samedi 1 octobre 2005

Pas de problème avec les migrants à Fribourg

La très grande majorité des communes fribourgeoises n'ont pas de problèmes avec la population migrante. Tel est un des résultats d'une enquête réalisée au printemps dernier par la commission cantonale pour l'intégration des migrants.

Lire la dépêche de l'ATS

Le rapport que Berne ne veut plus lire


Toujours dans le Courrier, Didier Estoppey est frappé par le peu de cas que les parlementaires font des études qui tentent d'aller au delà des solutions simplistes et populistes. Tel est le cas de l'étude émanant des chercheurs Neuchâtelois du forum suisse des migrations (attachés à l'UNINE)
Il est parfois des coïncidences troublantes. Alors que Christoph Blocher vient d'encourager le National à durcir la Loi sur l'asile en invoquant la menace d'une invasion de la Suisse par les requérants africains, un rapport commandé par ses propres services vient souligner à quel point sont infondées les peurs attisées par le tribun en chef de l'UDC. Mandaté par l'Office fédéral des réfugiés en 2003 –c'était certes avant l'élection de Christoph Blocher au Conseil fédéral– le Forum suisse pour l'étude des migrations a publié lundi dernier le fruit de ses recherches sur les «Trajectoires d'asile africaines».[1]
Les chiffres, d'abord: le moins que l'on puisse dire est que l'on est encore loin d'une africanisation de la Suisse. Même si la population originaire de divers pays d'Afrique a connu une croissance récente dans le domaine de l'asile, elle reste très marginale puisque les Africains, toutes nationalités confondues, ne constituent que 3,3% de la population étrangère vivant en Suisse. Soit un peu plus de 50000 personnes, dont un cinquième environ relèvent du domaine de l'asile. L'Angola, le Congo, la Guinée, le Nigeria, la Sierra Leone et le Togo sont les six principaux pays de provenance des demandeurs d'asile africains: des régions du monde qui ne sont pas spécialement réputées pour leur calme et leur respect des droits humains.
Centrée sur les migrants en provenance d'Afrique de l'Ouest (une cinquantaine ont fait l'objet d'interviews), l'étude ne fait pas l'impasse sur le sujet qui fâche: le taux de délinquance prêté aux requérants africains, particulièrement dans le domaine du trafic de drogue. Les chercheurs ne peuvent que constater la forte augmentation du phénomène depuis cinq ans. Mais aussi l'absence de statistiques précises sur les délits en lien avec le statut et la nationalité de leurs auteurs. Et rappeler que, même si elle est environ dix fois plus élevée que chez la population suisse, la délinquance liée à la drogue ne touche que 4% des requérants (toutes nationalités confondues). Hypothèse avancée par les auteurs: en raison de la guerre que lui ont déclarée les Etats-Unis, les voies d'acheminement de la cocaïne vers l'Europe passent toujours plus par des ports ouest-africains, avec le soutien actif de certaines juntes du cru.
Les personnes interviewées sont d'ailleurs les premières à dénoncer un trafic qui nuit profondément à l'image des Africains en Suisse, qu'ils soient ou non requérants d'asile. Mais l'étude met aussi en doute la capacité du durcissement en cours à résorber le phénomène. Des parcours analysés, il ressort que les migrants africains sont souvent prêts à tout pour éviter un retour, «qui équivaut quasiment à une mort sociale» vu l'investissement mis par toute une communauté dans leur départ en Europe. Dès lors, soulignent les auteurs, on peut «légitimement se demander si ces mesures d'exclusion ne risquent pas (...) de rapprocher des demandeurs d'asile essentiellement motivés par un projet migratoire de milieux qui exercent des activités illégales».
De quoi faire réfléchir nos autorités qui prétendent éloigner les criminels de la Suisse. Mais en matière de politiques migratoires, l'ambiance n'est plus vraiment à la réflexion. Sauf dans de savants rapports destinés à remplir des tiroirs...

Et maintenant, que faire ?

Didier Estoppey dans Le Courrier s'interroge sur la statégie à suivre pour combattre les ducissements des lois sur l'asile et les étrangers:
Comités unitaires ou séparés? Les cogitations sont intenses au sujet des stratégies à suivre pour s'attaquer au durcissement de la Loi sur l'asile et de celle sur les étrangers.

Le vent glacial qui souffle à Berne ne suffit pas à refroidir les ardeurs. Au lendemain de la cascade de votes par lesquels le Conseil national s'est rangé à la ligne la plus dure, le double référendum se prépare activement sur la Loi sur l'asile et celle sur les étrangers. Il reste un peu de temps: le vote final n'interviendra pas avant la session de décembre. Le Conseil des Etats doit en effet encore examiner d'ultimes divergences. La Chambre du peuple s'étant ralliée sur pratiquement tous les points aux durcissements apportés en mars dernier par celle des cantons, ce ne devrait être là qu'une simple formalité.
Les trois petits mois qui restent jusqu'à cette échéance ne seront pas de trop pour affûter les arguments, et surtout les stratégies, du côté des référendaires. Le lancement du référendum sur la Loi sur l'asile ne semble a priori par poser de problèmes, socialistes et Verts ayant d'ores et déjà proclamé leur intention, au plan national, de se lancer dans la bataille.
Mais la riposte s'organise aussi du côté de la société civile. Amnesty international et l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) ont elles aussi annoncé le référendum, et cherchent à réunir autour d'elles un maximum d'ONG et d'églises. Une première réunion préparatoire s'est tenue jeudi. Avec un épineux problème à la clé: des organisations statutairement apolitiques peuvent-elles se fondre dans un comité référendaire constitué de partis qui, à la veille des élections fédérales, auront pour priorité de tirer à boulets rouges sur le centre-droite et l'UDC? Doivent-elles au contraire former un comité séparé? «La question est délicate, admet Yann Golay, porte-parole de l'OSAR. Mais de nombreuses réunions sont encore prévues, et il reste du temps pour trancher.»
Si le lancement du second référendum, celui contre la Loi sur les étrangers (LEtr), ne fait lui non plus aucun doute, les forces paraissent un peu plus difficiles à rassembler que pour l'asile. «Les Verts sont là aussi acquis au lancement, commente leur conseiller national genevois, Ueli Leuenberger. Mais les socialistes sont pour l'heure plutôt réticents à partir en première ligne, jugeant que c'est l'affaire des syndicats. Et les centrales nationales en sont à évaluer la possibilité de se lancer dans cette nouvelle bataille de front avec tous les autres combats déjà engagés...» Créé dès 2004, un comité référendaire «Non à la loi contre les étrangers» est désormais prêt à entrer en campagne. Mais les partis, syndicats et collectifs de soutien aux sans-papiers qu'il regroupe ne proviennent que des cantons de Vaud et de Genève. La forte mobilisation syndicale qui a permis à la libre circulation de l'emporter le 25 septembre peine encore à se faire entendre contre la fermeture des frontières aux non-Européens. «Pourtant, au soir du 25 septembre, nous n'avons fait tomber qu'un mur mitoyen, alors qu'on est en train d'élever de nouveaux remparts autour de la maison Helvétie», observe Jean-Michel Dolivo, l'un des fondateurs du comité opposé à la LEtr.
Dernière piste à explorer d'ici à décembre: celle des forces qui, au centre-droite, seraient susceptibles de venir élargir la base politique des comités référendaires. A Genève, les élus du PDC, du Parti libéral et du Parti radical ont voté avec la gauche contre une partie – voire la totalité pour le conseiller national PDC Luc Barthassat – des durcissements infligés à la Loi sur l'asile. Ces partis se sont par ailleurs rangés derrière la demande genevoise de régularisation de 5000 sans-papiers, dont on ne donne pas cher après l'abrogation dans la LEtr du droit à une procédure de régularisation, après quatre ans de vie en Suisse.
Le Parti socialiste genevois, qui tenait hier conférence de presse pour faire part de sa «consternation» suite aux votes du Conseil national, a ainsi le projet de convoquer des assises en vue de fédérer un maximum de forces contre le durcissement en cours. Autre objectif de ces assises: travailler à une «exception genevoise», à une application aussi humaine que possible d'un cadre légal fédéral qui l'est de moins en moins. «De deux choses l'une, résume Sandrine Salerno, conseillère municipale en Ville de Genève, ou le canton fait tout ce qu'il peut pour se distinguer face à cette dérive inacceptable, ou il renonce à agir. Mais Genève devra alors cesser de se gargariser de sa réputation de ville internationale et humanitaire...» I