Photo Allenspach
La journaliste Carole Pantet a été convaincue par le pièce actuellement montée à L'Echandolle qui raconte le vécu d'un Kosovar. Lire sa critique dans 24heures.
Sublime étreinte entre art et réalité
Une décharge électrique qui laisse le spectateur sonné et hagard.
Aube noire sur la plaine des merles ne peut laisser indifférent. Quelques larmes coulent encore sur les visages quand la lumière revient. Le public sort de sa torpeur et veut croire à une fiction. Mais sur scène, Selajdin Doli est là, il salue et sourit. L’histoire qui vient d’être contée est la sienne, celle d’un résistant kosovar, contraint de quitter à contrecoeur sa terre pour sauver son enfant handicapé à la nais-sance (lire 24 heures du 24 octo-bre). L’adaptation théâtrale du poé-tique livre-témoignage d’Anne Lise Thurler est une réussite. La mise en scène n’y est pas pour rien. La Lausannoise Isabelle Bonillo déploie avec génie sa débrouillardise pour passer outre les contraintes financières. Avec elle, le dépouillement de-vient un formidable atout scéni-que. Les seuls habits de ce récit de vie: des caisses vides d’eau minérale, des lampes et des chif-fons. Mais ces «trois bouts de ficelle» suffisent à transporter le public dans une vie d’horreur, de colère et de bonheur. Dans une valse étourdissante, les caisses se font tour à tour prison, caves, tribunaux ou montagnes infran-chissables. La force du spectacle réside aussi dans l’excellente adapta-tion du texte. Du roman à la scène, le récit a gardé sa poly-phonie. La parole circule avec fluidité entre Selajdin Doli et l’acteur qui le campe avec fou-gue (Olivier Sidore). Délicate-ment, le spectacle naît en alba-nais dans la bouche de Selajdin. Puis c’est toute une vie qui défile passant par la douceur de l’en-fance, la résistance, la fuite à travers l’Italie et la frustration destructrice de la guerre vécue depuis un canapé en Suisse. Le rythme de narration s’emballe, puis s’éteint. Selajdin reprend finalement le récit en main et la réalité de son destin surpasse l’art. Voyeurisme ou huma-nisme? Qu’importe. En ces temps de durcissement des con-ditions d’obtention de l’asile en Suisse, il fallait frapper fort et réveiller les consciences. C’est indéniablement réussi.
CAROLE PANTET
»Aube noire sur la plaine des merles, jusqu’au 29 octobre à l’Echandole à Yverdon (loc.: 024 423 65 84) puis du 1er au 6 novembre au CPO à Lausanne (loc.: 021 616 26 72). Durée: 1h15.
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