Le chef de l'assistance, Pierre-Alain Lunardi, a été licencié suite à une lettre corsée du personnel. Il est aussi visé par une plainte pénale de son ancien adjoint. Un article de Mickaël Rodriguez dans le Courrier.
Des accusations de mobbing ont poussé vers la porte Pierre-Alain Lunardi, l'ancien chef de l'assistance au Centre d'enregistrement de requérants d'asile à Vallorbe. L'homme qui endossait le rôle du chef à visage humain dans «La Forteresse», le documentaire de Fernand Melgar, aurait fait régner un climat de terreur afin d'asseoir son pouvoir. Un de ses anciens adjoints, Khalid Aqezdaou, a déposé une plainte pénale contre lui.
Une lettre accablante
En décembre dernier, huit employés ont écrit à la direction d'ORS, l'entreprise qui gère le centre, pour se plaindre de l'attitude de leur chef. Cette lettre, dont le quotidien «24 heures» a publié récemment des extraits, fait état de mobbing et de propos à caractère raciste. «Cela a été un point parmi beaucoup d'autres» dans la décision de licencier Pierre-Alain Lunardi, confirme le directeur d'ORS, Eric Jaun. «Nous avons eu un entretien avec M. Lunardi au mois de janvier et nous avons décidé de le libérer tout de suite de son travail», précise-t-il.
Dans nos colonnes, l'ancien chef affirmait qu'il avait été poussé à la démission pour avoir pris la défense d'un de ses adjoints, licencié au mois d'octobre (notre édition du 11 février). Il critiquait aussi le manque de moyens à disposition du centre et les bas salaires des employés d'ORS.
Certains employés font un récit radicalement différent. Après ses premiers mois à Vallorbe, durant lesquels il se serait montré très présent et prévenant, Pierre-Alain Lunardi se serait rapidement comporté comme un chef intouchable. «Beaucoup ont été surpris, voire fâchés, de voir la place que M. Lunardi prenait dans «La Forteresse», alors qu'en dehors de la période du tournage, on ne le voyait que rarement dans le centre», relate un ancien membre de l'équipe du centre sous couvert de l'anonymat.
«Un tournus effarant»
«Il y avait un tournus effarant au sein du personnel, poursuit notre interlocuteur. La plupart des personnes qui étaient là depuis longtemps sont parties, et celles qui étaient nouvellement engagées restaient peu de temps. Certaines employées étaient privilégiées, d'autres au contraire harcelées, voire même renvoyées pour un mot de travers.»
Car la stratégie de l'ancien chef consistait apparemment à diviser pour mieux régner. «Quand un employé le dérangeait, M. Lunardi montait parfois de toutes pièces une chasse aux sorcières pour le renvoyer, relate Illan Acher, un ancien stagiaire bénévole. Il s'arrangeait pour faire témoigner contre cette personne d'autres employés en les menaçant de licenciement s'ils refusaient.»
Selon une partie du personnel, une mésaventure similaire serait arrivée à Khalid Aqezdaou. Bien loin de prendre sa défense, Pierre-Alain Lunardi aurait été à l'origine de son licenciement. «Le plus probable est que M. Lunardi, voulant se débarrasser de son adjoint, ait fait en sorte d'obtenir son licenciement en le faisant accuser de harcèlement», relate notre source anonyme. Reste que le personnel est divisé. Une partie des employés soutient en effet Pierre-Alain Lunardi contre son adjoint.
La justice saisie
Le conflit qui a opposé les deux hommes se poursuivra devant la justice. Khalid Aqezdaou a déposé une plainte pénale visant plusieurs personnes, dont Pierre-Alain Lunardi. «Nous sommes au courant de cette plainte, mais c'est une affaire entre M. Lunardi et M. Aqezdaou», indique Eric Jaun. La direction d'ORS n'est pas en cause, affirme le directeur de la firme.
Le motif de la plainte serait-il la diffamation, voire la calomnie? La question reste pour l'heure sans réponse, Khalid Aqezdaou n'ayant pas donné suite à nos demandes d'entretien. Pierre-Alain Lunardi se refuse également à tout commentaire.
Quant aux propos à caractère raciste, nos interlocuteurs n'en ont pas été témoins. Illan Acher dit par ailleurs avoir été frappé par une déclaration de l'ancien chef: «Il a dit qu'il était contre la notion même d'asile, parce que c'était aux pays du tiers-monde d'œuvrer eux-mêmes à leur développement».
jeudi 11 mars 2010
Le “gentil organisateur” du centre de Vallorbe aurait exercé du mobbing
Minarets: la Suisse pointée à l’ONU
Un projet de résolution contenant un paragraphe sur l’interdiction des minarets circule au sein du Conseil des droits de l’homme. Une initiative indépendante des attaques de la Libye. Un article du Temps, signé Carole Vann / Infosud.
«Le Conseil des droits de l’homme condamne fermement l’interdiction de la construction de minarets de mosquées ainsi que d’autres mesures discriminatoires qui sont des manifestations d’islamophobie contrevenant clairement aux obligations internationales en matière de droits de l’homme pour ce qui est de la liberté de religion, de croyance, de conscience et d’expression […] de telles mesures discriminatoires participent à alimenter la discrimination, l’extrémisme et les préjugés, conduisant à la polarisation et à la division avec de dangereuses conséquences non voulues». Ces quelques lignes ont été ajoutées mercredi à un projet de résolution en 21 points portant sur la diffamation des religions, en circulation parmi les Etats de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) et du groupe africain depuis le début de cette session annuelle. Le texte doit être soumis au Conseil lors du vote des résolutions, prévu au terme de la session en cours, le 25 ou le 26 mars.
Bien que l’énoncé ne cite aucun pays nommément, il ne fait pas de doute qu’il se réfère à l’interdiction de constructions de minarets en Suisse, votée par référendum le 29 novembre dernier. Contacté par téléphone, Raphaël Saborit, porte-parole du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), a exprimé le désaccord de Berne avec le projet de résolution. «Sur le principe, la Suisse exprime son désaccord sur le concept même d’une résolution consacrée à la diffamation des religions présentée régulièrement dans le cadre de l’Assemblée générale de l’ONU et du Conseil des droits de l’homme», a-t-il affirmé. «La Suisse défend la liberté religieuse, qui a pour objectif de protéger le droit de chaque citoyen croyant de pratiquer librement sa religion et non la religion elle-même.» Et d’ajouter: «S’agissant, dans ce projet de résolution, de la mention de l’interdiction des minarets, la Suisse se prononcera le moment venu (à la fin du mois, au moment des votes des résolutions, ndlr) au Conseil des droits de l’homme.
Le porte-parole a tenu à préciser qu’une rencontre bilatérale avait eu lieu le 2 mars à Genève entre la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey et le secrétaire général de l’OCI, Ekmeleddin Ihsanoglu, en marge de la session des droits de l’homme. «Cette rencontre a permis un large échange de vues sur le sujet», a commenté Raphaël Saborit.
Le projet de résolution, avec son ajout sur les minarets, tombe dans un contexte chaud. La Libye vient d’appeler les Etats et les citoyens musulmans au djihad (guerre sainte), juste après avoir décrété un embargo économique contre la Suisse. Mouammar Kadhafi a aussi appelé les 17 Etats membres de la Ligue arabe à exprimer leur solidarité avec Tripoli dans son conflit avec Berne.
Toutefois, les organisations de défense des droits de l’homme relativisent l’influence de la Libye, qui ne fait pas partie des Etats membres du Conseil des droits de l’homme. Selon ces ONG, le projet de résolution, de même que le paragraphe sur les minarets sont l’initiative du Pakistan, porte-parole des pays de l’OCI au Conseil. Pour Hossam Bahgat, directeur de l’Initiative égyptienne des droits personnels, une organisation reconnue pour son engagement en matières de libertés, Kadhafi ne serait pas pris au sérieux dans les pays arabes. «Les populations se moquent de lui, tandis que les Etats sont plus retenus mais n’en font pas beaucoup cas», affirme-t-il. Et de rappeler que Tripoli s’apprête à accueillir le prochain sommet de la Ligue arabe les 28 et 29 mars, raison pour laquelle, selon lui, ces pays ont appuyé la Libye dans la condamnation des minarets, sans se prononcer pour autant sur l’appel au djihad.
Hossam Bahgat précise approuver la condamnation de l’interdiction des minarets, mais pas la résolution en circulation qui «résume tous les aspects négatifs sur la diffamation des religions. Ce concept va à l’encontre des lois internationales sur les droits de l’homme et favorise les violations des libertés dans le monde arabe.» Les ONG vont consacrer ces prochains jours à tenter de convaincre les Etats arabes de modifier le texte de la résolution et la rendre compatible avec le droit international. En commençant par se débarrasser du concept de diffamation de religion et le remplacer par «incitation à la haine nationale et religieuse». Une revendication qui revient comme les vagues sur le devant la scène onusienne des droits humains.
Candidate proche des néonazis dans la course présidentielle
La présentation par l’extrême droite de Barbara Rosenkranz à l’élection présidentielle fait des vagues. Un article de Blaise Gauquelin, Vienne, pour 24 Heures.
«Ceci n’est pas une blague, c’est la réalité autrichienne», titrait cette semaine l’éditorialiste de l’hebdomadaire Profil, en révélant la proximité édifiante de la candidate de l’extrême droite (FPÖ) avec les milieux néonazis. Cette phrase illustre à la perfection la lassitude du milieu intellectuel viennois, qui voit se profiler une seconde «affaire Waldheim», du nom de l’ancien secrétaire général des Nations Unies, élu président de l’Autriche, en 1986… malgré son passé actif dans la Wehrmacht.
Et en effet, les «vieux démons» du pays refont surface. Pour affronter, le 25 avril prochain, le populaire chef d’Etat sortant Heinz Fischer, social-démocrate, les conservateurs chrétiens n’ont trouvé personne. Ils ont laissé le champ libre à Barbara Rosenkranz, candidate FPÖ, «mère de famille nombreuse», «représentante du peuple» et… femme de l’un des fondateurs du parti néonazi NDP! De quoi tester l’appétence des électeurs à un retour des idées brunes.
Levée de boucliers tardive
A peine intronisée, cette quinquagénaire, antiféministe, s’est d’ailleurs empressée de contester l’interdiction du NDP en Autriche. Une prise de position radicale, mais à la franchise inédite. Face à la polémique, Barbara Rosenkranz, créditée de 20% des suffrages, a dû jurer sous serment de son attachement aux lois contre le révisionnisme et condamner les crimes du national-socialisme. Mais sans convaincre. «Il est grotesque, a dit Josef Pröll, le jeune chef de file de la droite chrétienne, de devoir prendre ses distances avec une idéologie telle que la dictature nazie, et ce par une déclaration sous serment.»
Pourtant, cette levée de boucliers intervient tardivement. En 2008, le FPÖ a désigné à la vice-présidence du parlement un pangermaniste proche des milieux néonazis. Martin Graf a été élu avec les voix de l’ÖVP, et sans que la gauche ne s’y oppose, malgré ses dérapages verbaux antisémites. Selon le politologue Anton Pelinka, «ce qui était derrière les sanctions européennes il y a dix ans est en fait toujours là sur la scène politique: une approche négligente du rapport au nazisme et l’acceptation d’un style populiste contenant un antisémitisme plus ou moins caché, une xénophobie affichée et une justification nostalgique du régime nazi.»
Sans-papiers: patrons et syndicats accordent leurs violons
Pour la première fois, des représentants du patronat (hors Medef) et des syndicats ont rédigé un texte commun sur les critères permettant aux salariés sans papiers d'obtenir un titre de séjour. Ils veulent en discuter avec Xavier Darcos.
On estime officiellement qu'il y a entre 200.000 et 400.000 travailleurs en situation irrégulière en France. Le plus souvent, ils restent des travailleurs de l'ombre, sans statut et sans droits. Pourtant, depuis mi-octobre, environ 6000 sans-papiers de plus de 2100 entreprises se sont mis en grève pour exiger des critères clairs de régularisation par le travail, avec le soutien de onze syndicats ou associations. Une nouvelle circulaire diffusée fin novembre aux préfets et précisant les critères à prendre en compte pour l'admission exceptionnelle au séjour des salariés étrangers n'a pas mis fin au conflit.
Du côté des autorités, rien ne semble permettre de sortir de cette situation inextricable. Aussi des représentants du patronat et des syndicats ont-ils pris le problème à bras-le-corps. Les représentants de deux organisations patronales, la CGPME et Ethic, le Syndicat national des activités du déchet, l'entreprise Veolia Propreté ainsi que les syndicats CGT, CFDT, Unsa, FSU et Sud se sont rencontrés mercredi 3 mars. Résultat de leur entrevue : un texte commun, qui n'est pas encore un accord, sur les critères permettant aux salariés sans papiers d'obtenir un titre de séjour. S'il "n'a pas vocation à prendre position sur la question de la régulation des flux migratoires en France", ce texte "se veut pragmatique, constructif et positif", ont précisé patronat et syndicats dans un communiqué. "Il s'agissait d'établir les conditions précises et objectives d'obtention d'autorisation de travail et de séjour correspondant, pour les salariés étrangers sans papiers mais qui s'acquittent, de même que leurs employeurs, de leurs cotisations et impôts".
Le ministère du Travail botte en touche
La CGPME a tenu à relativiser la portée du texte, tout en expliquant la volonté qui avait présidé à cette recherche d'un compromis avec les syndicats. "Il s'agit d'une approche commune pour faire avancer les choses (...) sans la valeur d'un accord normatif, ni d'un texte signé", a souligné Jean-François Veysset (CGPME). "Il s'avère qu'il y a eu des divergences peut-être trop marquées" d'une préfecture à l'autre, et "on a donc recherché, dans le respect des textes, à dégager une approche qui pourrait peut-être permettre de meilleures prises de décision" au cas par cas. "Il ne s'agit pas de se faire complice et de faciliter la clandestinité" mais "n'oublions pas que derrière tout cela, il y a des être humains et des entreprises dont la priorité est de produire pour dégager des rémunérations qui permettent aux intéressés de gagner leur autonomie".
Le texte a été soumis lundi à Xavier Darcos, avec lequel les parties signataires jugent un rendez-vous "souhaitable et urgent", selon leur communiqué. Du côté du ministère du Travail, pour l'heure, on botte en touche en soulignant que les questions de régularisation relèvent du ministère de l'immigration.
Quoi qu'il en soit, le problème acquiert une visibilité croissante. Après une brèche ouverte début 2008 par les neuf cuisiniers du restaurant La Grande Armée à Paris, au moins 2800 salariés sans papiers ont été régularisés lors du premier mouvement coordonné notamment par la CGT et Droits Devants!. Mais de nombreux dossiers butent au niveau des préfectures. Parmi eux, des intérimaires, mais aussi des travailleurs du secteur de la propreté (une trentaine avaient occupé en avril 2009 un site de la société de traitement de déchets Taïs, filiale de Veolia Propreté, à Villeneuve-le-Roi dans le Val-de-Marne), de la restauration, du gardiennage, du BTP et des aides à domicile.