vendredi 28 octobre 2005
Entre réinsertion et nouvel exil
Aline Andrey, dans 24heures, consacre une pleine page aux sans-papiers, en l'occurrence aux difficultés à leure retour en Amérique du Sud. Voir aussi les 5 témoignages ci-dessous
Par crainte d’un énième contrôle ou pour permettre à leurs enfants de continuer leurs études audelà de l’école obligatoire, des migrants équatoriens sont retournés dans leur pays natal. Aujourd’hui, ils vivent un nouveau processus d’intégration, non sans mal.
«Manora». Le crocodile vert peint à côté du nom du restaurant ne fait aucun doute sur le clin d’oeil à la chaîne suisse. Sauf que les grosses marmites remplacent le buffet. Au menu: soupe de poulet, riz, yucca, pommes de terre et viande. Comme partout ailleurs en Equateur. «Ce nom, c’est un souvenir de Suisse, dit en souriant Jorge. Nous allions beaucoup là-bas…» Après cinq ans passés à travailler dans la construction, il est rentré au pays avec son épouse Graziella et leurs deux filles, pour que ces der-nières puissent continuer d’étudier (en Suisse, les portes de la formation ou de l’apprentissage se ferment après l’école obligatoire). Les éco-nomies engrangées, à force de sacrifices, leur ont permis d’ouvrir leur restaurant et d’acheter une maison. Ils gagnent, aujourd’hui, environ 150 dollars par mois en travaillant tous les jours dans le vacarme et la chaleur du centre-ville de Santo Domingo, situé entre les Andes et l’océan. Un salaire moyen en Equateur, qui ne permet pas de faire face au coût de la vie; un montant moins élevé que celui envoyé mensuellement par les migrants à leurs familles restées au pays ( lire encadré). «Il n’y a pas de travail en Equateur, et pour ceux qui en ont un, les salaires sont trop bas, relève Graziella. Il reste donc deux choix: pour le plus pauvre, de devenir délinquant; et pour la classe moyenne, de migrer.»
Des liens forts avec le canton de Vaud
Jorge, Graziella, mais aussi Mauri, Bexsy, Geovanny, Pi-lar*, Silvia, Carlos ou Victor* font partie des 2 millions d’Equatoriens qui ont pris le chemin de l’exil ces dix dernières années (environ 15% des 13 millions d’habitants que compte le pays). Ils font également partie de ses 4000 à 5000 Equatoriens qui vivent dans le canton de Vaud; 95% sans statut légal. Un nombre qui a généré l’ouverture d’un consulat à Lausanne en septembre 2003. Et qui explique également que les migrants rencontrés aient encore tous des amis ou de la famille dans le canton, ceux-là mêmes qui les ont soutenus à leur arrivée en Suisse. Une migration toujours motivée par le rêve d’un avenir meilleur. Quelle que soit son coût: des conditions de vie précaires qui se mêlent à l’aléatoire des contrôles de police et de leurs conséquen-ces. «J’ai eu des problèmes de vision et des allergies là-bas, à cause du stress: j’ai été contrôlée 8 fois en cinq ans, et nous avons vécu dans 18 apparte-ments différents, raconte Pilar*, en montrant ses photos de Suisse. J’envoyais de l’argent ici pour mes enfants. Je me faisais beaucoup de soucis pour eux. Aujourd’hui, notre situation est moins bonne qu’avant la migration; mes illusions et mes rêves se sont éteints.»
Une réintégration difficile
De retour sur leur terre na-tale, peu ont retrouvé un em-ploi. Les femmes encore moins. Une situation qui met en péril l’égalité que plusieurs couples disent avoir acquise lors de l’expérience migra-toire. Tous relèvent également les difficultés à se réadapter à la nourriture, au climat, à l’environnement, à la circulation chaotique, au bruit, à la bureaucratie et à la délinquance (plus de 70 bandes organisées ont été dénombrées dans un quartier sud de Quito). Tous regrettent la tranquillité et l’ordre de la Suisse; cela malgré les difficultés rencontrées sur place. Et beaucoup avouent leur rêve d’y retourner.
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