samedi 22 septembre 2007

Christoph Blocher s'explique

Dans un long entretien accordé à Valentine Zubler, Pierre Ruetschi et Thierry Meyer, le Conseiller fédéral s'explique sur les remous de la campagne en cours. Extraits.

Sur les moutons noirs: «Vous trouvez ça si mauvais?
Les moutons noirs, c’est une expression qui existe
dans toutes les langues. Et la provocation
c’est important, ça permet de faire avancer les choses.»
(Olivier Vogelsang)
(...)
– Un ministre de la Justice peut-il critiquer une loi suisse à l’étranger, comme vous l’avez fait avec la norme antiraciste en Turquie?– Oui. Cela étant, j’ai aussi critiqué cette loi ici, et personne ne s’en est offusqué. Lors de mon voyage en Turquie, je ne pouvais pas prétendre devant les autorités turques que les gens ayant un avis contraire au leur ne devaient pas être envoyés en prison pour cette raison, comme c’était le cas dans leur pays lors de ma visite. Dans le même sens, je ne pouvais pas cacher que nous avions nous aussi des limites concernant la liberté d’expression. Je suis d’ailleurs en train d’élaborer une proposition qui améliore la situation.
– Cette loi a été votée par le peuple. Le peuple n’a donc pas toujours raison?
– Le peuple n’a pas toujours raison, mais ce qu’il décide doit être exécuté. En revanche, chacun doit pouvoir mettre en discussion les normes légales
– Si vous devenez président de la Confédération dans deux ans, allez-vous poursuivre à l’étranger de telles attaques? On attend d’un président qu’il parle pour tous les Suisses.

– Un président représente le gouvernement et strictement sa ligne politique.
– Etes-vous favorable à l’élection du Conseil fédéral directement par le peuple?

– Oui.
– En l’occurrence, c’est ce qui se passe, puisque l’on demande aux candidats s’ils vont voter pour vous ou non…

– A cause de mes opposants. Mon parti n’aurait pas insisté sur ce point. Je suis le fruit de mes adversaires. Désolé. Je fais mon travail, je compte trente ans de carrière politique derrière moi et j’ai marqué mon parti, lequel m’a d’ailleurs dit: «Il y a tellement de gens derrière toi, ils doivent savoir que si l’UDC perd les élections, il y a un risque pour toi.»
– Et si vous n’êtes pas réélu?

– Je n’ai pas peur. Je me prépare aux deux cas de figure. Si je ne suis pas réélu, je retourne dans l’opposition.
– Un tel climat de haine durant une campagne était inconnu jusqu’à aujourd’hui. Engendré, notamment, par cette affiche avec des moutons blancs qui chassent un mouton noir. Difficile de croire que vous ne vous y attendiez pas.

– Vous trouvez ça si mauvais? Les moutons noirs, c’est une expression qui existe dans toutes les langues. Le proverbe veut d’ailleurs que dans chaque famille, chaque classe d’école, il y ait un mouton noir. Et la provocation, c’est important, ça permet de faire avancer les choses. Le mot vient du latin provocare , qui veut dire soulever le débat.
– Mais le double sens est évident. Et l’affiche montrant des postérieurs de musulmans en train de prier, et leur demandant d’utiliser leur tête?

– Non, les moutons noirs, ce sont seulement les étrangers criminels. Les autres, qui vivent ici légalement, peuvent rester en Suisse. Le mot «noir» n’a rien à voir avec les Africains. On parle de travail au noir, de liste noire… L’autre affiche, je ne l’aurais pas faite, même si je ne la trouve pas aussi incroyablement méchante. C’est finalement assez amusant.
– Les réactions sont très vives. Micheline Calmy-Rey se dit dégoûtée par cette campagne, Pascal Couchepin évoque le fascisme des années 30 et vous compare à Mussolini. Vous attendiez-vous à tout cela?

– Croyez-vous que les affiches du Parti socialiste me plaisent? Simplement, je ne dis rien. Pascal Couchepin parle de fascisme? Bon, c’est aussi du calcul. D’une part, je ne sais pas ce qu’il voulait dire, et d’autre part, il n’a pas dit qui, précisément, lui faisait penser à Mussolini. Moi je ne le ferais pas. Je ne sais pas pourquoi les réactions sont si sensibles, ce sont des discussions de campagne électorales.
– Votre popularité en Suisse romande a baissé.

– Je n’ai jamais été l’ami de la Romandie, notamment en raison de l’Europe. Cela dit, quand je me suis rendu au Comptoir Suisse à Lausanne, beaucoup de gens m’ont félicité et m’ont dit qu’ils me trouvaient courageux. Dans cette salle, il y avait cinq orateurs qui ont exprimé leur opinion, ont évoqué la démocratie et le droit international, sans faire la guerre. La presse n’a parlé que des casseurs. Mon discours économique a reçu un accueil favorable, j’ai été applaudi, notamment par les nombreux entrepreneurs présents. D’ailleurs, un chef d’entreprise très connu m’a dit: «J’ai honte pour la Suisse romande.» Je le remercie. Il m’a dit n’avoir jamais voté UDC, mais qu’il allait le faire cet automne. Cette solidarité, c’est le résultat de mes opposants.

(...)

Retour à la case départ, après des années de bataille

Expulsé avec sa famille en décembre dernier, après avoir passé plus de la moitié de sa vie en Suisse, Fatmir Nebija est de retour. Aujourd'hui, tout est à recommencer.
SOULAGEMENT
Fatmir Nebija a retrouvé un peu du sourire
perdu il y a dix mois, lors de son expulsion.
Il faudra malgré tout beaucoup de temps
à la famille pour retrouver une vie normale.
(JOANA ABRIEL, YVERDON, LE 19 SEPTEMBRE 2007)


Attablé au buffet de la gare d'Yverdon, Fatmir Nebija respire profondément l'air frais de fin d'été, qui contraste avec la fournaise qui écrase encore les Balkans à cette époque de l'année. Le sourire, qu'il avait définitivement perdu au moment de franchir la douane de l'aéroport de Cointrin en décembre dernier, est revenu.

Cela fait deux jours qu'il a retrouvé le sol helvétique avec son épouse et leurs deux filles, après dix mois extrêmement rudes passés dans un village du Kosovo. «Je gardais toujours un tout petit espoir qui m'a fait tenir le coup. Mais franchement, je pensais qu'une fois là-bas, on allait nous oublier définitivement», avoue Fatmir. C'était sans compter sur la ténacité de ses amis en Suisse, parmi lesquels plusieurs parlementaires vaudois. A coup d'innombrables lettres avec leurs homologues fribourgeois, ils sont parvenus à obtenir du service de la population du canton, qui avait retiré à Fatmir son permis C, que les Nebija puissent revenir en Suisse. Mais avec un permis B.

Dur de se relancer

Expulsé après seize années passées en Suisse, déchu de son permis C après un cafouillage administratif, le jeune trentenaire, dont toute la famille est installée en Suisse, s'apprête à recommencer sa vie. A zéro. «Je n'ai plus rien, soupire Fatmir. J'ai dû vendre les dernières choses qui me restaient pour payer le billet d'avion pour revenir.» Avec sa famille, il loge désormais chez des cousins à Yverdon. En attendant de trouver un appartement à Estavayer, où il habitait avant le début de ses mésaventures. Une gageure lorsqu'on n'a pas de quoi payer de caution. «Et je ne peux même pas demander à quelqu'un de se porter garant à ma place, il faut que le bail soit établi à mon nom.»

Condition sine qua non pour l'obtention de son permis, un travail l'attend. Comme chauffeur de poids lourd. Mais il lui faut d'abord repasser en Suisse le permis de conduire qu'il a obtenu en Albanie, patrie de son épouse Alma. Pour cela aussi, il lui faudra de l'argent.

Dix ans pour un permis C

Le plus dur pour lui aujourd'hui? Devoir demander de l'aide aux services sociaux. «C'est plus que dur, c'est grave pour moi... Car je suis jeune, en bonne santé. Avant toute cette histoire, j'ai toujours travaillé, je gagnais bien ma vie, insiste-t-il. Mais là, je n'ai pas le choix, je dois demander de l'aide pour me relancer. Mais je veux tout rembourser le plus vite possible.» Après tout ce temps perdu, Fatmir n'attend aujourd'hui qu'une chose: recommencer à vivre normalement dans ce qu'il considère toujours comme son pays. Avoir un toit, travailler, envoyer ses filles à l'école. Dans dix ans, si tout va bien, il récupérera son permis C, obtenu une première fois en 1998.

Un article de Marc Ismail paru dans 24 Heures

Paroisse d'Ecublens - Saint-Sulpice interdite d'organiste japonaise

Un permis B avec activité lucrative refusé pour cause de nationalité non européenne. L'artiste de renom avait pourtant été la seule à répondre à l'offre d'emploi.


L'église romane de Saint-Sulpice, très prisée pour les mariages,
devrait selon la justice se contenter d'un organiste «amateur éclairé».

Délices et orgues en berne à Ecublens et à Saint-Sulpice, depuis le couperet du Tribunal administratif vaudois, tombé le 6 septembre. Pour le plaisir et pour le recueillement, les deux voisines, qui forment une paroisse réformée commune, avaient trouvé la perle rare en la personne de la jeune organiste virtuose japonaise Ezko Kikuchi, bardée de distinctions du Conservatoire de Lausanne. Perle unique en vérité, puisqu'elle fut la seule personne à postuler lors de la mise au concours du poste suite au départ du titulaire.

C'était compter sans les tracasseries administratives. «Le permis de travail a été refusé, en application de la limitation du nombre des étrangers non européens, explique Philippe Vogel, son avocat. Les juges ont estimé que les communes n'avaient pas fait tous les efforts de recrutement requis pour bénéficier de l'exception consentie au personnel spécialisé. Et puis, ils se sont demandés si une organiste aussi confirmée n'était pas finalement un luxe pour des églises de village.»

Le Tribunal administratif ajoute que pour bien faire, l'employeur potentiel doit démontrer «qu'aucun travailleur indigène ou ressortissant de l'UE ou de l'AELE ne peut être recruté pour ce travail en Suisse». Qu'il doit signaler la vacance du poste à l'Office régional de placement.

«Doit-on en déduire qu'il faudrait faire une offre dans toute l'Europe pour être en règle?», s'interroge le greffe municipal d'Ecublens.

Président du conseil de paroisse, Jacqueline Hefti souligne combien il est difficile de repourvoir un tel poste. «Cela nécessite une grande disponibilité en termes d'horaires et beaucoup de souplesse, étant donné la diversité des offices. Sans parler bien sûr de la dimension spirituelle inhérente à la fonction.» Autant de critères que la candidate japonaise semblait être la seule à satisfaire, ou du moins à être disposée à le faire. Ce qui n'empêche pas les juges de se demander si un «amateur éclairé» ou un étudiant ne ferait pas tout aussi bien l'affaire. «Sans doute les communes n'ont-elles pas envisagé cette solution, dès lorsqu'elles disposaient d'une perle rare. Il s'agit là d'un choix compréhensible, mais de convenance, que la jurisprudence exclut de faire.»

Un article de Georges-Marie Bécherraz pour 24 Heures

Le PS examine la campagne de l'UDC

Lire l'article de Valérie de Graffenried dans le Temps
Le Parti socialiste a décortiqué les quatre campagnes d'affichage et d'annonces de l'UDC. Et arrive au chiffre de 15 millions de francs. De son côté, un directeur de Publicitas souligne que le nombre d'annonces pour cette campagne a explosé.


L'UDC refuse de révéler combien elle investit dans sa campagne électorale? Qu'à cela ne tienne: le PS a fait les calculs à sa place. Et il arrive au chiffre de 15 millions de francs, en ne prenant en compte que les affiches et les annonces publiées dans la presse. Voilà comment Nicolas Galladé, chef de campagne du PS, arrive à cette somme...

Selon Philippe Leuba, Vaud a retrouvé sa crédibilité à Berne sur l'asile

Lire l'article de Marco Danesi dans Le Temps
Depuis le début de l'année, l'Office fédéral des migrations (ODM) n'a refusé aucune des interventions du canton en faveur de requérants déboutés. Questions au conseiller d'Etat libéral élu ce printemps.