peu d’activistes, beaucoup de racistes

Il n’y aurait que 1200 activistes d’extrême-droite en Suisse, un chiffre stable depuis plusieurs années. L’extrémisme pourrait potentiellement concerner 4% de la population. Voici deux des résultats de l’étude financée par le Fonds national. Celle-ci souligne que «les attitudes et comportement extrémistes» sont «avant tout le fait de jeunes adultes» dont «la violence ne représente pas une menace aiguë pour l’Etat». L’étude met en perspective des liens entre l’extrémisme et le populisme en politique, les médias, le sport et les conditions socioculturelles. Elle éclaire surtout une attitude xénophobe dans une grande partie de la population.

L’un des travaux, appelé «Mesurer la misanthropie et l’extrémisme de droite en Suisse», sondant 3000 personnes, montre que 20% de la population présente des attitudes antisémites, 30% islamophobes; 50% des sondés auraient peur de l’étranger et 40% auraient des attitudes sexistes. «Cette méthode de sondage reprend des outils déjà appliqués en Europe et les chiffres correspondent aux résultats de l’Allemagne», signale Marcel Niggli, président du conseil de direction de la recherche.

P. C.