dimanche 30 juillet 2006

Markus Rauh: figure de proue de l'opposition à la révision des lois sur l'asile et les étrangers

Markus Rauh: un manager qui s'engage. (Keystone)

Ancien président du conseil d'administration de Swisscom, Markus Rauh s'est exprimé contre la révision de la loi sur l'asile dans une lettre ouverte. Depuis, sa vie a basculé. Lors de la fête nationale du 1er août, il prononcera le discours du Grütli, lieu légendaire de la naissance de la Confédération. Swissinfo a rencontré le top manager à Zurich.

swissinfo: Tout a commencé avec une lettre de lecteur dans le St. Galler Tagblatt. Pourquoi avez-vous écrit cette lettre?

Markus Rauh: A la fin de l'année dernière, j'ai décidé de tirer un bilan. J'avais sur le cœur tout ce que j'ai écrit dans cette lettre. Je devais m'en libérer.

swissinfo: Vous vous trouvez désormais en première ligne de la lutte contre la révision de la loi sur l'asile. Pourquoi?

M.R.: Dans sa globalité comme dans ses détails, cette révision est inacceptable! Elle conduirait à la loi sur l'asile la plus dure et la plus brutale d'Europe et je ne peux le cautionner. Cela va à l'encontre de mes valeurs et de ma conception de la tradition humanitaire helvétique.

La suite de cette entrevue sur Swissinfo, accompagnée d'extraits (en français) de la lettre de M. Rauh au St-Galler Tagblatt et de liens vers les sites concernés.

Markus Rauh se voit offrir une tribune de premier choix

Sous le titre «Les néonazis ne me font pas peur», lire l'interview complète dans Le Matin.

Markus Rauh vient de remettre son mandat de président de Swisscom et il s'engage à fond contre la nouvelle loi sur l'asile. L'entrepreneur saint-gallois, 67 ans, homme simple et généreux, s'est vu offrir une tribune de choix, celle du discours du 1er Août au Grütli. Il s'explique sur ses valeurs, Blocher et la Suisse.

À SAINT-GALL Markus Rauh est resté fidèle à sa ville d'origine. Dans son bureau en vieille ville, il met la dernière main à son discours du 1er Août au Grütli et il orchestre la campagne du comité bourgeois contre la révision de la loi sur l'asile. Photo © Michele Limina


Extrait:

Comprenez-vous que les gens moins aisés ne vous suivent pas dans votre combat contre le durcissement de la loi sur l'asile et sur les étrangers soumis au vote le 24 septembre prochain?
Tout d'abord, j'ai les pieds sur terre et j'ai toujours gardé le contact avec les classes plus défavorisées. Je suis par exemple engagé auprès de la soupe des rues à Saint-Gall et j'ai créé une fondation, «Chance», pour soutenir les jeunes gens en rupture avec la société. Pour ce qui est du problème de l'asile, je ne nie pas qu'il y a des abus. Mais leur ampleur est complètement exagérée.
Comment?
Les requérants qui posent problème, les NEM, soit ceux qui ont reçu une décision de non entrée en matière et qui devraient quitter la Suisse, sont au nombre de 2000. Leur présence coûte deux francs par habitant et par année aux Suisses. Une somme ridicule!
S'il y a abus, ne faut-il pas quand même serrer la vis?
La nouvelle loi sur l'asile ne résoudra pas le problème de ce petit nombre de requérants déboutés qui restent en Suisse. Nous allons dépenser encore plus d'argent à les mettre en prison en attendant leur expulsion. La solution serait de conclure des accords de réadmission avec les pays africains qui posent principalement problème. Mais Christoph Blocher ne s'en occupe pas. Il préfère mener une politique populiste et clairement électoraliste.
Vous attaquez frontalement le conseiller fédéral UDC, qui vous a contredit quand vous étiez encore président de Swisscom. Êtes-vous en train de régler vos comptes?
Mon engagement contre les nouvelles lois sur l'asile et les étrangers qui contreviennent à nos principes humanistes, à notre Constitution et au droit international n'a rien à voir avec M. Blocher que je ne connais pas personnellement et encore moins avec le changement de stratégie imposé à Swisscom. Comme je l'ai écrit dans une lettre de lecteur au début de cette année, j'ai été choqué par l'expulsion de nuit d'une mère kosovare et de ses enfants dans les Grisons et la honte que j'ai éprouvée pour la Suisse m'a décidé à réagir.
Le «comité bourgeois» que vous avez créé avec le libéral vaudois Claude Ruey pour combattre la loi sur l'asile compte plus de 160 personnalités. Comment expliquez-vous qu'il a été plus facile de recruter des politiciens et quelques patrons en Suisse romande qu'en Suisse alémanique?
Les Romands sont davantage ouverts et prêts à prendre des risques. Une autre explication vient du fait que la discipline de parti semble plus forte chez les élus bourgeois alémaniques.
Combien avez-vous investi dans la campagne de ce comité de droite?
J'ai mis environ 100 000 francs de ma poche. Il faut aussi savoir parler avec le porte-monnaie!
Vous avez attendu d'être à la retraite pour vous engager politiquement et peu de patrons vous ont rejoint. L'économie ne se mobilise-t-elle que pour défendre ses intérêts mais pas des principes?
Il est clair que la crainte de froisser ses clients existe chez les entrepreneurs que j'ai tenté de convaincre. Mais il y a aussi le bête facteur du peu de temps qu'ils ont à disposition.
Vous avez toujours voté radical. Allez-vous changer de parti, maintenant que vos amis politiques ont majoritairement décidé de soutenir le durcissement de la loi sur l'asile?
J'espère qu'ils vont revenir à la raison et se souvenir qu'il y a trois ans, ils étaient contre l'initiative sur l'asile de l'UDC qui était pourtant moins dure que la loi qui nous est soumise au vote le 24 septembre.

Interview réalisée par LUDOVIC ROCCHI
29 juillet 2006

«La Suisse ne doit pas faire la leçon!»

Pascal Couchepin est à New York, où il a inauguré une exposition consacrée aux immigrants suisses débarqués à Ellis Island. Il répond aux questions du Matin et revient sur l'actualité: révision des lois sur l'asile et les étrangers, 1 er Août dans un pays "paisible et en fête", guerre au Liban.



Extrait:

A New York, vous inaugurez une exposition consacrée aux nombreux émigrés suisses et à ceux qui ont connu le succès aux Etats-Unis. Une manière de se souvenir que nous n'avons pas toujours eu la chance d'avoir tout chez nous?

Oui, mais il ne faut pas sombrer dans le misérabilisme. Les Suisses sont venus ici aux Etats-Unis pour construire. L'immigration est toujours une chance partagée, pour celui qui arrive et pour le pays qui l'accueille.

Voilà un discours d'ouverture en contradiction avec la ligne dure du Conseil fédéral sur la révision des lois sur l'asile et les étrangers...

Pour qu'elle soit une chance, l'immigration doit être contrôlée. Les Suisses ont dû montrer patte blanche pour entrer aux Etats-Unis.

Êtes-vous sensible au comité de droite qui conteste la nouvelle loi sur l'asile jugée «inhumaine»?

La révision de la loi est un compromis auquel j'adhère, car dans le domaine de la politique des étrangers et de l'asile, on ne peut se montrer ni ange, ni bête, comme a dit Pascal, le grand, le vrai. Mais je vois d'un bon oeil que certains fassent les anges et défendent les valeurs humanistes de l'héritage radical. Je préfère que l'on exagère dans ce sens plutôt que dans l'autre...

( ... )

Comment faire la fête chez nous alors que la guerre fait rage au Proche-Orient?

Ce n'est pas en fermant les volets et en se forçant à être tristes que nous apporterons une solution à ce qui se passe au Liban...

Mais que peut faire la Suisse?


Paisible et en fête, la Suisse ne doit pas faire la leçon. Mais elle peut apporter une aide d'urgence à la misère humaine qui sévit au Proche-Orient, ce qu'elle fait déjà. Nous devons aussi espérer pouvoir apporter notre aide à la reconstruction de la paix dans cette région. La haine, le mépris, les dégâts sont considérables de part et d'autre. Mais pour que la paix puisse se faire, il est indispensable que les doléances des deux parties soient prises en considération, y compris le droit d'Israël à assurer sa sécurité.


L'interview, signée Ludovic Rocchi, peut être lue dans son intégralité sur le site du Matin.

Un peu d'histoire: "La Suisse: pays d'émigration"

La migration est fondamentalement
quelque chose dont les deux parties
peuvent profiter.

Pascal Couchepin
29 juillet 2006

La Suisse n'a pas toujours été le hâvre de prospérité et de paix que nous connaissons aujourd'hui. Entre les 17ème et 19ème siècles, nos compatriotes ont été contraints de s'expatrier, poussés par la famine, la misère et les persécutions religieuses.

Entre la fin du 19ème et le début du 20ème siècle, ce ne sont pas moins de 400'000 suisses qui choisirent l'émigration. Si aujourd'hui nous n'émigrons plus pour les mêmes raison, on ne peut s'empêcher de mettre en parallèle notre situation d'hier avec celle des populations migrantes actuelles.

Mais notre pays s'est intéressé davantage à ses immigrés qu'à ses émigrés. Ainsi, dès 1850, la Suisse tenait un registre exact du nombre d'étrangers vivant sur son sol, mais il a fallu attendre 1926 pour qu'elle fasse un recensement de sa diaspora, communauté qui compte aujourd'hui 620'000 personnes, soit près d'un Suisse sur dix.

Pour en savoir plus sur l'émigration suisse et son histoire:

- la Cinquième Suisse en chiffres sur le site de l'OSA, organisation des Suisses de l'étrangers

- le site de la diaspora suisse aux Etats-Unis: Swissroots.org

- les communautés mennonite et amish: à l'origine, des Suisses protestants anabaptistes, fuyant les violentes répressions dont ils étaient victimes et qui s'installèrent aux Etats-unis dès 1680 (en anglais)

- l'émigration au 18ème siècle: un crime contre la patrie (en anglais)

- au 19ème siècle: les Suisses fuyent la misère et la famine (en anglais)

- la Cinquième Suisse s'affiche à Brunnen pour nous rappeler qu'elle existe

- "Small Number - Big Impact": exposition à Ellis Island, consacrée à l'immigration suisse aux Etats-Unis



Dans la rue contre le conflit au Proche-Orient


Les drapeaux libanais étaient omniprésents
lors de la manifestation. (Keystone)

Plus de 3000 personnes ont défilé samedi à Berne pour protester contre le conflit armé entre Israël et le Hezbollah libanais, ainsi que contre l'offensive israélienne dans la bande de Gaza. Les manifestants ont aussi appelé la Suisse à suspendre sa collaboration militaire avec les pays du Proche-Orient.

Convoquée par le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), des Verts, du Parti du Travail/POP, de Terre des hommes et une trentaine d'autres organisations, la manifestation pacifique était autorisée.

Elle est partie de la Reithalle, haut lieu alternatif de la capitale, pour se rendre devant le palais fédéral. «Personne ne gagne dans une guerre», était-il écrit sur l'une des nombreuses banderoles présentes dans le cortège hétéroclite composé de gens de tous âges. Il y avait 3000 personnes selon la police, 4000 selon les organisateurs. Pour la première fois, la population suisse était présente en nombre, s'est félicité l'un d'entre eux. L'attitude du Conseil fédéral face au conflit, jugée passive par les manifestants, y est certainement pour quelque chose, a-t-il encore estimé. Mercredi, le gouvernement avait décidé de se cantonner au volet humanitaire du conflit. «La neutralité n'implique pas de se taire», proclamait ainsi un panneau.

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"Calmy-Rey courageuse - Conseil Fédéral minable" (Keystone)

Lire la suite de cet article sur Swissinfo.

Bluewin info consacre également un article à la manifestation de samedi à Berne, tout comme la RSR (liens audio et vidéo) et la TSR.