vendredi 9 décembre 2005
Le purgatoire à requérants se heurte à des oppositions
Mickael Rodriguez dans le Courrier et La Liberté revient sur les réactions dans les cantons à la prolongation de la durée de "séjour" dans les centres d'enregistrement.
La Confédération veut augmenter la durée maximale de séjour dans les centres d'enregistrement. Colère sur le terrain, et réticences du Conseil d'Etat.
Confiner les requérants d'asile jusqu'à deux mois dans un centre d'enregistrement? Cette mesure, proposée par le Conseil fédéral afin d'accélérer les procédures d'asile, est très mal reçue sur le terrain. Pour les professionnels apportant un soutien juridique ou moral aux requérants placés au centre de Vallorbe, il s'agit là d'une atteinte supplémentaire à leur liberté de mouvement. «Le régime de vie prévalant dans les centres d'enregistrement présente beaucoup de similitudes avec un régime carcéral en raison du contrôle quotidien exercé sur les requérants d'asile», n'hésite pas à affirmer le Service d'aide juridique aux exilés (SAJE) dans sa réponse à la consultation fédérale.
«Normaliser l'anormal»
Le SAJE estime en outre que l'allongement proposé de la durée de séjour irait à l'encontre de la mission des centres. A l'origine, les centres d'enregistrement ont en effet été conçus pour servir de premiers points de chute aux candidats à l'asile. Ces derniers devaient n'y passer que quelques jours, le temps de se faire enregistrer et de passer une première audition sommaire. Mais la durée de séjour s'est peu à peu étendue pour atteindre fréquemment le maximum de 30 jours fixé dans l'ordonnance. Et la Confédération envisage maintenant de porter ce plafond à 60 jours, avec l'objectif de boucler deux tiers des procédures avant la sortie du centre.
Pour Hélène Küng, aumônière protestante au centre de Vallorbe, ce projet revient à «normaliser quelque chose qui n'est pas normal. Lorsque le séjour dure plus de deux à trois semaines, de nombreuses personnes perdent goût à tout, se renferment, perdent l'appétit, le sommeil». Dans les centres d'enregistrement, l'encadrement se résume au volet sécuritaire. A Vallorbe par exemple, il n'y a ni assistant social ni personnel médical. Les requérants souffrant d'un problème de santé doivent s'adresser aux employés d'une entreprise privée de maintenance, qui s'occupent de nettoyer le centre et de préparer les repas. C'est à eux que revient la responsabilité d'apprécier la situation et d'alerter au besoin l'Office fédéral des migrations, qui décide de l'opportunité de consulter un médecin ou de conduire le patient à l'hôpital.
Le centre de Vallorbe n'offre en outre pas la possibilité aux familles de loger ensemble - officiellement par manque de place. Pourtant, Hélène Küng constate qu'«il y aurait la possibilité de desserrer les gens, mais pour l'instant, cela ne se fait pas. Il y a des locaux disponibles, qui ne sont pas utilisés pour des raisons pratiques et d'économie».
Crainte pour les familles
Dans sa réponse à la consultation, le Conseil d'Etat vaudois se montre lui aussi préoccupé par le sort réservé aux familles. S'il se déclare ouvert à l'allongement de la durée de séjour dans les centres, le gouvernement cantonal estime que cette mesure doit s'accompagner d'une amélioration des conditions de vie et d'encadrement. «En particulier, le Conseil d'Etat souhaite rendre l'autorité fédérale attentive au fait qu'une absence de scolarisation des enfants pendant une aussi longue période ne saurait être envisagée», souligne-t-il. L'accès à une assistance juridique s'avère également problématique. A Vallorbe, il n'est guère facile de trouver un avocat. Le SAJE y tient une permanence, mais l'équipe - deux employées à temps partiels et huit bénévoles - est déjà surchargée. Avec l'augmentation du nombre de décisions rendues pendant le séjour au centre, Chantal Varrin, directrice du SAJE, s'attend à un accroissement proportionnel des consultations. I
Dans les centres d'enregistrement comme Vallorbe, l'encadrement se résume au volet sécuritaire.
Sur ce sujet lire le texte complet de la prise de position du SAJE
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