Gérard Tinguely dans l'édition du week-end de La Liberté rend compte des pratiques de "profilage ethnique" dans les procédures d'asile en Suisse. En raison de différences culturelles pas prises en compte, l'incompréhension entre les requérants africains et les fonctionnaires Suisse est garantie.
Lire l'article
«Vous savez en Afrique, on ne s'occupe pas de ce genre de choses!» Ce fut la réponse, lors de son audition par l'Office des migrations (ODM), d'une requérante d'asile invitée à situer son village. Etait-il à l'est, au nord du Liberia? Le Suisse, qui a immédiatement à l'esprit la carte de son canton ou du monde, qui se repère dans des rues qui ont un nom et des numéros, a le droit d'être surpris, et il risque de réagir négativement. Mais peut-être ne sait-il pas que la tradition cartographique de l'Afrique est inexistante, que ses habitants lisent mal les cartes faute d'initiation, voire n'en ont jamais vu. Ce qui ne les empêche d'ailleurs pas d'arriver à bon port.
Il y a risque de malentendus entre deux cultures si la vision du monde et la manière d'aborder les problèmes du partenaire sont ignorées, dit un auteur. Pour Gaétan Nanchen, licencié en sciences politiques qui a étudié pour le Centre social protestant (GE) une centaine de demandes d'asile de ressortissants de six pays d'Afrique de l'Ouest, c'est bien de discrimination plus que de malentendus dont il faut parler.
«Un nombre conséquent vient en Suisse après avoir fui des actes de barbarie inimaginables. Malgré cela, comment concevoir qu'aucun d'entre eux ne nécessite une protection?» Pourtant, les statistiques 1994-2004 de l'ODM le confirment: très peu de leurs demandes d'asile ont été admises en première ou deuxième instance. Pour les Côte-d'Ivoire, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Nigeria et Sierra Leone, le taux de décisions positives n'a été que de 0,49%. C'est seize fois moins que la moyenne «monde». Et le taux d'admissions provisoires (3 sur 100) a été près de neuf fois moins élevé pour ces six pays. Très étonnant, écrit le chercheur.
Mais quels sont les reproches usuels adressés aux Africains par un office qui veut des dates précises, le temps écoulé entre deux événements, les sigles des partis politiques? Ce sont surtout l'absence de documents d'identité, l'invraisemblance ou les contradictions des récits qui fâchent les fonctionnaires.
Les Africains représentent bien la majorité des requérants «sans-papiers». Et il ne faut pas le nier: beaucoup les détruisent ou les cachent pour ralentir leur renvoi si leur demande est refusée; ou pour éviter l'argument de l'ODM pour qui posséder un passeport prouverait la non-persécution dans son pays.
Mais pourquoi passer sous silence le fait que de nombreux Africains n'ont pas eu le temps de prendre leurs papiers, n'en ont jamais eu, vu les structures défaillantes de leur pays et un coût prohibitif? Sans compter l'éventuelle confiscation par les autorités, si l'on est un opposant ou seulement soupçonné de l'être.
Alors qu'il est si difficile d'obtenir des papiers, pourquoi en faire grief et tenter d'établir que l'Africain ment s'il ne connaît pas son âge exact (l'enregistrement systématique des naissances étant rare) et lui opposer à coup sûr une décision de non-entrée en matière?
Pour Gaétan Nanchen, le requérant africain ne vit pas et ne décrit pas une situation dans le même état d'esprit qu'un Occidental. Ses récits sont très dépouillés, sans beaucoup de détails et informations, de noms ou de lieux. Et s'il raconte son évasion de prison avec l'aide d'un garde, il se verra généralement répondre qu'il est «illogique qu'un gardien mette en péril sa carrière et s'expose à des mesures sévères». Tant il est évident pour un fonctionnaire helvétique qu'on doit faire bien son job.
Hélas, les différences culturelles et l'éducation moins poussée des Africains sont ignorées par les méthodes suisses d'asile. Celles-ci repèrent les tricheurs, certes, mais elles privent aussi de protection nombre de gens, constate le chercheur. Réclamer une adaptation des critères est donc la moindre des choses. Même si le climat actuel s'y prête peu. I
* L'Afrique et l'asile, 53 pages. Editeur: OSAR, case 8154, 3001 Berne. Tél. 031 370 75 75/ INFO@osar.ch
lundi 31 octobre 2005
samedi 29 octobre 2005
Réaction de Serge Melly et des autres acteurs
Voici les réactions recueillies par 24heures
Auteur de la motion, le radical Serge Melly pense que le Parlement n’a pas changé d’avis et qu’il acceptera donc le décret du gouvernement. «Parler déjà aujourd’hui de Cour constitutionnelle m’agace un peu, explique-t-il. Car ma motion n’était rien d’autre qu’une perche tendue pour essayer de régler toute cette histoire.» Même s’il sait que les compétences du canton en matière d’asile sont limitées, le syndic et député de Crassier demeure persuadé qu’«une exception peut être trouvée». «Dans mon village, une famille kosovare va bientôt être naturalisée. Elle n’est pourtant arrivée en Suisse que quelques mois avant que le pays devienne plus strict. Alors pour une question de mois, certains peuvent rester, d’autres doivent partir. C’est une injustice.» Le radical s’attend désormais à une intense bataille entre juristes.
Les partis de gauche, les Verts, les Eglises et la Coordination Asile réclament tous la suspension des renvois et regrettent que le gouvernement ne saisisse pas l’occasion de «régler la question une fois pour toutes», résument les Verts. La Coordination exige la levée de l’interdiction de travailler. Les socialistes dénoncent l’acharnement de la majorité du gouvernement «sur des personnes aux problèmes humanitaires graves». Le parti exige, via sa vice-présidente Cesla Amarelle, une décision «réellement politique plutôt qu’une nouvelle procédure qui peut durer deux ou trois ans.» Sur le projet de décret: «Il est illégal, violant le droit fédéral et la Constitution cantonale. La commission parlementaire devra l’amender pour le rendre acceptable.» Le PSV appelle les conseillers d’Etat radicaux à retrouver une politique de centre-droite. Le POP dénonce une majorité du Gouvernement blocherisée. Quant aux Eglises et à la communauté israélite, elles questionnent: «N’est-ce pas le moment pour le Conseil d’Etat de dire à Berne de régler ces situations.» Une conférence unitaire aura lieu mardi prochain.
Auteur de la motion, le radical Serge Melly pense que le Parlement n’a pas changé d’avis et qu’il acceptera donc le décret du gouvernement. «Parler déjà aujourd’hui de Cour constitutionnelle m’agace un peu, explique-t-il. Car ma motion n’était rien d’autre qu’une perche tendue pour essayer de régler toute cette histoire.» Même s’il sait que les compétences du canton en matière d’asile sont limitées, le syndic et député de Crassier demeure persuadé qu’«une exception peut être trouvée». «Dans mon village, une famille kosovare va bientôt être naturalisée. Elle n’est pourtant arrivée en Suisse que quelques mois avant que le pays devienne plus strict. Alors pour une question de mois, certains peuvent rester, d’autres doivent partir. C’est une injustice.» Le radical s’attend désormais à une intense bataille entre juristes.
Les partis de gauche, les Verts, les Eglises et la Coordination Asile réclament tous la suspension des renvois et regrettent que le gouvernement ne saisisse pas l’occasion de «régler la question une fois pour toutes», résument les Verts. La Coordination exige la levée de l’interdiction de travailler. Les socialistes dénoncent l’acharnement de la majorité du gouvernement «sur des personnes aux problèmes humanitaires graves». Le parti exige, via sa vice-présidente Cesla Amarelle, une décision «réellement politique plutôt qu’une nouvelle procédure qui peut durer deux ou trois ans.» Sur le projet de décret: «Il est illégal, violant le droit fédéral et la Constitution cantonale. La commission parlementaire devra l’amender pour le rendre acceptable.» Le PSV appelle les conseillers d’Etat radicaux à retrouver une politique de centre-droite. Le POP dénonce une majorité du Gouvernement blocherisée. Quant aux Eglises et à la communauté israélite, elles questionnent: «N’est-ce pas le moment pour le Conseil d’Etat de dire à Berne de régler ces situations.» Une conférence unitaire aura lieu mardi prochain.
Débat entre Serge Melly et Philippe Leuba
Afin de respecter la loi sur le Grand Conseil et la motion du député radical Serge Melly, votée en juillet dernier, le Conseil d'Etat vaudois a transmis, au Parlement cantonal, un projet de décret portant sur les requérants d'asile, concernés par la circulaire dite "Metzler". Sur le vif: Serge Melly, député radical et Philippe Leuba, député libéral au Grand Conseil vaudois.
Ecoutez la séquence de Forum sur La Première
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L'impasse est totale
Dans le Matin, le constat est aussi sans appel: voici l'article de Yann Pauchard
Le canton de Vaud peut-il encore trouver une issue à la crise des «523» requérants déboutés? Rien n'est moins sûr. L'impasse juridique dans le dossier semble totale. Répondant à une motion contraignante du Grand Conseil, le gouvernement a annoncé hier qu'il soumettra au Parlement un décret demandant l'arrêt des renvois forcés, tout en recommandant aux députés de le rejeter! Une stratégie inédite pour le gouvernement. Et déroutante.
«Ce projet de décret est anticonstitutionnel et illégal, explique le conseiller d'Etat Jean-Claude Mermoud. L'octroi de l'asile relève de la compétence de la Confédération. Et les cantons sont tenus d'exécuter les renvois.»
Malgré les doutes sur la validité juridique du texte, le gouvernement a décidé de laisser le choix au Parlement. Cette option s'explique notamment par le fait que les trois conseillers d'Etat de gauche (les socialistes Anne-Catherine Lyon, Pierre-Yves Maillard et l'écologiste François Marthaler) sont opposés à l'usage des mesures de contrainte contre ces requérants.
Reste que Jean-Claude Mermoud maintient sa ligne dure et menace les députés d'un pénible bras de fer juridique en cas de vote positif: «Si le Grand Conseil devait persévérer, la Cour constitutionnelle vaudoise sera saisie, voire le Tribunal fédéral.»
La tension reste donc à son maximum, Jean-Claude Mermoud ayant annoncé qu'il ne suspendrait pas les renvois dans l'attente de la réponse du Grand Conseil. Une procédure qui prendra plusieurs mois. Cette intransigeance a provoqué une nouvelle fois la colère des défenseurs des requérants. «Comment voulez-vous que le Parlement puisse travailler sereinement dans une situation aussi tendue? s'emporte Cesla Amarelle, vice-présidente du Parti socialiste. Le Conseil d'Etat s'acharne sur des cas humanitaires graves.»
Auteur de la motion, le radical Serge Melly appelle au calme. «Nous ne devons pas nous perdre dans les débats juridiques. La question est avant tout politique. Nous demandons une amnistie pour ces familles.»
Sur les «523» requérants vaudois, seuls 41 ont quitté la Suisse, dont quatre sous contrainte; 249 personnes sont encore menacées d'expulsion, les autres ayant vu leur situation régularisée.
Un peu de dignité, SVP
L'éditorial de Grégoire Nappey dans 24heures est on ne peut plus clair. Le gouvernement doit cesser cette ridicule commédie...
Ras le bol! Tant les défenseurs des «523» requérants d'asile déboutés que les adeptes de leur renvoi en ont marre. Marre d'une crise qui n'en finit pas de déchirer le canton. Marre de constater que, mois après mois, le dossier s'enfonce chaque fois un peu plus, soit dans les entrailles d'un juridisme étroit, soit dans une émotivité exacerbée.
Et ce n'est pas la réponse à la motion Melly contre les mesures de contrainte présentée hier par le Conseil d'Etat qui y changera quelque chose. Le gouvernement propose au Parlement un décret qu'il lui recommande de refuser! ?L'asile version vaudoise devient une comédie dramatique. Dans chaque camp, les préoccupations de politique politicienne éloignent peu à peu le débat de ses enjeux réels. Ceux dont on parle - des hommes, femmes et enfants que l'on a tolérés des années avant de leur dire qu'on ne les voulait plus - sont devenus des groupes abstraits que l'on désigne par des numéros: les «523», les «175».
Voilà un an et demi que le canton s'empêtre dans cette affaire d'asile, incapable de prendre des décisions claires et fortes. Pendant ce temps, le climat ne cesse de pourrir, à un point rarement égalé dans les annales du débat politique. On nous parle de dignité? La vraie dignité serait d'abord de réussir à mettre un point final à cette gabegie.
Voici notre projet, refusez-le !
Voici, tout d'abord, l'article de Grégoire Nappey dans 24heures qui présente l'étrange comportement du gouvernement vaudois pour éviter de résoudre la crise des "523" (qui sont encore 249)
Jean-Claude Mermoud présente sa réponse à la motion Melly contre l’application des mesures de contrainte aux requérants d’asile déboutés. Le dossier revient au Parlement: encore des mois de procédure en perspective.
Fin des mesures de contrainte, autorisation d'exercer une activité lucrative ou de suivre une formation, assistance sociale par la Fareas, permis de séjour renouvelé tous les six mois, création d'une commission consultative pour examiner les dossiers de renvois: le gouvernement présente un projet de décret en réponse à la motion Melly sur les «523». Mais il demande au Grand Conseil de le refuser parce que contraire au droit fédéral.
Et c'est reparti pour d'interminables procédures et discussions. Moins de quatre mois après le vote du Grand Conseil en faveur des requérants d'asile déboutés du groupe des «523», le Conseil d'Etat répond par un projet de décret qu'il recommande aux députés de refuser.
Le gouvernement serait-il devenu schizophrène? Juste avant l'été, la gauche du Parlement, avec l'appui de quelques élus de droite, votait une motion réclamant en substance l'arrêt des mesures de contrainte à l'encontre des «523». Or, une motion a une valeur contraignante pour l'Exécutif, à partir du moment où une majorité du plénum la lui renvoie; il doit ainsi en faire un projet de loi ou de décret.
Or, le décret finalement adopté par quatre ministres sur sept est à l'opposé de la politique d'asile suivie depuis plus d'un an par le chef UDC du Département des institutions et relations extérieures (DIRE). Dans le cadre de la circulaire Metzler, les cas de 1500 personnes déboutées avaient été soumis en 2004 à la Confédération: les lois fédérales imposent au canton de renvoyer - de force s'il le faut - les 523 personnes ayant reçu une réponse négative de Berne. Pour Jean-Claude Mermoud, pas question d'y déroger.
Bombe à retardement
Du coup, les quatre membres de droite du Conseil d'Etat ont choisi une voie exceptionnelle: présenter un projet et en recommander le rejet: «C'est contraire au droit fédéral, martèle Jean-Claude Mermoud. La plupart des dispositions seraient vraisemblablement inapplicables.» Articles de lois à l'appui, le chef du DIRE soutient que l'asile est de compétence fédérale et que les cantons sont obligés d'appliquer les renvois.
Ceci posé, les ministres de droite connaissent les limites de leur position. Car leurs trois collègues de gauche se prononcent contre l'usage des mesures de contrainte. C'est donc le Grand Conseil qui tranchera. Et si le projet connaît le même sort que la motion Melly, Jean-Claude Mermoud sait très bien que la bataille politico-juridique sera rude.
A partir du moment où le Parlement vote le décret, trois scénarios se présentent. La droite déposera un recours à la Cour constitutionnelle. En parallèle, le lancement d'un référendum n'est pas exclu. Et enfin, le Conseil fédéral peut déposer au TF un recours de droit public contre le canton de Vaud parce que ce dernier légifère dans un domaine qui n'est pas de sa compétence.
En attendant, Jean-Claude Mermoud ne change rien à sa politique, invitant les 249 personnes restantes (voir infographie) à saisir l'opportunité de l'aide au retour. La crainte du ministre est que leur éventuelle régularisation donne de l'espoir aux 1100 autres déboutés qui ne sont pas dans les «523» et que le canton doit aussi renvoyer. Le chef du Service de la population (SPOP) Henri Rothen soupire: «Ce groupe sera une bombe à retardement si les renvois ne sont pas exécutés».
Les communiqués du gouvernement et des partis
Lire le communiqué sur la motion Melly et le décret
ainsi qu'une seconde communication liée au sujet
Réaction de la coordination asile et du parti socialiste
ainsi qu'une seconde communication liée au sujet
Réaction de la coordination asile et du parti socialiste
vendredi 28 octobre 2005
Le gouvernement refuse de suivre la motion Melly
Le Conseil d'Etat vaudois publie une réponse à la motion Melly et consorts. Il transmet au Grand Conseil un projet de décret, tout en lui proposant de le refuser.
Ecoutez les explications de La Première
Lire la page du site de La Première
Lire la dépêche d'AP et celle de l'ATS
La force des vaincus
Témoignages des expulsés de Ceuta et Melilla, reçu par mail le 25 octobre.
Provenant de Madrid, Cear.es
Des refoulés maliens de Ceuta et de Melilla témoignent
Bamako (Mali) Octobre 2005
De nombreux rescapés maliens du drame de Ceuta et de Melilla sont de l’ethnie bamanan. Dans leur langue, le même mot – taama – désigne le voyage et la marche.
« La marche de la dignité », que le Forum pour l’Autre Mali (FORAM) et le Réseau des Artistes et Intellectuels Africains ont initiée, est donc un voyage en signe de solidarité avec tous les survivants de Ceuta et de Melilla, dont la dignité a été bafouée, ainsi qu’un hommage à tous ceux qui ont payé de leurs vies leur quête d’Europe. Elle a démarré à Bamako, au Mali, du 18 au 20 octobre 2005, au Centre Amadou Hampaté BA (CAHBA), par l’écoute de quelque deux cents refoulés, et se poursuivra du 22 au 31 octobre 2005, en France, en Belgique, en Espagne et en Italie.
Nous nous devions de rencontrer les survivants de Ceuta et de Melilla, de les entendre, pour mieux porter leur parole auprès de ceux et celles qui ont besoin d’en savoir davantage sur l’inadmissible : la chasse aux Noirs d’Afrique aux portes de l’Europe et à travers le désert, en ce XXIème siècle.
« Nous n’avons rien fait de mal aux Marocains ni aux Espagnols », dit Makan Sidibé. « Nous voulions juste passer », a-t-il ajouté.
Les témoignages consignés dans ce document ne sauraient rendre compte de tous les préjudices qu’ils ont subis en même temps que leurs frères d’infortune du Sénégal, de la Côte d'Ivoire, du Nigeria, du Ghana, du Cameroun… Ce qu’ils nous livrent ici, constitue certes un cri de détresse mais aussi et surtout un défi à l’Europe – la riche, la puissante – qui exige l’ouverture totale des économies africaines au commerce mondial, dont elle est l’une des principales gagnantes, pendant qu’elle se barricade.
En tant que tel, ce document devra contribuer au débat de fond que nous appelons de tous nos vœux, en initiant cette marche.
Rien ne nous autorise à penser que les prochaines rencontres des dirigeants européens entre eux ou avec ceux d’Afrique traiteront de la nature du rouleau du compresseur qui broie les Africains, les condamne au chômage, à la guerre et à l’exil. Les victimes de la répression de Ceuta et de Melilla ont d’abord souffert de la violation de leurs droits économiques et politiques dans leurs propres pays et pas seulement du fait de la corruption de leurs dirigeants.
Les causes de leur exil qui sont internes et externes ne sauraient être réduites à la pauvreté et l’extrême pauvreté, dont l’issue serait la « bonne gouvernance ». Le fait est que l’Europe, qui ne veut pas subir l’émigration, fait subir aux peuples d’Afrique les conséquences de ses choix économiques, exacerbe les inégalités et les injustices internes, criminalise et humilie les composantes les plus vulnérables du néolibéralisme sur le continent.
Les refoulés de Ceuta et de Melilla ont les mêmes aspirations que les jeunes européens à l’emploi et devraient avoir les mêmes droits qu’eux, si l’Europe se souciait davantage des conséquences des réformes structurelles qu’elle exige de nos Etats. Comme l’attestent leurs témoignages, la majorité des refoulés maliens sont de jeunes ruraux qui savent à peine lire et écrire. « Personne ne veut de nous », soutient l’un d’entre eux en ayant le sentiment, comme le Maire de Oujda, qu’ils sont les rebuts que l’Europe invite le Maroc à gérer. Ils n’ont droit ni au visa ni au voyage par avion, ni à plus forte raison à un emploi décent en Europe.
Hier comme aujourd’hui, qu’il s’agisse de la traite négrière ou de l’esclavage des temps présents, le système capitaliste fait le tri, prélève ceux qui répondent à ses besoins. Aussi, l’immigration « choisie » consiste-t-elle à entrebâiller les portes de l’Europe afin qu’y entrent les médecins, les infirmiers, les informaticiens… dont elle a besoin, en laissant aux Etats africains le soin de gérer la grogne sociale et de contenir les mécontents et les désespérés, du fait des salaires de misère et du chômage.
Aux pays du Maghreb, qui sont confrontés à ces mêmes réalités, la même Europe demande de surveiller et de protéger ses frontières face aux assauts des Noirs d’Afrique qui, apparemment, la terrorisent. Les uns sont donc invités à se fourvoyer avec l’Accord de Cotonou, les autres à travers le processus de Barcelone, pourvu que les affaires de l’Europe de la finance et du commerce prospèrent.
En forçant les barbelés de Ceuta et de Melilla, les victimes africaines du capital prédateur voulaient tout simplement se libérer de la prison dans laquelle le FMI, le G8 et l’Europe les enferment au nom d’une ouverture qui n’est que leurre et qui fait de leurs dirigeants de simples exécutants et des geôliers plus ou moins consentants.
L’issue à la déshumanisation du monde, qui a atteint son comble en Afrique du fait du dogme néolibéral, n’est pas dans le colmatage de brèches que les dirigeants européens tenteront de faire admettre à ceux d’Afrique, du haut des sommets qu’ils envisagent. Elle est dans un projet européen honnête et responsable qui tient compte de notre histoire commune, hier comme aujourd’hui, et qui ne détruit pas nos économies et nos efforts de démocratisation en vue de relever, en son propre sein, le défi de la croissance et de la compétitivité.
L’intensification des flux migratoires n’est, en somme, ni un hasard, ni la faute d’une Afrique noire, pauvre et corrompue, mais l’une des conséquences tragiques de la violence de l’ordre économique dominant. Une autre Afrique libre, fière et prospère dont les ressortissants vont et viennent, sur son sol, aussi librement que les Européens le font sur le leur.
Témoignages
« Nous revenons de l’enfer. Nous savions que les chemins que nous empruntions pour entrer en Espagne sont pleins d’embûches, mais nous ne pouvions pas imaginer cette rage et cette haine des forces de sécurité marocaines et de la Guardia, la police espagnole. Quelles instructions ont-elles reçu ? Que leur a-t-on dit à notre sujet pour qu’ils nous brisent ainsi les os et le moral ?
Lors du premier assaut à Ceuta, dans la nuit du 28 au 29 septembre, les militaires marocains surpris ont réagi à coups de fusil, en tuant deux personnes. Après que nous ayons franchi la première grille, nous étions à la recherche des issues à emprunter pour être dans Ceuta sans avoir à escalader la deuxième grille du haut de laquelle nous étions des cibles faciles. La Guardia a réagi en barrant les entrées avec leurs véhicules et en tuant quatre personnes. Ils nous ont ensuite regroupés, nous qui n’avons pas pu passer. Nous nous sommes assis et avons refusé de bouger. A partir de l’un de nos portables, nous avons pu joindre Elena, une militante espagnole des droits de l’homme qui est basée à Tanger et qui nous a rendu d’énormes services quand nous étions cachés dans la forêt. Nous ne l’oublierons jamais. Elle nous a suggéré de rester là où nous étions, jusqu’au lever du jour. Mais la Guardia nous a tellement brutalisés que nous avons cédé. Ils nous ont alors ligoté deux à deux avant de nous livrer aux Marocains qui nous ont conduits en prison. »
Mahadi Cissoko
« Moi, j’étais à Melilla. A la tombée du jour, nous nous étions regroupés à la lisière de la forêt. Vers deux heures du matin, nous sommes sortis par centaines en nous dirigeant vers les grilles. Dès que nous nous en sommes approchés, les Marocains qui n’étaient pas nombreux ont pris peur et se sont dispersés. La Guardia de l’intérieur de la grille a alors commencé à tirer. Nous nous sommes repliés, mais moi j’ai été blessé par une balle à la jambe. J’ai, à partir de ce moment, demandé à mes compagnons de ne pas m’attendre parce que j’avais mal. C’est alors que je me suis trouvé parmi les corps inertes, au nombre de six. De peur d’être découvert et maltraité, j’ai fait le mort. Le matin, les Espagnols ont ouvert le grillage et donné de l’eau aux Marocains afin qu’ils nous arrosent en vue de vérifier si nous étions bien morts ou vivants. J’ai dû me manifester. Ils m’ont battu et m’ont jeté dans leur véhicule. Mais, fou de douleur, un autre black qui était resté auprès du corps de son frère cadet leur a dit qu’il n’avait plus de raison de vivre et que ceux qui ont tué son frère pouvaient en faire autant de lui. Les militaires marocains l’ont froidement abattu. J’ai vu cette scène de mes yeux. »
Amadou Sangaré
« Moi aussi, j’étais à Melilla où les forces marocaines et la Guardia nous ont coincés entre les deux grilles. Ils ont tiré sur ceux qui les débordaient en tentant d’escalader la deuxième grille. C’est à ce moment que j’ai reçu une balle dans la jambe. Siaka Diarra, mon ami qui n’avait pas réussi à leur échapper, a été battu à mort, le crâne fracassé. »
Dianguina COULIBALY
« Nous campons des mois durant devant les grilles de protection généralement par ressortissants du même pays. Les groupes se forment pour franchir ensemble la grille. Avant 2003, nous tentions notre chance un à un et par petits groupes. Mais le renforcement de la surveillance de la voie maritime a gonflé le nombre de ceux qui venaient tenter leur chance du côté des grilles. Si, en intervenant massivement, nous avons permis au monde entier de voir ce qui nous arrive, nous tenons à souligner que les mauvais traitements et la mort le long des grilles remontent à 2003. »
Seydou COULIBALY
« Ta peau est ton visa, et tu ne passes pas quand tu es noir et, de surcroît, pauvre. Tu dois même disparaître. Tel est mon sentiment personnel. Sinon pourquoi vont-ils jusqu’à déchirer ou brûler nos passeports, et même nos carnets d’adresses quand ils ne nous tuent pas ? Ils nous veulent sans identité ni existence. Ils nous dépouillent souvent des moindres papiers que nous pouvons avoir et des informations qui peuvent nous permettre de poursuivre notre chemin ou de garder le contact avec nos parents. »
Mamby DEMBELE
« Nous faire disparaître consiste surtout à nous ramasser et à nous larguer dans le désert, le plus loin possible, sans eau ni nourriture, et en nous dispersant. Tels des chiots que vous chassez et qui se mettent à courir derrière vous parce qu’ils ne savent où aller, nous courrions derrière les militaires qui étaient chargés de nous égarer dans le désert. Agacés, ils revenaient sur leurs pas et nous dissuadaient de les suivre en nous maltraitant. Ils interdisaient souvent à la population de nous aider et les encourageaient à leur signaler nos cachettes. Mais le comportement de la plupart des Marocains ordinaires, notamment les femmes, n’a rien à voir avec celui des policiers et des militaires.
La population a souvent manifesté sa compassion à notre égard surtout après nos différents assauts contre les grilles auxquelles nos vêtements sont restés accrochés. Moi, je m’étais agrippé aux barbelés avec énergie. Pour m’obliger à lâcher prise, les gardes me tiraient et me tapaient à coups de crosse dans le flanc. J’ai dû lâcher prise en y laissant ma chemise, mes chaussures, et en me blessant. »
Seydou COULIBALY
« Regardez ces chaussures que je porte. Vous savez pourquoi je n’ai pas de lacets ? Ils me les ont enlevés pour attacher mes poignets et les ont jetés lorsqu’ils m’ont détaché. Vous savez comment j’ai eu ces chaussures ? En mendiant. Parce qu’il arrive des moments où nous ne trouvons pas les moindres petits boulots à faire pour survivre. Alors, nous nous approchons des maisons des particuliers et discrètement appuyons sur la sonnerie avant de nous éloigner du portail de peur de les effrayer. Ceux qui comprennent notre situation nous ouvrent leurs portes et nous donnent des aliments, des vêtements ou des chaussures. »
Issouf SANGARE
« Le téléphone portable que nous chargeons à l’aide de piles de poche nous permettait de garder le lien les uns avec les autres et avec nos familles. C’est ainsi qu’avant de mourir de soif dans le désert, il est arrivé à l’un de nos compagnons qui avait été lâché dans le Sahara d’appeler Ballo avec qui nous étions en prison à Nader en lui demandant pardon pour le mal qu’il a pu lui faire pendant qu’ils étaient ensemble. Le mourant lui a également demandé d’informer les médias de cette forme de condamnation à mort.
Ballo a réussi à joindre quelqu’un à l’ORTM (Office de la Radio et de la Télévision Malienne), à Bamako. Ce dernier a informé RFI, puisque, paniqué, le commissaire a fait irruption dans notre cachot, situé au sous-sol, en cherchant les détenteurs de téléphone portable. Nous avions nié avoir entrepris une quelconque action de dénonciation. Devenu plus prudent, il a cessé les fouilles et autres humiliations qu’il nous infligeait. L’un d’entre nous s’est néanmoins débarrassé de son appareil en le jetant dans les toilettes. »
Sidi DIARRA
« Au départ, moi je voulais tenter ma chance en empruntant la voie maritime. J’ai joins un groupe où nous étions au nombre de 48. En convoi, nous sommes partis de Rabat en vue de prendre le bateau à El Ayoum. Les transporteurs nous ont déposés à mi-chemin à un endroit où théoriquement ils devaient revenir pour nous réapprovisionner en eau et nourriture, en attendant que la voie soit libre. Ils n’en ont rien fait. Nous avons alors erré trois mois durant et avons tenu en buvant nos urines pour étancher notre soif. Mais la faim a fini par tuer 18 d’entre nous. Nous avons été sauvés grâce à l’un de ces hélicoptères qui sont chargés de détecter et de signaler notre présence. Nous avons été regroupés et reconduits par car à El Ayoum. Nous avons ensuite été refoulés à la frontière algérienne, d’où j’ai rejoint ceux de Melilla où j’ai pris les grilles d’assaut. »
Moussa MAGASSA
« Le téléphone portable qui nous permet de coordonner nos actions pour atteindre notre objectif, ou garder le contact entre nous et avec nos parents est convoité par les éléments des forces marocaines, dont les plus gradés. Lorsqu’ils m’ont arrêté et m’ont dépouillé, j’ai eu le malheur de leur demander de garder l’argent et de me rendre mon téléphone qui était vital pour moi. Pour toute réponse l’un d’entre eux m’a donné un coup de tête qui m’a assommé…J’ai dû y renoncer en me rappelant le sort de l’un de nos compagnons qui avait eu le même comportement que moi et sur qui huit agents s’étaient acharnés en attachant ses poignets pendant qu’il crachait du sang. »
Brehima DEMBELE
« Certains agents vont jusqu’à nous suivre dans les toilettes pour nous dépouiller quand ils sentent que nous détenons un téléphone ou de l’argent…Il ont le même comportement quand vous portez un vêtement qui leur plaît. Moi j’avais un pantalon Jean et des chaussures qui ont dû attirer l’attention de l’un d’entre eux. Il me les a enlevés. J’ai marché à moitié nu et sans chaussures jusqu’au moment où quelqu’un dans la population m’en a donné.
Pourquoi d’ailleurs les uns tentent d’arriver en Europe par bateau tandis que les autres attendent devant les grilles de Ceuta et de Melilla ? Précisément parce que nous sommes arnaqués au niveau de Gao par des gendarmes et des policiers qui veulent prélever leur dû sur nos maigres sous. Quand vous résistez, ils vous débarquent, vous fouillent et vous enlèvent la totalité de votre argent, quel que soit le montant. Je les ai vus dépouiller quelqu’un de plus d’un million de Francs. Alors que leurs homologues algériens n’exigent rien de nous, les agents maliens constituent la première étape de nos difficultés, sous prétexte que le Président de la République leur a demandé de ne pas nous laisser partir à l’étranger.
Pour poursuivre notre chemin sans argent, nous sommes obligés de nous arrêter de village en village, en Algérie, et d’effectuer des travaux agricoles, de construction et autres, qui nous permettent d’arriver au Maroc. En quatre mois, moi j’ai pu économiser 600 Euros avant de poursuivre ma route. »
Souleymane TRAORE
« En Algérie les ressortissants du Mali n’ont pratiquement pas de problèmes par rapport aux ressortissants de l’Afrique Subsaharienne, tout comme les Sénégalais au Maroc. Jusqu’aux récents événements qui les ont obligés à fermer leur frontières, nous Maliens avions le sentiment d’y être chez nous, plus qu’à Gao. Les Algériens se souviennent du soutien du Mali dans la lutte de libération nationale de leur pays et les Marocains des relations privilégiées de leur Roi avec le Sénégal. »
Mamby TRAORE
« Moi je ne sais rien de Ceuta et de Melilla ni des grilles de protection. Mais je sais tout de nos malheurs lors de la traversée par bateau. Et quel bateau ! Les passeurs que nous avons contactés nous ont conduits dans des cachettes qui sont logées au flanc des collines où nous devions attendre, entassés les uns sur les autres, avec très peu d’eau et de nourriture. L’eau contenue dans un gobelet comme celui que je tiens entre les mains doit être bue par petite gorgée pendant des jours. Vous pouvez mourir de soif si vous ne respectez pas cette consigne. Le moment venu, les passeurs viennent chercher certains d’entre nous pour les mettre à contribution dans la fabrication de l’embarcation.
Par le passé, ce sont des arabes qui nous faisaient traverser. De plus en plus, ils donnent une boussole à l’un d’entre nous et lui montrent comment s’en servir. Et nous partons. Moi, j’ai tenté la voie maritime à trois reprises mais sans succès. J’ai assisté à de nombreuses pertes en vies humaines. Le bilan de la troisième tentative s’est soldé par sept rescapés dont moi-même et 35 noyés. »
Madou KEITA
« Pourquoi risquons-nous ainsi nos vies ? Pour ne pas assister impuissants à la mort des nôtres, surtout nos vieilles mères et nos enfants faute de nourriture ou de médicaments. Nous n’avons certes pas de diplômes, pour la plupart d’entre nous. Nous tentons juste de vendre notre force à l’Europe pour nourrir les nôtres. Est-ce un crime ? Nous ne faisons de mal à personne, ni au Maroc, ni en Espagne. Nous voulons juste travailler. »
Sadio CISSOKO
« Nous nous jetons sur les grilles et montons dans ces embarcations que nous bricolons, la peur au ventre. Mais nous nous disons plutôt que la mort vaut mieux que la honte. Nous estimons que nos compagnons qui sont tombés à Ceuta et à Melilla ou dans le désert, comme ceux qui se sont noyés en traversant l’Atlantique, ne sont pas des bandits mais des hommes de mérite. Ils ont risqué leurs vies non pas pour eux-mêmes mais pour leurs familles et pour ce pays. Leur sort sera plus enviable que le nôtre si nous devons rester ici et vivre au crochet de nos parents âgés. Je ne peux pas me prononcer pour les autres, mais sans emploi rien ne me retiendra ici. Je repartirai dès que j’aurai économisé l’argent nécessaire, à moins que le Mali change et s’occupe mieux de nous. »
Mamadou DIARIMAN
« Qui sommes-nous ? Nous avons parmi nous des paysans et des fils de paysans dont moi-même. Mon père a un grand champ que je pourrais exploiter dès aujourd’hui si on m’en donnait les moyens. Je n’ai pas de diplôme, mais je me sens capable de faire dans ce pays ce que j’ai fait pour gagner ma vie à travers les champs d’Algérie. »
Djanguina COULIBALY
« Moi je suis producteur de coton. Cela veut dire que j’appartiens à une catégorie de paysans mieux lotis que les autres. Il fut un temps où nous pouvions bien gagner notre vie. Mais rien ne va plus dans ce secteur. Et même du temps où les choses allaient mieux, nous étions obligés de diversifier nos activités, sinon le revenu agricole ne suffit guère à couvrir nos dépenses. C’est pour cela que j’ai dû partir à l’aventure. »
Mamadou SANOGO
« Moi, je suis commerçant. Je voyageais entre Bamako et Lomé, d’où je ramenais des tissus, des pièces de voiture, d’autres vendaient des friperies, des pièces de voiture, des produits cosmétiques, des cassettes etc… Mais en plus des tracasseries des douaniers, des gendarmes et des policiers le long de la route, tout le monde est devenu commerçant au Mali, y compris les fonctionnaires. Or rien ne se vend, sauf à crédit, et les acheteurs s’acquittent difficilement de leur dette. J’ai dû laisser tomber le commerce. »
Issouf SANGARE
« Nous avons également des artisans parmi nous : menuisiers, soudeurs, ainsi que des chauffeurs, et tous des pères de familles. En revenant dans les circonstances actuelles, nous les retrouvons sans pouvoir faire davantage pour eux. Au contraire, ce sont eux qui vont devoir prendre soin de nous. Vous rendez-vous compte ?
Nous n’avons pas le sentiment que nos autorités comprennent tout cela et le sens de notre sacrifice. A notre arrivée au Mali, nous aurions aimé avoir des couchettes et dormir profondément, tant nous sommes physiquement éprouvés. Nous aurions aimé avoir à manger et à boire en quantité suffisante, tant nous avons eu faim et soif dans nos cachettes et dans le désert. Mais ceux qui ont été chargés de notre accueil étaient soucieux de nous recenser et de nous vacciner. Les uns ont eu à manger, mais très peu ; d’autres pas du tout. Nous restons sur notre faim et attendons que l’Etat malien nous prouve que si les autres nous maltraitent et nous rejettent, notre pays a encore besoin de nous. Nous sommes prêts à le servir, parce que nous n’avons pas une autre terre et ne savons plus où aller sans être humiliés ou tués. »
Mamadou DIARIMA
Au terme de ce survol de l’enfer qu’ils ont vécu, les refoulés maliens de Ceuta et de Melilla ont exprimé à l’endroit des autorités maliennes, les demandes suivantes :
- de leur établir dans les meilleurs délais des cartes d’identité ;
- de soigner ceux d’entre nous qui sont blessés et de garantir des visites médicales à ceux qui en besoin ;
- de rapatrier leurs camarades blessés, pour qui ils se font beaucoup de soucis ;
- de les épauler dans la recherche et le financement d’activités rentables qui leur permettront de vivre dignement au Mali ;
- de démanteler le réseau de malfaiteurs qui torture et arnaque au niveau de Gao ;
- de mettre un terme, à tous les niveaux, au trafic de pièces, qui jette le doute et le discrédit sur les détenteurs d’un passeport malien ;
- à la communauté internationale : de nous rendre justice à travers une enquête sur les évènements de Ceuta et de Melilla ainsi que sur les traitements qui nous ont été infligés dans le Sahara. »
La suite de « la marche de la dignité » permettra de creuser davantage les causes internes et externes de l’état des lieux, brossé par ceux qui se sont ainsi exprimés.
Reçu par mail le 26 octobre 2005 de :
Enrique Santiago Romero, Secretario General
CEAR. Comisión Española de Ayuda al Refugiado
Avda. General Perón 32, 2º drcha.
E 28020 MADRID
T. 915980535
F. 915972361
www.cear.es
Aube noire sur la plaine des merles
Photo Allenspach
La journaliste Carole Pantet a été convaincue par le pièce actuellement montée à L'Echandolle qui raconte le vécu d'un Kosovar. Lire sa critique dans 24heures.
Sublime étreinte entre art et réalité
Une décharge électrique qui laisse le spectateur sonné et hagard.
Aube noire sur la plaine des merles ne peut laisser indifférent. Quelques larmes coulent encore sur les visages quand la lumière revient. Le public sort de sa torpeur et veut croire à une fiction. Mais sur scène, Selajdin Doli est là, il salue et sourit. L’histoire qui vient d’être contée est la sienne, celle d’un résistant kosovar, contraint de quitter à contrecoeur sa terre pour sauver son enfant handicapé à la nais-sance (lire 24 heures du 24 octo-bre). L’adaptation théâtrale du poé-tique livre-témoignage d’Anne Lise Thurler est une réussite. La mise en scène n’y est pas pour rien. La Lausannoise Isabelle Bonillo déploie avec génie sa débrouillardise pour passer outre les contraintes financières. Avec elle, le dépouillement de-vient un formidable atout scéni-que. Les seuls habits de ce récit de vie: des caisses vides d’eau minérale, des lampes et des chif-fons. Mais ces «trois bouts de ficelle» suffisent à transporter le public dans une vie d’horreur, de colère et de bonheur. Dans une valse étourdissante, les caisses se font tour à tour prison, caves, tribunaux ou montagnes infran-chissables. La force du spectacle réside aussi dans l’excellente adapta-tion du texte. Du roman à la scène, le récit a gardé sa poly-phonie. La parole circule avec fluidité entre Selajdin Doli et l’acteur qui le campe avec fou-gue (Olivier Sidore). Délicate-ment, le spectacle naît en alba-nais dans la bouche de Selajdin. Puis c’est toute une vie qui défile passant par la douceur de l’en-fance, la résistance, la fuite à travers l’Italie et la frustration destructrice de la guerre vécue depuis un canapé en Suisse. Le rythme de narration s’emballe, puis s’éteint. Selajdin reprend finalement le récit en main et la réalité de son destin surpasse l’art. Voyeurisme ou huma-nisme? Qu’importe. En ces temps de durcissement des con-ditions d’obtention de l’asile en Suisse, il fallait frapper fort et réveiller les consciences. C’est indéniablement réussi.
CAROLE PANTET
»Aube noire sur la plaine des merles, jusqu’au 29 octobre à l’Echandole à Yverdon (loc.: 024 423 65 84) puis du 1er au 6 novembre au CPO à Lausanne (loc.: 021 616 26 72). Durée: 1h15.
La journaliste Carole Pantet a été convaincue par le pièce actuellement montée à L'Echandolle qui raconte le vécu d'un Kosovar. Lire sa critique dans 24heures.
Sublime étreinte entre art et réalité
Une décharge électrique qui laisse le spectateur sonné et hagard.
Aube noire sur la plaine des merles ne peut laisser indifférent. Quelques larmes coulent encore sur les visages quand la lumière revient. Le public sort de sa torpeur et veut croire à une fiction. Mais sur scène, Selajdin Doli est là, il salue et sourit. L’histoire qui vient d’être contée est la sienne, celle d’un résistant kosovar, contraint de quitter à contrecoeur sa terre pour sauver son enfant handicapé à la nais-sance (lire 24 heures du 24 octo-bre). L’adaptation théâtrale du poé-tique livre-témoignage d’Anne Lise Thurler est une réussite. La mise en scène n’y est pas pour rien. La Lausannoise Isabelle Bonillo déploie avec génie sa débrouillardise pour passer outre les contraintes financières. Avec elle, le dépouillement de-vient un formidable atout scéni-que. Les seuls habits de ce récit de vie: des caisses vides d’eau minérale, des lampes et des chif-fons. Mais ces «trois bouts de ficelle» suffisent à transporter le public dans une vie d’horreur, de colère et de bonheur. Dans une valse étourdissante, les caisses se font tour à tour prison, caves, tribunaux ou montagnes infran-chissables. La force du spectacle réside aussi dans l’excellente adapta-tion du texte. Du roman à la scène, le récit a gardé sa poly-phonie. La parole circule avec fluidité entre Selajdin Doli et l’acteur qui le campe avec fou-gue (Olivier Sidore). Délicate-ment, le spectacle naît en alba-nais dans la bouche de Selajdin. Puis c’est toute une vie qui défile passant par la douceur de l’en-fance, la résistance, la fuite à travers l’Italie et la frustration destructrice de la guerre vécue depuis un canapé en Suisse. Le rythme de narration s’emballe, puis s’éteint. Selajdin reprend finalement le récit en main et la réalité de son destin surpasse l’art. Voyeurisme ou huma-nisme? Qu’importe. En ces temps de durcissement des con-ditions d’obtention de l’asile en Suisse, il fallait frapper fort et réveiller les consciences. C’est indéniablement réussi.
CAROLE PANTET
»Aube noire sur la plaine des merles, jusqu’au 29 octobre à l’Echandole à Yverdon (loc.: 024 423 65 84) puis du 1er au 6 novembre au CPO à Lausanne (loc.: 021 616 26 72). Durée: 1h15.
Entre réinsertion et nouvel exil
Aline Andrey, dans 24heures, consacre une pleine page aux sans-papiers, en l'occurrence aux difficultés à leure retour en Amérique du Sud. Voir aussi les 5 témoignages ci-dessous
Par crainte d’un énième contrôle ou pour permettre à leurs enfants de continuer leurs études audelà de l’école obligatoire, des migrants équatoriens sont retournés dans leur pays natal. Aujourd’hui, ils vivent un nouveau processus d’intégration, non sans mal.
«Manora». Le crocodile vert peint à côté du nom du restaurant ne fait aucun doute sur le clin d’oeil à la chaîne suisse. Sauf que les grosses marmites remplacent le buffet. Au menu: soupe de poulet, riz, yucca, pommes de terre et viande. Comme partout ailleurs en Equateur. «Ce nom, c’est un souvenir de Suisse, dit en souriant Jorge. Nous allions beaucoup là-bas…» Après cinq ans passés à travailler dans la construction, il est rentré au pays avec son épouse Graziella et leurs deux filles, pour que ces der-nières puissent continuer d’étudier (en Suisse, les portes de la formation ou de l’apprentissage se ferment après l’école obligatoire). Les éco-nomies engrangées, à force de sacrifices, leur ont permis d’ouvrir leur restaurant et d’acheter une maison. Ils gagnent, aujourd’hui, environ 150 dollars par mois en travaillant tous les jours dans le vacarme et la chaleur du centre-ville de Santo Domingo, situé entre les Andes et l’océan. Un salaire moyen en Equateur, qui ne permet pas de faire face au coût de la vie; un montant moins élevé que celui envoyé mensuellement par les migrants à leurs familles restées au pays ( lire encadré). «Il n’y a pas de travail en Equateur, et pour ceux qui en ont un, les salaires sont trop bas, relève Graziella. Il reste donc deux choix: pour le plus pauvre, de devenir délinquant; et pour la classe moyenne, de migrer.»
Des liens forts avec le canton de Vaud
Jorge, Graziella, mais aussi Mauri, Bexsy, Geovanny, Pi-lar*, Silvia, Carlos ou Victor* font partie des 2 millions d’Equatoriens qui ont pris le chemin de l’exil ces dix dernières années (environ 15% des 13 millions d’habitants que compte le pays). Ils font également partie de ses 4000 à 5000 Equatoriens qui vivent dans le canton de Vaud; 95% sans statut légal. Un nombre qui a généré l’ouverture d’un consulat à Lausanne en septembre 2003. Et qui explique également que les migrants rencontrés aient encore tous des amis ou de la famille dans le canton, ceux-là mêmes qui les ont soutenus à leur arrivée en Suisse. Une migration toujours motivée par le rêve d’un avenir meilleur. Quelle que soit son coût: des conditions de vie précaires qui se mêlent à l’aléatoire des contrôles de police et de leurs conséquen-ces. «J’ai eu des problèmes de vision et des allergies là-bas, à cause du stress: j’ai été contrôlée 8 fois en cinq ans, et nous avons vécu dans 18 apparte-ments différents, raconte Pilar*, en montrant ses photos de Suisse. J’envoyais de l’argent ici pour mes enfants. Je me faisais beaucoup de soucis pour eux. Aujourd’hui, notre situation est moins bonne qu’avant la migration; mes illusions et mes rêves se sont éteints.»
Une réintégration difficile
De retour sur leur terre na-tale, peu ont retrouvé un em-ploi. Les femmes encore moins. Une situation qui met en péril l’égalité que plusieurs couples disent avoir acquise lors de l’expérience migra-toire. Tous relèvent également les difficultés à se réadapter à la nourriture, au climat, à l’environnement, à la circulation chaotique, au bruit, à la bureaucratie et à la délinquance (plus de 70 bandes organisées ont été dénombrées dans un quartier sud de Quito). Tous regrettent la tranquillité et l’ordre de la Suisse; cela malgré les difficultés rencontrées sur place. Et beaucoup avouent leur rêve d’y retourner.
Maury
MAURY (avec son épouse Bexsy et leur fille Melanie), 41 ans,
rentré en janvier 2005, après trois ans à Lausanne: «Ici, les gouvernements changent mais leurs buts sont toujours de se remplir les poches. Il n’y a pas de prêts, aucun soutien. Beaucoup de personnes souhaitent rentrer au pays; mais pour faire quoi? La mentalité serait différente si nous pouvions avoir l’assurance de trouver un travail au retour. Avec les Polonais, je pense qu’il y aura encore moins de possibilités pour nous en Europe. J’aimerais avoir un contrat de travail de durée limitée pour pouvoir régler toutes mes dettes.»
Silvia
SILVIA, 36 ans, rentrée à la fin août 2005, après dix ans à Lausanne: «J’ai beaucoup souffert de la pression de la police, de la peur d’être contrôlée. Cela crée de grosses tensions dans la famille. Mais, cette expérience a également changé notre rapport de couple. Nous som-mes plus égaux. J’ai aussi appris à être plus organisée. J’espère que cela m’aidera ici. Pour l’instant, je me sens étrangère dans mon propre pays. Et je dois donc réapprendre à y vivre. C’est une nou-velle intégration. J’espère que j’ai pris la bonne décision et que je ne me repentirai jamais. Tout ce que je veux c’est un bel avenir pour mes filles. Ici, elles peuvent continuer leurs études.»
Geovanny et Aracely
GEOVANNY, 30 ans, expulsé en 2002, après trois ans à Lausanne: «Je n’ai jamais eu peur en Suisse. Après plusieurs contrôles j’ai été renvoyé. Dans l’avion, j’étais un passager comme un autre. Personne ne m’attendait lors de l’escale en Hollande où j’avais deux heures d’attente. J’ai pensé à sortir de l’aéroport, mais j’ai finalement préféré rentrer au pays pour retrouver mon amour.» Son épouse, ARACELY: «Ici, j’ai des opportunités professionnelles et ma famille que j’adore. Si j’avais une bonne occasion, je partirais peut-être, mais l’argent n’est pas tout. C’est difficile d’être loin de sa famille. Ça ne vaut pas la peine de vivre tout ça si c’est pour gagner 600 ou 800 dollars par mois en Espagne.»
Carlos
CARLOS, 38 ans, expulsé en 2004, après onze ans en Suisse, entre autres à Moudon et à Lausanne: «J’avais surtout envie de voyager, de découvrir d’autres pays en jouant de la musique dans la rue. J’ai sillonné l’Europe et me suis installé en Suisse. Lors de mon troisième contrôle d’identité, j’étais sur la route pour le marché de Vevey. J’ai passé deux semaines en prison avant d’être renvoyé. Je n’ai rien pu prendre de chez moi, ni contacter mon épouse avant de me rendre à l’aéroport où un policier m’a donné, de sa poche, une carte téléphonique et 20 francs pour le voyage. Au retour, mes enfants ont été ma récompense. Nous nous sommes retrouvés comme si on ne s’était jamais quittés. Je ne les avais pas revus depuis quatre ans.»
Victor
VICTOR*, 24 ans, expulsé en janvier 2005, après cinq ans à Lausanne: «J’étais en patins à roulettes avec des potes. Des policiers nous ont demandé nos papiers. Ils m’ont emmené au poste et m’ont déshabillé complètement avant de me mettre en cellule. Je suis resté trois jours sans avoir le droit d’appeler personne, sans pouvoir changer de vêtements, avec mes patins. Enfin, j’ai pu contacter mon frère qui m’a amené quelques affaires. Au bout de quinze jours, j’ai été expulsé avec des menottes comme si j’étais un criminel. Ça m’a vraiment touché là (dit-il en posant la main sur le coeur). J’avais toutes mes affaires chez moi et encore de l’argent, mais je n’ai pas pu passer les chercher, ni même avertir ma famille. Je suis arrivé avec 10 francs en poche à Quito, au milieu de la nuit, sans aucun moyen de rentrer chez mes parents.»
Etude sur les musulmans de Suisse
Photo Keystone
Lire le dossier sur Swissinfo
Caroline Zurcher dans 24heures rapporte les résultats d'une étude de la CFE.
Au gré des tensions qui secouent la scène internationale, les musulmans apparaissent dans les médias. Mais qui sont réellement ceux que nous croisons au quotidien dans la rue? Dans une étude présentée hier à Berne par la Commission fédérale des étrangers (CFE), des chercheurs lèvent un coin du voile: loin des discours des chefs religieux et autres in-tellectuels, ils ont rencontré trente musulmans qui vivent en Suisse et appartiennent à ce que l’on pourrait appeler «la majorité silencieuse».
Oubliez les opinions répandues dans le public sur l’islam! «L’abondance d’informations nous amène souvent à penser que l’on connaît les musulmans. En fait, c’est surtout le discours de certains leaders ou intellec-uels qui s’exprime dans les médias, dont nous avons connaissance», soulignent les chercheurs dans l’étude présentée hier à Berne. Or, les musulmans de Suisse ne se reconnaissent pas complètement dans ces prises de position et le rôle des imams, notamment, serait moins important qu’il n’y pa-raît. «Nous sommes dans un dialogue de civilisation et, de part et d’autre, des gens s’expriment. Je fais partie de ces personnes mais je ne prétends pas repré-senter la communauté musulmane», admet Hani Ramadan, directeur du Centre islamique de Genève. Alors, que pensent ceux qui, dans le débat public, sont sous-représentés? Matteo Gianni, auteur de l’étude, mentionne, en vrac, quelques-uns de leurs souhaits: une plus grande connaissance de l’islam par le reste de la population, des cimetières confessionnels ou encore la possibilité d’avoir facilement de la viande halal.
Le voile de la division
Non à l’excision, non à la punition corporelle des femmes, non au mariage des enfants et non à la polygamie. Les musulmans que les scientifiques ont rencontrés ne veulent pas de tout cela! Le port du voile, lui, est sujet à discussion. Autre point épineux, la situation des femmes. Car, s’il est clair que chacun, et chacune, doit pouvoir faire des choix autonomes, un exemple donné par les scientifiques montre une certaine ambiguïté: alors que les personnes interviewées envisagent des mariages entre un musulman et une non-musulmane, l’inverse est bien moins accepté, voire refusé, par les personnes pratiquantes, la religion transmise aux enfants étant en général celle du père. 310 807: c’est le nombre de musulmans que comptait la Suisse en l’an 2000. Nations, pra-tiques religieuses, cultures... Ce chiffre cache des réalités extrê-mement différentes, alors que l’habitude est de parler de la
communauté musulmane. Schématisons malgré tout: en Suisse, ces personnes proviennent en priorité d’ex-Yougoslavie et de Turquie, ainsi que des pays ara-es. Les musulmans sont davantage installés dans les régions à dominante urbaine, comme les cantons de Vaud et de Genève. Ils ne remettent pas en cause le modèle suisse, ni ses principes démocratiques. Près de la moitié d’entre eux ont moins de 25 ans et seuls 10 à 15% seraient des croyants très pratiquants.
L’ombre du 11 septembre
Heureux? Ces hommes et ces femmes semblent l’être dans notre pays. Et s’accordent à penser qu’il est possible, et facile, de pratiquer leur religion. Une pique pour nos voisins: la laïcité, chez nous, est plus pragmatique qu’en France. Mieux: ces personnes se sentent bien intégrées. Deux derniers chiffres: alors que les musulmans représentent 4,3% de la population helvétique, seulement 0,6% des déten-teurs d’un passeport à croix blanche sont musulmans. Mais derrière cette image idyllique, une autre réalité se dessine. Regard des autres, préjugés, mauvais comportements, in-sultes, exclusion... La discrimina-tion à l’égard des musulmans est bel et bien là. Elle est même en augmentation depuis le 11 sep-tembre 2001. Et Matteo Gianni, auteur de l’étude, de conclure que les personnes rencontrées ressentent du coup le besoin de se démarquer des extrémistes et de se justifier.
Site officiel de la CFE (pour commander le rapport)
Lire le dossier sur Swissinfo
Caroline Zurcher dans 24heures rapporte les résultats d'une étude de la CFE.
Au gré des tensions qui secouent la scène internationale, les musulmans apparaissent dans les médias. Mais qui sont réellement ceux que nous croisons au quotidien dans la rue? Dans une étude présentée hier à Berne par la Commission fédérale des étrangers (CFE), des chercheurs lèvent un coin du voile: loin des discours des chefs religieux et autres in-tellectuels, ils ont rencontré trente musulmans qui vivent en Suisse et appartiennent à ce que l’on pourrait appeler «la majorité silencieuse».
Oubliez les opinions répandues dans le public sur l’islam! «L’abondance d’informations nous amène souvent à penser que l’on connaît les musulmans. En fait, c’est surtout le discours de certains leaders ou intellec-uels qui s’exprime dans les médias, dont nous avons connaissance», soulignent les chercheurs dans l’étude présentée hier à Berne. Or, les musulmans de Suisse ne se reconnaissent pas complètement dans ces prises de position et le rôle des imams, notamment, serait moins important qu’il n’y pa-raît. «Nous sommes dans un dialogue de civilisation et, de part et d’autre, des gens s’expriment. Je fais partie de ces personnes mais je ne prétends pas repré-senter la communauté musulmane», admet Hani Ramadan, directeur du Centre islamique de Genève. Alors, que pensent ceux qui, dans le débat public, sont sous-représentés? Matteo Gianni, auteur de l’étude, mentionne, en vrac, quelques-uns de leurs souhaits: une plus grande connaissance de l’islam par le reste de la population, des cimetières confessionnels ou encore la possibilité d’avoir facilement de la viande halal.
Le voile de la division
Non à l’excision, non à la punition corporelle des femmes, non au mariage des enfants et non à la polygamie. Les musulmans que les scientifiques ont rencontrés ne veulent pas de tout cela! Le port du voile, lui, est sujet à discussion. Autre point épineux, la situation des femmes. Car, s’il est clair que chacun, et chacune, doit pouvoir faire des choix autonomes, un exemple donné par les scientifiques montre une certaine ambiguïté: alors que les personnes interviewées envisagent des mariages entre un musulman et une non-musulmane, l’inverse est bien moins accepté, voire refusé, par les personnes pratiquantes, la religion transmise aux enfants étant en général celle du père. 310 807: c’est le nombre de musulmans que comptait la Suisse en l’an 2000. Nations, pra-tiques religieuses, cultures... Ce chiffre cache des réalités extrê-mement différentes, alors que l’habitude est de parler de la
communauté musulmane. Schématisons malgré tout: en Suisse, ces personnes proviennent en priorité d’ex-Yougoslavie et de Turquie, ainsi que des pays ara-es. Les musulmans sont davantage installés dans les régions à dominante urbaine, comme les cantons de Vaud et de Genève. Ils ne remettent pas en cause le modèle suisse, ni ses principes démocratiques. Près de la moitié d’entre eux ont moins de 25 ans et seuls 10 à 15% seraient des croyants très pratiquants.
L’ombre du 11 septembre
Heureux? Ces hommes et ces femmes semblent l’être dans notre pays. Et s’accordent à penser qu’il est possible, et facile, de pratiquer leur religion. Une pique pour nos voisins: la laïcité, chez nous, est plus pragmatique qu’en France. Mieux: ces personnes se sentent bien intégrées. Deux derniers chiffres: alors que les musulmans représentent 4,3% de la population helvétique, seulement 0,6% des déten-teurs d’un passeport à croix blanche sont musulmans. Mais derrière cette image idyllique, une autre réalité se dessine. Regard des autres, préjugés, mauvais comportements, in-sultes, exclusion... La discrimina-tion à l’égard des musulmans est bel et bien là. Elle est même en augmentation depuis le 11 sep-tembre 2001. Et Matteo Gianni, auteur de l’étude, de conclure que les personnes rencontrées ressentent du coup le besoin de se démarquer des extrémistes et de se justifier.
Site officiel de la CFE (pour commander le rapport)
jeudi 27 octobre 2005
Pas de Taser pour rapatrier les récalcitrants
Le pistolet à électrochocs ne pourra pas être utilisé lors du renvoi forcé d'étrangers. Le Conseil fédéral a renoncé à inscrire le "taser" dans la liste des appareils autorisés au vu de la levée de boucliers suscitée par cette arme controversée.
Les médecins ont tiré la sonnette d'alarme: les "tasers" qui projettent à plusieurs mètres des électrodes et font tomber les personnes visées "ne sont pas sans danger". Cinq cantons dont quatre romands, le PLS, le PS et les Verts et vingt organisations sont montées aux barricades durant la consultation au nom de la défense des droits l'homme.
Lire la dépêche de l'ATS
Les médecins ont tiré la sonnette d'alarme: les "tasers" qui projettent à plusieurs mètres des électrodes et font tomber les personnes visées "ne sont pas sans danger". Cinq cantons dont quatre romands, le PLS, le PS et les Verts et vingt organisations sont montées aux barricades durant la consultation au nom de la défense des droits l'homme.
Lire la dépêche de l'ATS
mercredi 26 octobre 2005
Ils rendent leurs pelles demain
Photo Genevay
Ecoutez la séquence diffusée ce matin sur La Première, reportage de Magali Philippe
Dans son édition Chablais, 24heures rends compte de la fin de l'opération qui a mis les requérants du centre de Bex au service de la communauté.
Voici l'article d'Estelle Bressoud
La Fareas réfléchit à un engagement des requérants d’asile dans des tâches à vocation plus sociale, comme le service en cafétéria. A Bex, ils étaient employés dans les travaux d’entretien.
»Mené en exclusivité à Bex, le programme pilote qui permet à une poignée d’immigrants de renouer avec une activité physique prend fin. Rien n’autorise à penser qu’il sera reconduit sous cette forme dans la cité.
Après le labeur, le réconfort. Demain à 17 h, tous les acteurs liés au programme d’occupation mené depuis le 2 août dernier à Bex, y compris les autorités communales, sont conviés à une verrée.
Elle célèbre la fin d’une opération qui a permis à une poignée de volontaires, hébergés au centre de la Fareas (Fonda-tion vaudoise pour l’accueil des requérants d’asile), de mettre la main à la pâte au profit de la communauté bellerine. Et qui, en raison de son aspect expérimental, a projeté la ville sur le devant de la scène médiatique.
Plus de «bonjour»!
«Le bilan est positif. Nous n’avons pas eu de problèmes relationnels», relève Pascal Rochat, coordinateur de ce projet qui poursuit aussi l’objectif d’améliorer le dialogue avec les autochtones. «Les requérants ont noté entendre plus de «bonjour» dans la rue, en particulier de la part des personnes avec qui ils ont travaillé.» Il distingue trois phases. La première, caractérisée par un encadrement «très serré» des requérants, cause une pénalité financière. La deuxième, qui repose sur leur autonomisation, s’avère «peu adaptée», dans la mesure où elle s’adresse à des individus privés d’activités – et donc de rythme – depuis longtemps.
Programme trop long?
La troisième se profile comme la plus prometteuse. Elle consiste à confier le suivi du programme à l’équipe d’encadrement du centre. Laquelle garantit le relais avec le personnel communal. Un procédé «relativement simple et facile à mettre en place dans les villes ayant un centre d’hébergement», estime-t-il. Il ressort par ailleurs de ce test des difficultés liées à sa durée. Un constat établi à la lueur de l’action plus compacte et «dépourvue d’aspects négatifs» menée aux Diablerets ( lire encadré).
Municipalité indécise
Notons que sur la quinzaine de recrues enrôlées, il n’en reste que dix à l’issue de l’aventure. «Une personne a été transférée, une a trouvé du travail, deux n’ont pas souhaité continuer. Un choix qui tient peut-être à leur origine anglophone, car le personnel communal ne parle que français.» A la question de savoir si l’expérience sera reconduite, à Bex ou ailleurs, Pascal Rochat se retranche dans sa réserve. Noeud du problème: le financement, jusque là assuré par la fondation. Renseignement pris auprès du syndic Michel Flückiger, la Municipalité ne s’est pas encore concertée sur l’opportunité d’y mêler ses deniers: «Nous attendons le bi-lan final pour prendre une décision.» Ce programme a éveillé l’intérêt d’autres communes du canton. Et dans l’intervalle, la Fareas a identifié d’autres applications, «plus sociales, moins techniques», note Pascal Ro-hat. Exemple? «Une cafétéria du troisième âge. Lequel ajoute: «Nous veillons juste à ne pas entrer en concurrence directe avec l’économie privée.»
Aux DIABLERETS, expérience è rééditer
«Cela a bien été perçu par la population et les requérants d’asile ont trouvé le travail gratifiant.» Quelques jours après le retrait de cette main-d’oeuvre engagée sur le front de la remise en état des Diablerets, Philippe Pichard imagine sans peine rééditer l’expérience. Pourquoi ne pas la solliciter à l’avenir, «dans le débroussaillage des pâturages, par exemple, plutôt que les bûcherons», cogite le municipal d’Ormont-Dessus. Un tel programme convainc aussi Pascal Rochat pour son caractère compact: «L’encadrement est plus facile à organiser sur deux semaines que trois mois.» D’où son idée d’explorer à l’avenir des actions plus ciblées.
Ecoutez la séquence diffusée ce matin sur La Première, reportage de Magali Philippe
Dans son édition Chablais, 24heures rends compte de la fin de l'opération qui a mis les requérants du centre de Bex au service de la communauté.
Voici l'article d'Estelle Bressoud
La Fareas réfléchit à un engagement des requérants d’asile dans des tâches à vocation plus sociale, comme le service en cafétéria. A Bex, ils étaient employés dans les travaux d’entretien.
»Mené en exclusivité à Bex, le programme pilote qui permet à une poignée d’immigrants de renouer avec une activité physique prend fin. Rien n’autorise à penser qu’il sera reconduit sous cette forme dans la cité.
Après le labeur, le réconfort. Demain à 17 h, tous les acteurs liés au programme d’occupation mené depuis le 2 août dernier à Bex, y compris les autorités communales, sont conviés à une verrée.
Elle célèbre la fin d’une opération qui a permis à une poignée de volontaires, hébergés au centre de la Fareas (Fonda-tion vaudoise pour l’accueil des requérants d’asile), de mettre la main à la pâte au profit de la communauté bellerine. Et qui, en raison de son aspect expérimental, a projeté la ville sur le devant de la scène médiatique.
Plus de «bonjour»!
«Le bilan est positif. Nous n’avons pas eu de problèmes relationnels», relève Pascal Rochat, coordinateur de ce projet qui poursuit aussi l’objectif d’améliorer le dialogue avec les autochtones. «Les requérants ont noté entendre plus de «bonjour» dans la rue, en particulier de la part des personnes avec qui ils ont travaillé.» Il distingue trois phases. La première, caractérisée par un encadrement «très serré» des requérants, cause une pénalité financière. La deuxième, qui repose sur leur autonomisation, s’avère «peu adaptée», dans la mesure où elle s’adresse à des individus privés d’activités – et donc de rythme – depuis longtemps.
Programme trop long?
La troisième se profile comme la plus prometteuse. Elle consiste à confier le suivi du programme à l’équipe d’encadrement du centre. Laquelle garantit le relais avec le personnel communal. Un procédé «relativement simple et facile à mettre en place dans les villes ayant un centre d’hébergement», estime-t-il. Il ressort par ailleurs de ce test des difficultés liées à sa durée. Un constat établi à la lueur de l’action plus compacte et «dépourvue d’aspects négatifs» menée aux Diablerets ( lire encadré).
Municipalité indécise
Notons que sur la quinzaine de recrues enrôlées, il n’en reste que dix à l’issue de l’aventure. «Une personne a été transférée, une a trouvé du travail, deux n’ont pas souhaité continuer. Un choix qui tient peut-être à leur origine anglophone, car le personnel communal ne parle que français.» A la question de savoir si l’expérience sera reconduite, à Bex ou ailleurs, Pascal Rochat se retranche dans sa réserve. Noeud du problème: le financement, jusque là assuré par la fondation. Renseignement pris auprès du syndic Michel Flückiger, la Municipalité ne s’est pas encore concertée sur l’opportunité d’y mêler ses deniers: «Nous attendons le bi-lan final pour prendre une décision.» Ce programme a éveillé l’intérêt d’autres communes du canton. Et dans l’intervalle, la Fareas a identifié d’autres applications, «plus sociales, moins techniques», note Pascal Ro-hat. Exemple? «Une cafétéria du troisième âge. Lequel ajoute: «Nous veillons juste à ne pas entrer en concurrence directe avec l’économie privée.»
Aux DIABLERETS, expérience è rééditer
«Cela a bien été perçu par la population et les requérants d’asile ont trouvé le travail gratifiant.» Quelques jours après le retrait de cette main-d’oeuvre engagée sur le front de la remise en état des Diablerets, Philippe Pichard imagine sans peine rééditer l’expérience. Pourquoi ne pas la solliciter à l’avenir, «dans le débroussaillage des pâturages, par exemple, plutôt que les bûcherons», cogite le municipal d’Ormont-Dessus. Un tel programme convainc aussi Pascal Rochat pour son caractère compact: «L’encadrement est plus facile à organiser sur deux semaines que trois mois.» D’où son idée d’explorer à l’avenir des actions plus ciblées.
Le pape a préparé son message de soutien aux réfugiés
« Migrations, un signe des temps » : c’est le titre du message de Benoît XVI pour la 92e Journée mondiale du Migrant et du Réfugié, fixée au 15 janvier 2006.
Ce message sera présenté vendredi prochain, 28 octobre, au Vatican, par le cardinal Stephen Fumio Hamao, président du conseil pontifical pour la Pastorale des Migrants et des personnes en déplacement, et par Mgr Agostino Marchetto, secrétaire.
Le pape Benoît XVI a déjà attiré l’attention sur cette question lors de l’angélus du 19 juin dernier, à la veille de la Journée mondiale du Réfugié : il demandait des gestes concrets d’accueil envers les millions de personnes qui ont été forcées de quitter leur patrie.
Personne ne doit se sentir étranger dans l’Eglise, avait déclaré l’évêque de Rome, dans son allocution avant la prière de l’Angélus, en présence de plusieurs dizaines de milliers de pèlerins rassemblés place Saint Pierre...
Lire le communiqué de catholique.org dans son intégralité
Ce message sera présenté vendredi prochain, 28 octobre, au Vatican, par le cardinal Stephen Fumio Hamao, président du conseil pontifical pour la Pastorale des Migrants et des personnes en déplacement, et par Mgr Agostino Marchetto, secrétaire.
Le pape Benoît XVI a déjà attiré l’attention sur cette question lors de l’angélus du 19 juin dernier, à la veille de la Journée mondiale du Réfugié : il demandait des gestes concrets d’accueil envers les millions de personnes qui ont été forcées de quitter leur patrie.
Personne ne doit se sentir étranger dans l’Eglise, avait déclaré l’évêque de Rome, dans son allocution avant la prière de l’Angélus, en présence de plusieurs dizaines de milliers de pèlerins rassemblés place Saint Pierre...
Lire le communiqué de catholique.org dans son intégralité
mardi 25 octobre 2005
Un formulaire sème le trouble chez les requérants
Martine Clerc dans 24heures rapporte une nouvelle mesure administrative qui est vécue comme un harcèlement supplémentaire dans la vie des requérants:
Depuis la semaine dernière, le canton émet un nouveau formu-laire limitant la marge d’inter-prétation des juges en matière d’application des mesures de contrainte.
Depuis des mois, la Coordination Asile Vaud condamne la pression exercée sur les requérants déboutés du groupe des «523» afin de les pousser à accepter l’aide au retour. Hier, en conférence de presse, c’est la nouvelle formule des attestations de départ attribuées aux requérants qui a été sévèrement critiquée. Motif du grief: le document en question «casse» la marge d’interprétation des juges en matière d’application des mesures de con-trainte. «Désormais, explique Bruno Clément, membre de la Coordination, le départ du requérant débouté est exigible dès l’échéance de son délai de départ fixé par les autorités fédérales, des mois ou des années plus tôt. Dans le formulaire précédent, c’est la date de prolongement du séjour qui était probante et sur laquelle pouvaient s’appuyer les juges. C’est seulement après cette date que les mesures de contrainte étaient susceptibles d’être appliquées.»
«Volonté de contourner la justice»
Pour la Coordination Asile, ce nouveau document est ainsi «une volonté affirmée de l’administration de contourner la justice, de casser la marge de manoeuvre des juges». Et Bruno Clément de citer une décision de justice remontant au 5 octobre dernier. Une juge de paix a en effet refusé d’envoyer un requérant débouté libanais au Centre de détention de Frambois. Elle s’est basée sur l’attestation émise par le Service de la population (SPOP) stipulant que son séjour était prolongé jusqu’à la fin du mois et qu’il n’était ainsi pas possible de le renvoyer le 5 octobre.
Explications du Départe-ment des institutions et relations extérieures (DIRE), via son délégué à la communication Frédéric Rouyard: «L’ancien formulaire a été mal interprété par de nombreuses personnes, notamment une juge de paix. Le SPOP l’a modifié afin de lever toute ambiguïté à l’avenir.» Et à l’intention des femmes et des mineurs — jusqu’alors épargnés par les mesures de contrainte — et qui ont également reçu le document «menaçant», il nuance: «Un document standard a été utilisé pour tous, alors que, conformément à la législation fédérale, les mineurs ne peuvent pas être soumis aux mesures de contrainte. Un document spécifique vient donc d’être élaboré pour eux.» La pratique actuelle ne devrait de même pas changer pour les femmes, notamment les femmes kosova-res isolées, bénéficiant officiel-lement de la suspension des mesures de contrainte.
Depuis la semaine dernière, le canton émet un nouveau formu-laire limitant la marge d’inter-prétation des juges en matière d’application des mesures de contrainte.
Depuis des mois, la Coordination Asile Vaud condamne la pression exercée sur les requérants déboutés du groupe des «523» afin de les pousser à accepter l’aide au retour. Hier, en conférence de presse, c’est la nouvelle formule des attestations de départ attribuées aux requérants qui a été sévèrement critiquée. Motif du grief: le document en question «casse» la marge d’interprétation des juges en matière d’application des mesures de con-trainte. «Désormais, explique Bruno Clément, membre de la Coordination, le départ du requérant débouté est exigible dès l’échéance de son délai de départ fixé par les autorités fédérales, des mois ou des années plus tôt. Dans le formulaire précédent, c’est la date de prolongement du séjour qui était probante et sur laquelle pouvaient s’appuyer les juges. C’est seulement après cette date que les mesures de contrainte étaient susceptibles d’être appliquées.»
«Volonté de contourner la justice»
Pour la Coordination Asile, ce nouveau document est ainsi «une volonté affirmée de l’administration de contourner la justice, de casser la marge de manoeuvre des juges». Et Bruno Clément de citer une décision de justice remontant au 5 octobre dernier. Une juge de paix a en effet refusé d’envoyer un requérant débouté libanais au Centre de détention de Frambois. Elle s’est basée sur l’attestation émise par le Service de la population (SPOP) stipulant que son séjour était prolongé jusqu’à la fin du mois et qu’il n’était ainsi pas possible de le renvoyer le 5 octobre.
Explications du Départe-ment des institutions et relations extérieures (DIRE), via son délégué à la communication Frédéric Rouyard: «L’ancien formulaire a été mal interprété par de nombreuses personnes, notamment une juge de paix. Le SPOP l’a modifié afin de lever toute ambiguïté à l’avenir.» Et à l’intention des femmes et des mineurs — jusqu’alors épargnés par les mesures de contrainte — et qui ont également reçu le document «menaçant», il nuance: «Un document standard a été utilisé pour tous, alors que, conformément à la législation fédérale, les mineurs ne peuvent pas être soumis aux mesures de contrainte. Un document spécifique vient donc d’être élaboré pour eux.» La pratique actuelle ne devrait de même pas changer pour les femmes, notamment les femmes kosova-res isolées, bénéficiant officiel-lement de la suspension des mesures de contrainte.
Forte hausse du nombre de nouvelles demandes
Les agences de presse annoncent toutes de fortes hausses du nombre de demande d'asile pour septembre 2005. Il y a quelques semaines à peine, Christoph Blocher se targuait du fait que la baisse était la preuve de la réussite de sa politique. On voit bien qu'il n'en est rien. Les flux dans l'asile dépendent avant tout de la situation internationale.
Lire la dépêche de l'ATS
Extrait de la dépêche d'AP
21,1% de plus qu'en août - Poussée migratoire en provenance d'Afrique -
Berne (AP) En raison d'une poussée migratoire en provenance d'Afrique, les demandes d'asile en Suisse ont sensiblement augmenté en septembre dernier. On en a enregistré 1.081, soit 189 ou 21,2% de plus qu'en août, selon les chiffres publiés lundi par l'Office fédéral des migrations (ODM). La hausse est surtout due à l'arrivée de ressortissants de Somalie, d'Ethiopie et d'Erythrée.
Le nombre important de migrants africains qui ont rejoint l'Europe cet été, par le sud de l'Italie ou par l'Espagne, explique en partie cette augmentation. L'afflux se répercute en effet deux à quatre mois plus tard sur les statistiques d'asile suisses. Il est vraisemblable que ces migrants cherchent avant tout un avenir économique en Europe, observe l'ODR. «Les autorités suisses vont traiter leurs demandes avec toute la célérité voulue lors de leur séjour dans les centres d'enregistrement et exécuter, dans les plus brefs délais, les renvois nécessaires».
Lire la dépêche de l'ATS
Extrait de la dépêche d'AP
21,1% de plus qu'en août - Poussée migratoire en provenance d'Afrique -
Berne (AP) En raison d'une poussée migratoire en provenance d'Afrique, les demandes d'asile en Suisse ont sensiblement augmenté en septembre dernier. On en a enregistré 1.081, soit 189 ou 21,2% de plus qu'en août, selon les chiffres publiés lundi par l'Office fédéral des migrations (ODM). La hausse est surtout due à l'arrivée de ressortissants de Somalie, d'Ethiopie et d'Erythrée.
Le nombre important de migrants africains qui ont rejoint l'Europe cet été, par le sud de l'Italie ou par l'Espagne, explique en partie cette augmentation. L'afflux se répercute en effet deux à quatre mois plus tard sur les statistiques d'asile suisses. Il est vraisemblable que ces migrants cherchent avant tout un avenir économique en Europe, observe l'ODR. «Les autorités suisses vont traiter leurs demandes avec toute la célérité voulue lors de leur séjour dans les centres d'enregistrement et exécuter, dans les plus brefs délais, les renvois nécessaires».
lundi 24 octobre 2005
L'immigration à des limites
Dans le courrier des lecteurs de 24heures, le député UDC François Brélaz explique très clairement les raisons du "profilage ethnique" dont sont victimes les requérants d'origine Africaine. Désormais, selon ce député, il faudra qu'une personne menacée qui a la peau noire soit au préalable formée et qu'elle paye des impôts pour être acceptée en Suisse.
»En réponse à l’«Opinion» de M. Innocent Naki intitulée «Pourquoi cette décision est arbitraire!» ( 24 heures du 20 oc-tobre 2005):
M. Innocent Naki, enseignant et écrivain africain, s’insurge contre les «expulsions massives» dont sont victimes les demandeurs d’asile, notamment africains. Or, les Africains, qu’ils soient des NEM (non entrée en matière) en Suisse ou qu’ils tentent de parvenir en Europe par les enclaves espagnoles de Mellila et Ceuta, sont des réfugiés économiques et non politiques.
Si la Suisse a besoin d’une certaine immigration, celle-ci doit être choisie et non subie. Les immigrés doivent être des gens avec une formation, qui paient des impôts, et non des gens sans formation professionnelle qui navigueront entre petits boulots et aide sociale.
Voilà quelques mois, la Conférence romande et tessinoise des offices cantonaux de l’em-ploi a publié des statistiques intéressantes. On y apprend que la communauté africaine connaît un taux de chômage de 30%, le plus élevé de toutes les communautés. Pour ces gens, la durée moyenne de recherche d’un emploi est la plus longue (355 jours).
D’autre part, avant d’accepter tous les miséreux du monde entier, il faut se préoccuper des sans-emploi suisses et étrangers en situation légale. Ainsi, fin juin 2005, à Renens, si on additionne les chômeurs, les personnes qui ne sont pas au chômage mais cherchent un travail et les bénéficiaires du revenu minimum de réinsertion (personnes qui devraient en principe chercher un emploi), on recense 1220 travailleurs potentiels. Cela représente 11,8% de la population active. Quand il y a autant de demandeurs d’emploi dans une des plus grandes communes du canton, il est normal d’être restrictif à l’égard des personnes non qualifiées provenant de pays extraeuropéens.
»En réponse à l’«Opinion» de M. Innocent Naki intitulée «Pourquoi cette décision est arbitraire!» ( 24 heures du 20 oc-tobre 2005):
M. Innocent Naki, enseignant et écrivain africain, s’insurge contre les «expulsions massives» dont sont victimes les demandeurs d’asile, notamment africains. Or, les Africains, qu’ils soient des NEM (non entrée en matière) en Suisse ou qu’ils tentent de parvenir en Europe par les enclaves espagnoles de Mellila et Ceuta, sont des réfugiés économiques et non politiques.
Si la Suisse a besoin d’une certaine immigration, celle-ci doit être choisie et non subie. Les immigrés doivent être des gens avec une formation, qui paient des impôts, et non des gens sans formation professionnelle qui navigueront entre petits boulots et aide sociale.
Voilà quelques mois, la Conférence romande et tessinoise des offices cantonaux de l’em-ploi a publié des statistiques intéressantes. On y apprend que la communauté africaine connaît un taux de chômage de 30%, le plus élevé de toutes les communautés. Pour ces gens, la durée moyenne de recherche d’un emploi est la plus longue (355 jours).
D’autre part, avant d’accepter tous les miséreux du monde entier, il faut se préoccuper des sans-emploi suisses et étrangers en situation légale. Ainsi, fin juin 2005, à Renens, si on additionne les chômeurs, les personnes qui ne sont pas au chômage mais cherchent un travail et les bénéficiaires du revenu minimum de réinsertion (personnes qui devraient en principe chercher un emploi), on recense 1220 travailleurs potentiels. Cela représente 11,8% de la population active. Quand il y a autant de demandeurs d’emploi dans une des plus grandes communes du canton, il est normal d’être restrictif à l’égard des personnes non qualifiées provenant de pays extraeuropéens.
Renvoyé de Suisse, il croupit en prison au Yémen
Didier Estoppey dans Le Courrier nous révèle un nouveau drame vécu par un requérant d'asile expulsé par les autorités Suisse.
Arrêté à son atterrissage à Sanaa à bord d'un vol parti de Genève, un requérant yéménite débouté croupit depuis dix jours en prison. Berne est intervenu en faveur de sa libération. Jusqu'ici en vain.
«En cas de renvoi, je vais disparaître dans les prisons yéménites comme tant d'autres opposants au régime actuel.» Ainsi s'exprimait Ihab Alariki dans une ultime supplique adressée, le 14 septembre dernier, à l'Office fédéral des migrations (ODM). La suite des événements semble cruellement lui donner raison: renvoyé de Suisse le 13 octobre, avant même d'avoir eu le temps de contester un nouveau refus de sa demande d'asile après moult recours et demandes de reconsidération, l'homme a été arrêté dès son arrivée à l'aéroport de Sanaa, la capitale yéménite. Et croupit depuis lors en prison.
Arrivé en Suisse en novembre 2000, et vivant depuis lors à Genève, M. Alariki, 34 ans, avait motivé sa demande d'asile par les ennuis que lui avaient valu dans son pays des liens supposés – qu'il réfute – avec un parti d'opposition. Le 20 septembre, la police genevoise a tenté une première fois de mettre à exécution l'ordre d'expulsion venu de Berne. Mais le requérant a manifesté son refus suffisamment fort pour que le pilote refuse de l'embarquer à bord du vol prévu.
La femme et les enfants d'abord
La suite n'a pas tardé: le 4 octobre, c'est à 4 heures du matin que la police se présente au domicile de sa famille, pour embarquement immédiat. M. Alariki, lui, avait pris la précaution de se planquer chez des amis. Ce qui n'a pas empêché les forces de l'ordre d'expulser Madame et ses deux enfants, dont un bébé de 16 mois. «Je n'ai même pas emporté de bagages, raconte l'épouse, que nous avons pu joindre à Sanaa. J'étais convaincue qu'on ne nous renverrait pas sans mon mari.» C'est accompagnée de deux fonctionnaires de l'ODM qu'elle a fait le voyage du retour.
Son mari a suivi, de guerre lasse, après s'être rendu aux autorités genevoises. «Il n'aurait pas dû rentrer, mais il n'était plus dans son état normal depuis le renvoi des siens, confient des proches à Genève. Il nous a dit qu'il n'avait plus le choix, que la Suisse aussi était devenue une prison pour lui.»
Son retour n'en est pas moins considéré comme purement volontaire par le responsable du domaine de l'asile à l'Office cantonal de la population, Bernard Ducrest. Même s'il a d'abord fallu pousser le reste de la famille dehors... «Nous avons eu de multiples contacts avec ces gens pour chercher à préparer leur retour. A Genève, nous avons des procédures plutôt soft. Mais, à un moment donné, il faut bien appliquer les décisions, sinon personne ne rentrerait...» Mais quid de l'arrestation de Monsieur? «La responsabilité de vérifier l'exigibilité du renvoi incombe à l'autorité fédérale», rappelle M. Ducrest.
L'autorité fédérale, elle, commence par s'étonner de notre appel. «Il n'y a qu'un ou deux rapatriements par année vers le Yémen, et tout s'est toujours bien passé, nous affirme d'abord le porte parole de l'ODM, Dominique Boillat. Nous n'avons eu connaissance d'aucun problème concernant ce monsieur.»
Berne intervient
Mais, depuis l'affaire d'un requérant birman toujours en prison depuis son rapatriement de Suisse, il y a plus d'un an, qui avait défrayé la chronique, on prend tout risque de dérapage au sérieux. Vérification faite auprès de la mission permanente du Yémen, à Genève, l'ODM a obtenu vendredi, après nos premiers appels, la confirmation de la détention de M. Alariki. «Il semble qu'on lui reproche un passé pénal en Suisse, indique M. Boillat. Son dossier est pourtant totalement vierge. Le fait que nous ayons raccompagné Madame a peut-être été interprété comme une mesure policière qui a éveillé les soupçons des autorités yéménites. Nous avons immédiatement entrepris des démarches afin de lever ce malentendu. La mission du Yémen a bon espoir qu'il sera libéré dans les jours qui viennent.»
Dans la communauté yéménite de Genève, on est moins optimiste. On évoque un autre cas récent de requérant arrêté au Yémen à son retour de Suisse. Une rumeur réfutée par l'ODM, qui affirme n'avoir connaissance d'aucun cas similaire à celui de M. Alariki. Nos interlocuteurs yéménites craignent également que le fait de demander l'asile à l'étranger soit interprété par le gouvernement de Sanaa comme un aveu de culpabilité ou une trahison. A Amnesty International aussi, on se montre prudent. Sans pouvoir se prononcer sur le cas de M. Alariki, Denise Graf, responsable des questions d'asile au sein de la section suisse, indique avoir été amenée à intervenir, à deux reprises, contre des décisions de renvoi de Yéménites. «Le Yémen ressemble un peu à Guantanamo. Beaucoup de gens y sont détenus au secret, sans accès à aucun moyen de défense.»
M. Alariki n'a pas encore disparu dans les geôle yéménites. Son épouse a pu lui rendre visite mercredi dernier. Mais malgré l'optimisme de l'ODM et de la mission yéménite à Genève, elle attendait toujours hier soir sa libération... «Cela fait deux jours qu'on me dit 'demain peut-être'. Mes enfants s'impatientent et sont très inquiets.»
Nouveau renvoi en vue
Du côté des milieux de défense des requérants d'asile aussi, l'affaire laisse un goût très amer. Le Genevois Michel Ottet, du réseau Elisa, se dit scandalisé de la manière dont la famille de M. Alariki a été renvoyée, et encore plus de la légèreté avec laquelle son cas a été traité. «Son arrestation prouve que ses craintes étaient fondées. Nous allons demander son retour. L'affaire m'inquiète d'autant plus que les autorités genevoises s'apprêtent à exécuter le renvoi d'un autre requérant yéménite débouté. J'espère que, après ce qui vient de se passer, elles sauront y renoncer.»
Arrêté à son atterrissage à Sanaa à bord d'un vol parti de Genève, un requérant yéménite débouté croupit depuis dix jours en prison. Berne est intervenu en faveur de sa libération. Jusqu'ici en vain.
«En cas de renvoi, je vais disparaître dans les prisons yéménites comme tant d'autres opposants au régime actuel.» Ainsi s'exprimait Ihab Alariki dans une ultime supplique adressée, le 14 septembre dernier, à l'Office fédéral des migrations (ODM). La suite des événements semble cruellement lui donner raison: renvoyé de Suisse le 13 octobre, avant même d'avoir eu le temps de contester un nouveau refus de sa demande d'asile après moult recours et demandes de reconsidération, l'homme a été arrêté dès son arrivée à l'aéroport de Sanaa, la capitale yéménite. Et croupit depuis lors en prison.
Arrivé en Suisse en novembre 2000, et vivant depuis lors à Genève, M. Alariki, 34 ans, avait motivé sa demande d'asile par les ennuis que lui avaient valu dans son pays des liens supposés – qu'il réfute – avec un parti d'opposition. Le 20 septembre, la police genevoise a tenté une première fois de mettre à exécution l'ordre d'expulsion venu de Berne. Mais le requérant a manifesté son refus suffisamment fort pour que le pilote refuse de l'embarquer à bord du vol prévu.
La femme et les enfants d'abord
La suite n'a pas tardé: le 4 octobre, c'est à 4 heures du matin que la police se présente au domicile de sa famille, pour embarquement immédiat. M. Alariki, lui, avait pris la précaution de se planquer chez des amis. Ce qui n'a pas empêché les forces de l'ordre d'expulser Madame et ses deux enfants, dont un bébé de 16 mois. «Je n'ai même pas emporté de bagages, raconte l'épouse, que nous avons pu joindre à Sanaa. J'étais convaincue qu'on ne nous renverrait pas sans mon mari.» C'est accompagnée de deux fonctionnaires de l'ODM qu'elle a fait le voyage du retour.
Son mari a suivi, de guerre lasse, après s'être rendu aux autorités genevoises. «Il n'aurait pas dû rentrer, mais il n'était plus dans son état normal depuis le renvoi des siens, confient des proches à Genève. Il nous a dit qu'il n'avait plus le choix, que la Suisse aussi était devenue une prison pour lui.»
Son retour n'en est pas moins considéré comme purement volontaire par le responsable du domaine de l'asile à l'Office cantonal de la population, Bernard Ducrest. Même s'il a d'abord fallu pousser le reste de la famille dehors... «Nous avons eu de multiples contacts avec ces gens pour chercher à préparer leur retour. A Genève, nous avons des procédures plutôt soft. Mais, à un moment donné, il faut bien appliquer les décisions, sinon personne ne rentrerait...» Mais quid de l'arrestation de Monsieur? «La responsabilité de vérifier l'exigibilité du renvoi incombe à l'autorité fédérale», rappelle M. Ducrest.
L'autorité fédérale, elle, commence par s'étonner de notre appel. «Il n'y a qu'un ou deux rapatriements par année vers le Yémen, et tout s'est toujours bien passé, nous affirme d'abord le porte parole de l'ODM, Dominique Boillat. Nous n'avons eu connaissance d'aucun problème concernant ce monsieur.»
Berne intervient
Mais, depuis l'affaire d'un requérant birman toujours en prison depuis son rapatriement de Suisse, il y a plus d'un an, qui avait défrayé la chronique, on prend tout risque de dérapage au sérieux. Vérification faite auprès de la mission permanente du Yémen, à Genève, l'ODM a obtenu vendredi, après nos premiers appels, la confirmation de la détention de M. Alariki. «Il semble qu'on lui reproche un passé pénal en Suisse, indique M. Boillat. Son dossier est pourtant totalement vierge. Le fait que nous ayons raccompagné Madame a peut-être été interprété comme une mesure policière qui a éveillé les soupçons des autorités yéménites. Nous avons immédiatement entrepris des démarches afin de lever ce malentendu. La mission du Yémen a bon espoir qu'il sera libéré dans les jours qui viennent.»
Dans la communauté yéménite de Genève, on est moins optimiste. On évoque un autre cas récent de requérant arrêté au Yémen à son retour de Suisse. Une rumeur réfutée par l'ODM, qui affirme n'avoir connaissance d'aucun cas similaire à celui de M. Alariki. Nos interlocuteurs yéménites craignent également que le fait de demander l'asile à l'étranger soit interprété par le gouvernement de Sanaa comme un aveu de culpabilité ou une trahison. A Amnesty International aussi, on se montre prudent. Sans pouvoir se prononcer sur le cas de M. Alariki, Denise Graf, responsable des questions d'asile au sein de la section suisse, indique avoir été amenée à intervenir, à deux reprises, contre des décisions de renvoi de Yéménites. «Le Yémen ressemble un peu à Guantanamo. Beaucoup de gens y sont détenus au secret, sans accès à aucun moyen de défense.»
M. Alariki n'a pas encore disparu dans les geôle yéménites. Son épouse a pu lui rendre visite mercredi dernier. Mais malgré l'optimisme de l'ODM et de la mission yéménite à Genève, elle attendait toujours hier soir sa libération... «Cela fait deux jours qu'on me dit 'demain peut-être'. Mes enfants s'impatientent et sont très inquiets.»
Nouveau renvoi en vue
Du côté des milieux de défense des requérants d'asile aussi, l'affaire laisse un goût très amer. Le Genevois Michel Ottet, du réseau Elisa, se dit scandalisé de la manière dont la famille de M. Alariki a été renvoyée, et encore plus de la légèreté avec laquelle son cas a été traité. «Son arrestation prouve que ses craintes étaient fondées. Nous allons demander son retour. L'affaire m'inquiète d'autant plus que les autorités genevoises s'apprêtent à exécuter le renvoi d'un autre requérant yéménite débouté. J'espère que, après ce qui vient de se passer, elles sauront y renoncer.»
Naufragés d'Afrique sur nos terres
Voici un excellent article de Christian Leconte, publié samedi dernier dans Le Temps, qui rapporte le témoignage de jeunes requérants Africains. D'autres témoignages du même genre peuvent être consultés dans les pages "Quand on NEM..." dans la colonne de droite; toutes ces histoires témoignent également de cette politique officielle de "profilage ethnique" dont nous parlait récemment Didier Estoppey
Les images de milliers d'immigrés africains escaladant les grillages de Ceuta et Melilla ont bouleversé le monde. Qui sont ces hommes? Que fuient-ils? Où vont-ils?
Les passeurs ont dit à Emmanuel le Libérien qu'il fallait mentir sur son âge «parce qu'en Suisse c'est une question vitale». S'il est majeur, il est un requérant d'asile comme un autre, sans réel droit, menacé d'être expulsé à tout moment.
Emmanuel a retenu la leçon. «J'ai 16 ans», soutient-il. Mineur donc. La loi le protège, il a même le droit d'aller à l'école.
Mais les Suisses ont trouvé une parade: le test osseux (radiographie du poignet) qui déterminerait l'âge. Au Centre d'enregistrement des requérants d'asile (CERA) de Vallorbe, le verdict est tombé: «Vous avez environ 20 ans.»
Tous la même histoire
Emmanuel a dit que c'était faux. Il a fait un recours puis est entré en clandestinité. Il traîne en ce moment à Lausanne. Dort dehors ou dans un sleep-in lorsqu'une bonne âme lui glisse 5 francs. Il retrouve là d'autres naufragés, tout aussi dépourvus. Africains, pour la plupart.
«Je n'aime pas ces endroits-là parce qu'on a tous la même histoire et c'est bien à cela que je voulais échapper, la même histoire, les mêmes guerres, la même misère.» Les bancs des gares, c'est mieux. La solitude est sa force. Il brave l'indifférence et «la police qui insulte et fouille partout, même dans le plus intime du corps pour savoir si on trafique de la drogue.»
Emmanuel a quitté le Liberia en guerre en 2002. Parents morts, le frère et la soeur morts. Des voisins ont vu le gamin assis par terre. Ils ont donné de l'argent pour qu'il se sauve en pick-up via le Mali.
La grande traversée
Début de la traversée qui va durer deux années. C'est la moyenne pour les «clandos». «Je ne savais pas où j'allais. Alors des types m'ont dit: on va tous vers l'Europe, toi aussi.» Plusieurs escales pour se renflouer en argent et obtenir de faux papiers: Agadez au Niger, Tamanrasset en Algérie.
«A Agadez, on loge dans des cases et on fait n'importe quoi comme travail.
Je suis resté six mois», se souvient Emmanuel. Quand l'argent nécessaire est réuni, il faut attendre qu'un pick-up soit rempli pour poursuivre le voyage. L'attente peut durer un mois. «Ils entassent 30 personnes sur les camionnettes bourrées de produits de contrebande, relate-t-il. A Bordj Mokhtar, à la frontière algérienne, d'autres guides nous prennent en charge.
Ils connaissent parfaitement les coins d'eau dans le désert et sont informés sur les itinéraires des patrouilles de surveillance. Ils donnent notre argent pour que les gendarmes ferment les yeux. Les passeurs roulent vite, il faut bien s'accrocher. Quand une personne tombe, le camion ne s'arrête pas. Celui-là va mourir. On sait cela, ça fait partie du contrat.»
Esclaves à Tamanrasset
Tamanrasset, au Sahara. Un ghetto, une plaque tournante. Des milliers d'Africains y séjournent. Emmanuel reste là une année.
«J'ai compris là-bas que nous étions des esclaves, se souvient-il. Pour gagner de l'argent et continuer la route, on travaille pour les Algériens de Tamanrasset. On est leurs domestiques. On gagne 100 dinars par jour (2fr.50) à creuser des trous ou à faire de la lessive. Des femmes se prostituent. Il y a des réseaux qui fonctionnent bien, tout est prévu. Des hommes de Tamanrasset s'occupent d'elles avec les passeurs.»
Tamanrasset est une étape à travers les immenses étendues désertiques. Puis un jour, un autre pick-up direction Ghardaïa et Alger ou Oran. Un choix à faire: tenter de rallier l'Europe via le Maroc ou via la Tunisie. Emmanuel opte pour la Tunisie car les Marocains sont «sans pitié»: «Ils raflent les gens et les abandonnent en plein désert», apprend-il.
En Suisse, où la guerre finit
Une nuit, un bateau pour Lampedusa, une île italienne au sud de la Sicile. Les frêles esquifs souvent chavirent et les corps échouent sur les plages. Le sien soutient les vagues.
Entrée illégale dans l'espace Schengen. Une automobile conduite par un «frère africain» le remonte vers la Suisse, «le pays de la Croix-Rouge qui sait ce qui se passe dans ton pays», a assuré le passeur.
Mais à Vallorbe, un cassant NEM (non-entrée en matière) a estampillé le dossier Emmanuel. Peu de chances désormais qu'un second examen désavoue le premier car le Liberia vient de voter: «La guerre est finie, vous pouvez rentrer chez vous.»
Emmanuel va monter vers l'Allemagne. Un frère lui a dit que le gouvernement avait changé et que les lois sur l'asile «allaient être plus souples».
Exil congolais
Centre de requérants de Vallorbe (CERA). Les Congolais Christian K. (26 ans) et Serge M. (31 ans) demandent l'asile politique. «Chez nous, on est comme des animaux dans la vie», résument-ils. Christian ne sait pas si son père est encore en vie. «Je vivais du commerce d'or mais la police m'avait à l'oeil à cause de mon père qui faisait de la politique. On me cherchait alors j'ai fui», dit-il.
Pour 3500 dollars américains, il a loué un faux passeport avec un vrai visa Schengen et on lui a fourni un billet d'avion Kinshasa-Rome. Serge, voix douce et profil d'intellectuel, a fait de la prison «pour activités subversives». Il militait dans un parti d'opposition, l'Union démocratique pour le progrès, «contre Mobutu puis contre Kabila».
«J'intervenais souvent dans ce qu'on appelle chez nous les lieux de débat public: on choisit un passage fréquenté dans la ville et on prend à témoin la foule», explique-t-il.
Arrestation, cachot puis liberté provisoire. Serge prend à nouveau la parole. Nouvelle arrestation, passage à tabac, travaux forcés, évasion. Il se procure, moyennant 3200 francs, un passeport d'emprunt. Dans la capitale italienne, un passeur congolais récupère les passeports qui seront renvoyés au pays. Des caches abritent les clandestins quelques jours.
Puis Christian, Serge et d'autres montent en Suisse dans une fourgonnette qui roule de nuit. Prix: 300 euros.
Coupés du monde
Pourquoi la Suisse? «Parce qu'ils parlent français et qu'il y a du travail.»
Pourquoi pas la France? «A cause de Sarkozy.»
A Vallorbe, les sorties hors du centre sont limitées, les types de la sécurité n'ont pas le droit de leur sourire mais on leur donne à manger. Ils ont passé des radios, ont été vaccinés, lavés et interrogés. Ils attendent.
Savent-ils ce qui s'est passé dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla? «Non, ici on est coupé du monde.»
Le CERA se trouvait jadis à Genève mais trop d'associations rôdaient autour,alertaient l'opinion sur la misère des requérants déboutés. Vallorbe est
plus lointaine, plus reculée. L'Aracoh, une organisation, les épaule. On sert le café et des croissants, on parle d'aide juridique.
Diallo, envoyé par sa famille
Diallo, un jeune Guinéen, est lui aussi passé par Vallorbe. Il vit aujourd'hui à Lausanne, clandestinement. Il a épuisé les recours, dort dehors ou en foyer, travaille parfois au noir, passe au Point d'appui, un local qui offre des repas et où «des gens bien écoutent».
Diallo raconte que sa famille l'a envoyé au Nord «parce qu'un salaire européen fait vivre longtemps plusieurs personnes guinéennes». Tout le monde se cotise et on fait voyager le plus robuste ou le plus malin.
Pas question pour ce dernier d'échouer. Un retour au pays n'est envisageable que si fortune est faite. Rentrer plus pauvre jette l'opprobre sur toute la famille.
Diallo dit qu'il a passé trois semaines dans les soutes d'un bateau qui a accosté en Italie. Trois semaines à boire de l'eau sale et manger de la farine. «Quand on me relate toutes ces histoires, au Maroc, dans le désert ou sur la mer, j'ai honte, confie une bénévole. Je me dis surtout qu'on devrait donner au moins une chance à ceux qui ont voyagé plusieurs années et ont risqué à maintes reprises leur vie pour arriver jusqu'ici.» Diallo a été lui aussi prié de quitter le territoire. Avec pour seul papier un carnet de vaccination suisse.
Selon le HCR, le nombre de réfugiés dans le monde est en baisse constante
depuis quelques années: 17 millions début 2004. Les pays du Sud sont
beaucoup plus confrontés à la question de l'asile que l'Europe. Ces dix
dernières années, sept réfugiés sur dix auraient trouvé l'asile dans un pays
du Sud alors qu'en Europe le nombre de requérants d'asile a baissé de 22% en
2004. En Suisse, 2004 représente l'année où le nombre de demandes déposées a
été le plus faible depuis vingt ans avec 14248 demandes.
Les images de milliers d'immigrés africains escaladant les grillages de Ceuta et Melilla ont bouleversé le monde. Qui sont ces hommes? Que fuient-ils? Où vont-ils?
Les passeurs ont dit à Emmanuel le Libérien qu'il fallait mentir sur son âge «parce qu'en Suisse c'est une question vitale». S'il est majeur, il est un requérant d'asile comme un autre, sans réel droit, menacé d'être expulsé à tout moment.
Emmanuel a retenu la leçon. «J'ai 16 ans», soutient-il. Mineur donc. La loi le protège, il a même le droit d'aller à l'école.
Mais les Suisses ont trouvé une parade: le test osseux (radiographie du poignet) qui déterminerait l'âge. Au Centre d'enregistrement des requérants d'asile (CERA) de Vallorbe, le verdict est tombé: «Vous avez environ 20 ans.»
Tous la même histoire
Emmanuel a dit que c'était faux. Il a fait un recours puis est entré en clandestinité. Il traîne en ce moment à Lausanne. Dort dehors ou dans un sleep-in lorsqu'une bonne âme lui glisse 5 francs. Il retrouve là d'autres naufragés, tout aussi dépourvus. Africains, pour la plupart.
«Je n'aime pas ces endroits-là parce qu'on a tous la même histoire et c'est bien à cela que je voulais échapper, la même histoire, les mêmes guerres, la même misère.» Les bancs des gares, c'est mieux. La solitude est sa force. Il brave l'indifférence et «la police qui insulte et fouille partout, même dans le plus intime du corps pour savoir si on trafique de la drogue.»
Emmanuel a quitté le Liberia en guerre en 2002. Parents morts, le frère et la soeur morts. Des voisins ont vu le gamin assis par terre. Ils ont donné de l'argent pour qu'il se sauve en pick-up via le Mali.
La grande traversée
Début de la traversée qui va durer deux années. C'est la moyenne pour les «clandos». «Je ne savais pas où j'allais. Alors des types m'ont dit: on va tous vers l'Europe, toi aussi.» Plusieurs escales pour se renflouer en argent et obtenir de faux papiers: Agadez au Niger, Tamanrasset en Algérie.
«A Agadez, on loge dans des cases et on fait n'importe quoi comme travail.
Je suis resté six mois», se souvient Emmanuel. Quand l'argent nécessaire est réuni, il faut attendre qu'un pick-up soit rempli pour poursuivre le voyage. L'attente peut durer un mois. «Ils entassent 30 personnes sur les camionnettes bourrées de produits de contrebande, relate-t-il. A Bordj Mokhtar, à la frontière algérienne, d'autres guides nous prennent en charge.
Ils connaissent parfaitement les coins d'eau dans le désert et sont informés sur les itinéraires des patrouilles de surveillance. Ils donnent notre argent pour que les gendarmes ferment les yeux. Les passeurs roulent vite, il faut bien s'accrocher. Quand une personne tombe, le camion ne s'arrête pas. Celui-là va mourir. On sait cela, ça fait partie du contrat.»
Esclaves à Tamanrasset
Tamanrasset, au Sahara. Un ghetto, une plaque tournante. Des milliers d'Africains y séjournent. Emmanuel reste là une année.
«J'ai compris là-bas que nous étions des esclaves, se souvient-il. Pour gagner de l'argent et continuer la route, on travaille pour les Algériens de Tamanrasset. On est leurs domestiques. On gagne 100 dinars par jour (2fr.50) à creuser des trous ou à faire de la lessive. Des femmes se prostituent. Il y a des réseaux qui fonctionnent bien, tout est prévu. Des hommes de Tamanrasset s'occupent d'elles avec les passeurs.»
Tamanrasset est une étape à travers les immenses étendues désertiques. Puis un jour, un autre pick-up direction Ghardaïa et Alger ou Oran. Un choix à faire: tenter de rallier l'Europe via le Maroc ou via la Tunisie. Emmanuel opte pour la Tunisie car les Marocains sont «sans pitié»: «Ils raflent les gens et les abandonnent en plein désert», apprend-il.
En Suisse, où la guerre finit
Une nuit, un bateau pour Lampedusa, une île italienne au sud de la Sicile. Les frêles esquifs souvent chavirent et les corps échouent sur les plages. Le sien soutient les vagues.
Entrée illégale dans l'espace Schengen. Une automobile conduite par un «frère africain» le remonte vers la Suisse, «le pays de la Croix-Rouge qui sait ce qui se passe dans ton pays», a assuré le passeur.
Mais à Vallorbe, un cassant NEM (non-entrée en matière) a estampillé le dossier Emmanuel. Peu de chances désormais qu'un second examen désavoue le premier car le Liberia vient de voter: «La guerre est finie, vous pouvez rentrer chez vous.»
Emmanuel va monter vers l'Allemagne. Un frère lui a dit que le gouvernement avait changé et que les lois sur l'asile «allaient être plus souples».
Exil congolais
Centre de requérants de Vallorbe (CERA). Les Congolais Christian K. (26 ans) et Serge M. (31 ans) demandent l'asile politique. «Chez nous, on est comme des animaux dans la vie», résument-ils. Christian ne sait pas si son père est encore en vie. «Je vivais du commerce d'or mais la police m'avait à l'oeil à cause de mon père qui faisait de la politique. On me cherchait alors j'ai fui», dit-il.
Pour 3500 dollars américains, il a loué un faux passeport avec un vrai visa Schengen et on lui a fourni un billet d'avion Kinshasa-Rome. Serge, voix douce et profil d'intellectuel, a fait de la prison «pour activités subversives». Il militait dans un parti d'opposition, l'Union démocratique pour le progrès, «contre Mobutu puis contre Kabila».
«J'intervenais souvent dans ce qu'on appelle chez nous les lieux de débat public: on choisit un passage fréquenté dans la ville et on prend à témoin la foule», explique-t-il.
Arrestation, cachot puis liberté provisoire. Serge prend à nouveau la parole. Nouvelle arrestation, passage à tabac, travaux forcés, évasion. Il se procure, moyennant 3200 francs, un passeport d'emprunt. Dans la capitale italienne, un passeur congolais récupère les passeports qui seront renvoyés au pays. Des caches abritent les clandestins quelques jours.
Puis Christian, Serge et d'autres montent en Suisse dans une fourgonnette qui roule de nuit. Prix: 300 euros.
Coupés du monde
Pourquoi la Suisse? «Parce qu'ils parlent français et qu'il y a du travail.»
Pourquoi pas la France? «A cause de Sarkozy.»
A Vallorbe, les sorties hors du centre sont limitées, les types de la sécurité n'ont pas le droit de leur sourire mais on leur donne à manger. Ils ont passé des radios, ont été vaccinés, lavés et interrogés. Ils attendent.
Savent-ils ce qui s'est passé dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla? «Non, ici on est coupé du monde.»
Le CERA se trouvait jadis à Genève mais trop d'associations rôdaient autour,alertaient l'opinion sur la misère des requérants déboutés. Vallorbe est
plus lointaine, plus reculée. L'Aracoh, une organisation, les épaule. On sert le café et des croissants, on parle d'aide juridique.
Diallo, envoyé par sa famille
Diallo, un jeune Guinéen, est lui aussi passé par Vallorbe. Il vit aujourd'hui à Lausanne, clandestinement. Il a épuisé les recours, dort dehors ou en foyer, travaille parfois au noir, passe au Point d'appui, un local qui offre des repas et où «des gens bien écoutent».
Diallo raconte que sa famille l'a envoyé au Nord «parce qu'un salaire européen fait vivre longtemps plusieurs personnes guinéennes». Tout le monde se cotise et on fait voyager le plus robuste ou le plus malin.
Pas question pour ce dernier d'échouer. Un retour au pays n'est envisageable que si fortune est faite. Rentrer plus pauvre jette l'opprobre sur toute la famille.
Diallo dit qu'il a passé trois semaines dans les soutes d'un bateau qui a accosté en Italie. Trois semaines à boire de l'eau sale et manger de la farine. «Quand on me relate toutes ces histoires, au Maroc, dans le désert ou sur la mer, j'ai honte, confie une bénévole. Je me dis surtout qu'on devrait donner au moins une chance à ceux qui ont voyagé plusieurs années et ont risqué à maintes reprises leur vie pour arriver jusqu'ici.» Diallo a été lui aussi prié de quitter le territoire. Avec pour seul papier un carnet de vaccination suisse.
Selon le HCR, le nombre de réfugiés dans le monde est en baisse constante
depuis quelques années: 17 millions début 2004. Les pays du Sud sont
beaucoup plus confrontés à la question de l'asile que l'Europe. Ces dix
dernières années, sept réfugiés sur dix auraient trouvé l'asile dans un pays
du Sud alors qu'en Europe le nombre de requérants d'asile a baissé de 22% en
2004. En Suisse, 2004 représente l'année où le nombre de demandes déposées a
été le plus faible depuis vingt ans avec 14248 demandes.
samedi 22 octobre 2005
La Fareas renonce à doper l’accueil aux casernes
24heures dans son édition Nord Vaudois confirme que le nombre de NEM qui utilise les locaux d'Yverdon est bien inférieur à ce qui avait été prévu.
Voici l'article de Frédéric Ravussin:
Les discussions entre la Munici-palité et la Fareas se poursui-vent. Elles ont cependant pris un jour nouveau, puisqu’une augmentation du nombre de places d’accueil pour les per-sonnes frappées d’une non-en-trée en matière (NEM) aux anciennes casernes n’est plus d’actualité. Sous certaines con-ditions — aujourd’hui remplies ( lire encadré) —, les négocia-tions auraient pu reprendre avec la fondation qui souhaitait initialement avoir la possibilité de porter cette capacité à une huitantaine de places. Mais à son grand étonnement, la Fa-reas a constaté que le nombre de NEM demandant un héber-gement n’était pas aussi élevé qu’elle ne l’avait imaginé.
A Yverdon, ils ont été au maximum 56 à passer la nuit aux anciennes casernes, exploi-tées depuis le 16 août. Et au minimum 29. Ces dernières se-maines, les NEM ont été entre 40 et 53 à séjourner sur le site. En moyenne, leur nombre reste donc en deçà du seuil maximum fixé. «Car c’est bien une moyenne plutôt que des pics qu’il s’agit de prendre en considération», affirme le di-recteur de la Fareas, Pierre Imhof.
Départ en janvier confirmé
L’extension de la capacité d’accueil du site sera-t-elle à nouveau à l’ordre du jour d’ici à un mois, quand les nuits se-ront plus fraîches? «On s’est rendu compte à Lausanne que cela n’avait pas d’influence. Mais quoi qu’il en soit, nous serons alors tout proches de la date de départ fixée», poursuit-il.
Pierre Imhof a en effet réaf-firmé hier que la structure yver-donnoise serait libérée, comme convenu, dans le courant du mois de janvier. «Nous plan-chons actuellement sur quel-ques variantes pour accueillir les NEM «yverdonnois» à ce moment-là. Toutes se trouvent à Lausanne.» Le nombre de requérants d’asile — NEM y compris — n’a pas augmenté depuis une année dans la Cité thermale. Au 1er décembre 2004, ils étaient 775 relevant de la Fareas, contre 752 le 1er oc-tobre dernier.
Bientôt moins?
Quoi qu’il en soit, la contri-bution de la Cité thermale est toujours très importante en comparaison avec d’autres vil-les du canton, et notamment de La Côte. A elles seules, Lau-sanne, Vevey et Yverdon hé-bergent le 50% des requérants d’asile vaudois! Mais la donne pourrait bientôt changer, à la faveur de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’aide aux requérants d’asile et à cer-taines catégories d’étrangers (LARA), l’an prochain. «Je prendrai alors mon bâton de pèlerin pour aller à la rencontre de certaines communes qui col-laborent moins facilement qu’Yverdon», promet le direc-teur de la Fareas.
Voici l'article de Frédéric Ravussin:
Les discussions entre la Munici-palité et la Fareas se poursui-vent. Elles ont cependant pris un jour nouveau, puisqu’une augmentation du nombre de places d’accueil pour les per-sonnes frappées d’une non-en-trée en matière (NEM) aux anciennes casernes n’est plus d’actualité. Sous certaines con-ditions — aujourd’hui remplies ( lire encadré) —, les négocia-tions auraient pu reprendre avec la fondation qui souhaitait initialement avoir la possibilité de porter cette capacité à une huitantaine de places. Mais à son grand étonnement, la Fa-reas a constaté que le nombre de NEM demandant un héber-gement n’était pas aussi élevé qu’elle ne l’avait imaginé.
A Yverdon, ils ont été au maximum 56 à passer la nuit aux anciennes casernes, exploi-tées depuis le 16 août. Et au minimum 29. Ces dernières se-maines, les NEM ont été entre 40 et 53 à séjourner sur le site. En moyenne, leur nombre reste donc en deçà du seuil maximum fixé. «Car c’est bien une moyenne plutôt que des pics qu’il s’agit de prendre en considération», affirme le di-recteur de la Fareas, Pierre Imhof.
Départ en janvier confirmé
L’extension de la capacité d’accueil du site sera-t-elle à nouveau à l’ordre du jour d’ici à un mois, quand les nuits se-ront plus fraîches? «On s’est rendu compte à Lausanne que cela n’avait pas d’influence. Mais quoi qu’il en soit, nous serons alors tout proches de la date de départ fixée», poursuit-il.
Pierre Imhof a en effet réaf-firmé hier que la structure yver-donnoise serait libérée, comme convenu, dans le courant du mois de janvier. «Nous plan-chons actuellement sur quel-ques variantes pour accueillir les NEM «yverdonnois» à ce moment-là. Toutes se trouvent à Lausanne.» Le nombre de requérants d’asile — NEM y compris — n’a pas augmenté depuis une année dans la Cité thermale. Au 1er décembre 2004, ils étaient 775 relevant de la Fareas, contre 752 le 1er oc-tobre dernier.
Bientôt moins?
Quoi qu’il en soit, la contri-bution de la Cité thermale est toujours très importante en comparaison avec d’autres vil-les du canton, et notamment de La Côte. A elles seules, Lau-sanne, Vevey et Yverdon hé-bergent le 50% des requérants d’asile vaudois! Mais la donne pourrait bientôt changer, à la faveur de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’aide aux requérants d’asile et à cer-taines catégories d’étrangers (LARA), l’an prochain. «Je prendrai alors mon bâton de pèlerin pour aller à la rencontre de certaines communes qui col-laborent moins facilement qu’Yverdon», promet le direc-teur de la Fareas.
L'art de fabriquer des faux requérants...
Didier Estoppey en première page du Courrier relève la parution d'une étude d' universitaire stagiaire au CSP qui démontre statistiquement que le système fabrique des "faux requérants" grâce à un "profilage ethnique".
La Côte d'Ivoire, la Guinée, la Guinée Bissau, la Sierra Leone, le Liberia ou le Nigeria: des pays qui n'ont pas précisément l'image de paradis sur terre. Et qui, même s'ils peinent à faire la Une des médias occidentaux, figurent régulièrement en bonne place dans les rapports d'Amnesty international pour les dictatures sanglantes, les guerres civiles ou les violences généralisées qui les rongent. Et qui provoquent leur lot d'exilés, dont certains viennent tenter leur chance en Suisse.
Pour trouver porte close: selon les statistiques officielles, les ressortissants de ces six pays d'Afrique de l'Ouest ne sont que 1 sur 200, en moyenne, à obtenir l'asile, et 3 sur 100 une admission provisoire. Contre un taux moyen d'acceptation, tous pays confondus, de 8% (28 % pour les admissions provisoires).
Inégalité de traitement? «Discrimination», répond Gaétan Nanchen, au terme d'une étude fouillée[1]. Ce jeune licencié en sciences politiques a mis à profit un stage au Centre social protestant de Genève pour se pencher sur les dossiers d'une centaine de requérants ouest-africains. Et chercher d'autres réponses à une question à laquelle l'Office fédéral des migrations (ODM), par ses décisions, semble trancher pour l'affirmative: «Tous les Africains de l'Ouest seraient-ils des menteurs?»
Le chercheur n'exclut pas qu'une proportion de requérants, qu'il ne lui appartient pas de quantifier, affabulent. Mais il n'en reste pas moins frappé par le «décalage extrêmement surprenant» entre des situations qui ne peuvent manquer d'authentiques persécutés et un taux d'acceptation proche du néant. Sur une cinquantaine de pages, il se livre à une analyse serrée des questions auxquelles sont soumis les requérants africains, pour démontrer à quel point elles sont très souvent «ethnocentriques». Les fonctionnaires de l'ODM s'échinent notamment à obtenir des renseignements chronologiques précis, qui échappent souvent à des cultures africaines développant une tout autre notion du temps. De même, les perceptions de l'espace par les requérants sont souvent incompatibles avec des batteries de questions dignes de l'Office topographique fédéral.
Mais il y a plus pervers: en l'absence de réponse précise, les interrogateurs finissent par la formuler eux-mêmes. Et le requérant par acquiescer, au risque d'entrer en contradiction avec des propos tenus plus tôt. «L'expérience générale de la vie» est un autre concept souvent invoqué par l'autorité pour motiver ses refus. Une expérience au nom de laquelle les fonctionnaires peinent souvent à croire, entre autres, que des requérants africains aient pu, comme ils le prétendent, soudoyer leurs gardiens et prendre la poudre d'escampette. C'est pourtant exactement ce qui est arrivé en 1983 avec Licio Gelli à Champ-Dollon, rappelle Gaétan Nanchen...
Reste une dernière option pour les candidats qui auraient su se défaire de toutes ces chausse-trapes: leur donner le choix entre deux options... perdantes. L'auteur cite le cas de deux requérants, l'un étant passé prendre des nouvelles de sa famille entre son évasion de prison et son départ du pays, l'autre pas. On a rétorqué au premier qu'il était invraisemblable qu'il ait pris un tel risque avant de fuir. Et on s'est étonné que le second se soucie si peu des siens...
Une mécanique infernale, conclut Gaétan Nanchen, et qui s'auto-alimente: «Ces rejets massifs et successifs engendrent un processus de généralisation, un effet de système dans lequel l'habitude crée une logique de refus.» Une logique qui porte un nom: le racisme.
La Côte d'Ivoire, la Guinée, la Guinée Bissau, la Sierra Leone, le Liberia ou le Nigeria: des pays qui n'ont pas précisément l'image de paradis sur terre. Et qui, même s'ils peinent à faire la Une des médias occidentaux, figurent régulièrement en bonne place dans les rapports d'Amnesty international pour les dictatures sanglantes, les guerres civiles ou les violences généralisées qui les rongent. Et qui provoquent leur lot d'exilés, dont certains viennent tenter leur chance en Suisse.
Pour trouver porte close: selon les statistiques officielles, les ressortissants de ces six pays d'Afrique de l'Ouest ne sont que 1 sur 200, en moyenne, à obtenir l'asile, et 3 sur 100 une admission provisoire. Contre un taux moyen d'acceptation, tous pays confondus, de 8% (28 % pour les admissions provisoires).
Inégalité de traitement? «Discrimination», répond Gaétan Nanchen, au terme d'une étude fouillée[1]. Ce jeune licencié en sciences politiques a mis à profit un stage au Centre social protestant de Genève pour se pencher sur les dossiers d'une centaine de requérants ouest-africains. Et chercher d'autres réponses à une question à laquelle l'Office fédéral des migrations (ODM), par ses décisions, semble trancher pour l'affirmative: «Tous les Africains de l'Ouest seraient-ils des menteurs?»
Le chercheur n'exclut pas qu'une proportion de requérants, qu'il ne lui appartient pas de quantifier, affabulent. Mais il n'en reste pas moins frappé par le «décalage extrêmement surprenant» entre des situations qui ne peuvent manquer d'authentiques persécutés et un taux d'acceptation proche du néant. Sur une cinquantaine de pages, il se livre à une analyse serrée des questions auxquelles sont soumis les requérants africains, pour démontrer à quel point elles sont très souvent «ethnocentriques». Les fonctionnaires de l'ODM s'échinent notamment à obtenir des renseignements chronologiques précis, qui échappent souvent à des cultures africaines développant une tout autre notion du temps. De même, les perceptions de l'espace par les requérants sont souvent incompatibles avec des batteries de questions dignes de l'Office topographique fédéral.
Mais il y a plus pervers: en l'absence de réponse précise, les interrogateurs finissent par la formuler eux-mêmes. Et le requérant par acquiescer, au risque d'entrer en contradiction avec des propos tenus plus tôt. «L'expérience générale de la vie» est un autre concept souvent invoqué par l'autorité pour motiver ses refus. Une expérience au nom de laquelle les fonctionnaires peinent souvent à croire, entre autres, que des requérants africains aient pu, comme ils le prétendent, soudoyer leurs gardiens et prendre la poudre d'escampette. C'est pourtant exactement ce qui est arrivé en 1983 avec Licio Gelli à Champ-Dollon, rappelle Gaétan Nanchen...
Reste une dernière option pour les candidats qui auraient su se défaire de toutes ces chausse-trapes: leur donner le choix entre deux options... perdantes. L'auteur cite le cas de deux requérants, l'un étant passé prendre des nouvelles de sa famille entre son évasion de prison et son départ du pays, l'autre pas. On a rétorqué au premier qu'il était invraisemblable qu'il ait pris un tel risque avant de fuir. Et on s'est étonné que le second se soucie si peu des siens...
Une mécanique infernale, conclut Gaétan Nanchen, et qui s'auto-alimente: «Ces rejets massifs et successifs engendrent un processus de généralisation, un effet de système dans lequel l'habitude crée une logique de refus.» Une logique qui porte un nom: le racisme.
vendredi 21 octobre 2005
Pourquoi cette décision est arbitraire
Voici la libre opinion d'Innocent Naki, professeur, publiée dans 24heures le 20 octobre
L’adage africain dit: «Le lézard qui se tranche les oreilles avant de rejoindre l’arène du combat veut donner un signal clair: il sera intraitable.» Contre sa propre nature, le conseiller fédéral Christoph Blocher vient de participer à l’acceptation par le peuple suisse de la libre circulation des personnes issues des nou-veaux pays de l’Union euro-péenne.
Qui peut alors formuler la moindre protestation à Bruxelles lorsque le même Christoph Blocher propose et obtient une dégradation totale des condi-tions de vie des requérants d’asile, essentiellement issus du continent africain?
Son porteur de thé, Yvan Perrin, déclare régulièrement, en parlant de ceux qu’on appelle pompeusement «illégaux», que «leur simple présence sur le territoire suisse constitue en soi un délit».
Parlons-en, justement.
Pour se rendre dans un pays africain, le citoyen helvétique, dans la majeure partie des cas, obtient le visa demandé, par voie postale, bien collé dans son passeport. Il en est de même pour l’Américain ou le Canadien, pour me limiter à ces deux exemples, qui veut se rendre en Suisse.
A l’inverse, il est absolument impossible, pour le ressortissant africain qui a des raisons tout aussi valables de venir ici, quelle que soit sa situation financière ou son niveau de formation, de pouvoir obtenir le moindre visa.
Ma propre expérience justi-fie mes affirmations. Le visa me fut refusé à trois reprises alors que je remplissais toutes les conditions que m’avait fixées l’ambassade de Suisse en Côte d’Ivoire.
Peut-on décemment traiter d’illégales ces personnes qui n’ont aucune autre possibilité que la voie détournée? Qu’un Américain qui, pour une raison ou pour une autre, n’a pas envie de prendre un visa et se cache dans la soute d’atterris-age d’un avion se fasse traiter d’illégal et expulser manu militari me semble juste, parce qu’il a le choix. Mais qu’un Ivoirien, un Malien, un Congolais, un Burkinabé subisse des violences en tout genre pour avoir emprunté la seule voie qui lui reste me semble très arbitraire.
L’UDC blochérienne me dira qu’on ne peut pas pour autant admettre en Suisse tou-tes les misères du monde et que la Suisse a le droit de choisir ceux dont elle a besoin et de repousser les autres.
Un raisonnement partielle-ment tordu, voici pourquoi.
Nombre de pays occiden-taux, dont la Suisse, continuent d’exporter des missionnaires chrétiens vers le continent africain malgré le fait que les églises et autres cathédrales européennes attirent désor-mais leurs visiteurs, beaucoup plus pour les prouesses archi-tecturales de leurs concepteurs que pour l’attrait de l’Evangile. L’Afrique n’a pas de crise de vocation chrétienne et ces missionnaires ne sont pas pour autant repoussés.
Là encore, on me dira que l’Eglise essaie de se moquer de la charité, car ces missionnaires participent à la croissance économique du continent africain. C’est vrai. Mais le simple citoyen malien qui vient d’être violemment reconduit de Zurich et qui doit, dans son pays, végéter dans un taudis jouxtant la somptueuse villa du coopérant français, allemand ou suisse ne fait pas de distinction. La population africaine de Suisse se sent parfois incom-prise du fait d’un dialogue difficile. Des Africains bien formés et capables de se faire entendre sont pourtant systématiquement interdits d’entrer en Suisse. Même si le droit à la vie ne devrait pas être proportionnel à la taille du quotient intellectuel, une ouverture, même limitée et ponctuelle envers cette frange de Noirs, serait déjà un geste… bien notable!
«Ma propre expérience justifie mes affirmations»
L’adage africain dit: «Le lézard qui se tranche les oreilles avant de rejoindre l’arène du combat veut donner un signal clair: il sera intraitable.» Contre sa propre nature, le conseiller fédéral Christoph Blocher vient de participer à l’acceptation par le peuple suisse de la libre circulation des personnes issues des nou-veaux pays de l’Union euro-péenne.
Qui peut alors formuler la moindre protestation à Bruxelles lorsque le même Christoph Blocher propose et obtient une dégradation totale des condi-tions de vie des requérants d’asile, essentiellement issus du continent africain?
Son porteur de thé, Yvan Perrin, déclare régulièrement, en parlant de ceux qu’on appelle pompeusement «illégaux», que «leur simple présence sur le territoire suisse constitue en soi un délit».
Parlons-en, justement.
Pour se rendre dans un pays africain, le citoyen helvétique, dans la majeure partie des cas, obtient le visa demandé, par voie postale, bien collé dans son passeport. Il en est de même pour l’Américain ou le Canadien, pour me limiter à ces deux exemples, qui veut se rendre en Suisse.
A l’inverse, il est absolument impossible, pour le ressortissant africain qui a des raisons tout aussi valables de venir ici, quelle que soit sa situation financière ou son niveau de formation, de pouvoir obtenir le moindre visa.
Ma propre expérience justi-fie mes affirmations. Le visa me fut refusé à trois reprises alors que je remplissais toutes les conditions que m’avait fixées l’ambassade de Suisse en Côte d’Ivoire.
Peut-on décemment traiter d’illégales ces personnes qui n’ont aucune autre possibilité que la voie détournée? Qu’un Américain qui, pour une raison ou pour une autre, n’a pas envie de prendre un visa et se cache dans la soute d’atterris-age d’un avion se fasse traiter d’illégal et expulser manu militari me semble juste, parce qu’il a le choix. Mais qu’un Ivoirien, un Malien, un Congolais, un Burkinabé subisse des violences en tout genre pour avoir emprunté la seule voie qui lui reste me semble très arbitraire.
L’UDC blochérienne me dira qu’on ne peut pas pour autant admettre en Suisse tou-tes les misères du monde et que la Suisse a le droit de choisir ceux dont elle a besoin et de repousser les autres.
Un raisonnement partielle-ment tordu, voici pourquoi.
Nombre de pays occiden-taux, dont la Suisse, continuent d’exporter des missionnaires chrétiens vers le continent africain malgré le fait que les églises et autres cathédrales européennes attirent désor-mais leurs visiteurs, beaucoup plus pour les prouesses archi-tecturales de leurs concepteurs que pour l’attrait de l’Evangile. L’Afrique n’a pas de crise de vocation chrétienne et ces missionnaires ne sont pas pour autant repoussés.
Là encore, on me dira que l’Eglise essaie de se moquer de la charité, car ces missionnaires participent à la croissance économique du continent africain. C’est vrai. Mais le simple citoyen malien qui vient d’être violemment reconduit de Zurich et qui doit, dans son pays, végéter dans un taudis jouxtant la somptueuse villa du coopérant français, allemand ou suisse ne fait pas de distinction. La population africaine de Suisse se sent parfois incom-prise du fait d’un dialogue difficile. Des Africains bien formés et capables de se faire entendre sont pourtant systématiquement interdits d’entrer en Suisse. Même si le droit à la vie ne devrait pas être proportionnel à la taille du quotient intellectuel, une ouverture, même limitée et ponctuelle envers cette frange de Noirs, serait déjà un geste… bien notable!
«Ma propre expérience justifie mes affirmations»
jeudi 20 octobre 2005
La dignité humaine est intangible
Lors du séminaire organisé le 18 octobre dernier par la Croix-Rouge suisse (CRS) sur la question « La dignité humaine est-elle négociable ? », le durcissement de la politique de l’asile a fait l’objet de vives critiques. Les participants ont également soulevé la question de la protection des sans-papiers et des requérants d’asile.
Lire le communiqué de la Croix-Rouge
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