En première page du Courrier, Didier Estoppey consacre son éditorial à la révision de la loi sur l'asile:
lls ont osé. En dépit des protestations et des mises en garde émanant de tout ce que le pays compte d'organisations actives auprès des réfugiés, nos élus viennent de mettre la dernière main à toute une série de durcissements du droit d'asile.
Le Conseil national s'est ainsi rallié, sur pratiquement tous les points, aux décisions prises en mars dernier par le Conseil des Etats, avec Christoph Blocher dans le rôle du souffleur. Seule exception notoire: l'aide minimale d'urgence, coupée par les sénateurs aux requérants déboutés, a été maintenue par le National. Une mansuétude sans surprise après un verdict sans appel du Tribunal fédéral, survenu au lendemain du vote aux Etats.
Pour le reste, c'est la politique du pire qui sera désormais réservée à celles et ceux qui auront l'audace de continuer à venir chercher asile en Suisse. Plus d'entrée en matière sans passeport dûment estampillé. Plus d'aide sociale aux déboutés (comme c'est d'ores et déjà le cas pour les requérants frappés de non-entrée en matière). Pas d'admission humanitaire non plus pour les refusés de l'asile dont le renvoi se révèle non exigible. Et pour couronner le tout, des durées de détention portées à deux ans en vue du renvoi. Sans parler de périmètres d'exclusion qui pourront être prononcés contre tous les étrangers ne respectant pas une décision de renvoi. Qui avait, déjà, parlé de libre circulation?
Les débats au National ont montré à quel point ces durcissements se nourrissent de mensonges et d'ignorance. L'écologiste genevois Ueli Leuenberger a ainsi rappelé que, il n'y a pas si longtemps, l'Office fédéral des réfugiés multipliait les refus d'asile pour les requérants se présentant avec un passeport, au motif que le fait d'en posséder un prouvait qu'ils n'étaient pas persécutés... On a aussi entendu l'UDC argovien Luzi Stamm prétendre que l'ensemble des requérants frappés de non-entrée en matière sont partis depuis que l'aide sociale leur a été retirée. Alors que plusieurs rapports de monitoring prouvent le contraire.
Il y a pire: le fait que nos plus hautes autorités soient désormais prêtes, en toute connaissance de cause, à violer les engagements internationaux pris par la Suisse, comme l'a rappelé hier le Haut-Commissariat aux réfugiés. Des violations qui trouvent leur pendant dans la procédure imposée aux Chambres par Christoph Blocher, comme dans le climat dictatorial qui sévit désormais au Parlement. Un élu préférant ne pas être cité, dénonçant un «complot entre UDC, radicaux et PDC», nous confiait hier que les voix discordantes ont été vivement enjointes à ne pas se faire entendre au sein du groupe radical...
Ceux qui veulent continuer à croire à un minimum de dignité préparent d'ores et déjà activement le référendum. Avec la crainte de courir à l'échec devant le peuple. Mais face à tant d'ignominie, il est impossible de ne pas se battre. Même si le chemin pour remonter à la lumière sera plus long que celui suivi par ce pays et sa prétendue tradition humanitaire dans leur descente aux enfers.
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