Lire l'éditorial de Didier Estoppey dans Le Courrier
Christoph Blocher et ses sbires fanfaronnent: les demandes d'asile déposées l'an dernier en Suisse atteignent leur plus pas niveau depuis près de vingt ans (notre édition d'hier). Une baisse que l'Office fédéral des migrations (ODM) attribue aux mesures dissuasives mises en place par le conseiller fédéral.
Il convient d'abord de rendre à une autre candidate à l'asile politique, évincée par le tribun zurichois, ce qui lui revient: c'est la conseillère fédérale démocrate-chrétienne Ruth Metzler qui avait mis en place les mesures privant d'aide sociale les requérants frappés de non entrée en matière (NEM), dont s'enorgueillit désormais son successeur de l'UDC.
Reste la question essentielle: le lien entre ces mesures dissuasives et la baisse des demandes est-il aussi direct que le prétend l'ODM? L'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) met fortement en doute cette assertion. D'abord parce que cette diminution des requêtes est un phénomène général dans une Europe qui se barricade, même si la baisse (29,4%) est particulièrement marquée en Suisse. La relative stabilisation de la situation politique dans les Balkans et en Turquie, premières régions de provenance de requérants qui ont souvent en Suisse des liens familiaux, peuvent toutefois largement expliquer cette situation.
Mais aussi parce que les migrations ont toujours suivi une dynamique qui leur est propre. L'exemple des Pays-Bas brandi par l'ODM (+38,7% de requêtes en 2005) fait sourire Yann Golay, porte-parole de l'OSAR: «Les Pays-Bas ont précisément servi de modèle à la Suisse pour durcir sa loi. Après une diminution des demandes dans un premier temps, ils font face aujourd'hui à une nouvelle augmentation. La Suisse peut, elle aussi, s'attendre à un retour de balancier...» Et même si les mesures prises par la Confédération ont certainement contribué à la baisse des demandes d'asile, admet Yann Golay, «c'est au prix de telles atteintes aux droits fondamentaux qu'il n'y a pas lieu d'en être fier».
On est d'ailleurs un peu surpris d'apprendre que le but des mesures prises contre les requérants estampillés NEM est de dissuader les candidats à l'asile en Suisse... A l'origine, ce durcissement avait été présenté comme visant à faire déguerpir ceux qui n'ont rien à faire dans nos vertes prairies. Or, là aussi, on baigne dans le flou le plus total, malgré cinq «rapports de monitoring» publiés sur la question par l'ODM. Les chiffres publiés montrent certes une diminution du temps de séjour depuis que l'on a coupé l'aide sociale aux «NEM». Mais les statistiques ne prennent en compte que ceux qui osent encore prétendre à l'aide minimale d'urgence, malgré le harcèlement auquel ils sont soumis dans de nombreux cantons. Jeudi, on apprenait d'ailleurs que, alors que 3000 déboutés de l'asile ont effectivement quitté la Suisse, ont compte aussi plus de 6000 «départs non officiels». Lisez 6000 nouveaux clandestins continuant à chercher survie en Suisse, grâce à cette usine à sans-papiers qu'est devenue notre politique d'asile.
L'ODM ne s'en glorifie pas moins du fait que les «vrais réfugiés» peuvent continuer à venir frapper à nos portes. Entre admissions statutaires et provisoires, plus de 50% des demandes traitées l'an dernier ont été acceptées. La Serbie-Monténégro, la Turquie, la Somalie, l'Irak et la Russie sont, dans l'ordre, les cinq premiers pays de provenance des requérants arrivés en Suisse en 2005. On se demande dès lors pourquoi la nouvelle Loi sur l'asile, en voie d'être attaquée par référendum, a été construite comme si tout requérant était un dealer potentiel, ou en tous les cas un abuseur en puissance, généralement originaire d'Afrique de l'Ouest.
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