jeudi 3 décembre 2009

Les éditos des journalistes de la rsr

Ce n’est pas la faute du peuple !

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Jean-Marc Béguin

On entend, et on lit, déjà les proses de beaux esprits démocrates qui n’acceptent pas la voix du peuple. Et qui remettent en cause le périmètre de la démocratie directe. Le peuple ne serait pas assez mûr, pas assez serein, trop manipulable pour se prononcer sur des sujets de société comme les minarets ou l’internement à vie. Allons donc. Quelle arrogance élitiste ! Là n’est pas le problème.

Le problème, et il bien réel, est dans la faiblesse du Conseil fédéral et du Parlement, dans son manque de courage et de discernement. Si comme tout le monde semble le dire aujourd’hui l’interdiction des minarets est contraire à la convention des droits de l’homme et à d’autres textes internationaux, alors il fallait l’invalider et ne pas la soumettre au peuple. Les autorités n’ont pas eu cette lueur de pertinence. Pensant - quelle erreur ! - que le peuple rejetterait ce texte et ainsi ni vu, ni connu, que nous aurions échappé à la vindicte de l’UDC ! Que nenni !

Mais vouloir restreindre les droits populaires parce que le Conseil fédéral et le Parlement se sont couchés, ce n’est pas sérieux. Il faut assumer maintenant ce vote. Mettre aussi l’UDC devant ses responsabilités. On entend déjà ses hurlements satisfaits quand les juges étrangers condamneront la Suisse. Ce sera hélas une deuxième victoire pour l’UDC.
Il faudra pourtant avoir le courage de dire, si la Cour européenne des droits de l’homme l’exige, que cet article constitutionnel ne pourra pas être appliqué. Et que l’on a berné le peuple en lui posant la question. Parce que les droits de l’homme et le droit international s’imposent à tous. Sinon, c’est la démocratie que l’on sacrifie.
Jean-Marc Béguin

Et maintenant, la libre circulation !

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Pierre-Han Choffat

Etre en phase avec les préoccupations des citoyens. Voilà la recette. Il y a eu les frontaliers et le succès du MCG. Il y a maintenant l’interdiction des minarets. Et il y aura peut-être demain la libre circulation des personnes. Etre en phase avec les préoccupations des citoyens, donc.

Sauf que c’est une façon bien angélique de voir les choses. Jouer avec les peurs, les attiser même. Voilà qui est bien plus proche de la vérité.

La stratégie de la peur pour affirmer ensuite qu’on est les seuls à comprendre le peuple. Et donc gagner des électeurs. Mais en terme de solution aux problèmes stigmatisés, vous pouvez toujours repasser.

Pour les minarets, le mal est fait. Mais n’en arrivons pas là avec la libre circulation. Dénoncer l’accord pour le renégocier n’est tout simplement pas réaliste. Cette position n’est pas crédible. Mais elle parle une nouvelle fois aux tripes de citoyens inquiets de voir des travailleurs européens débouler en Suisse alors que le chômage grimpe inexorablement. Il faut donc contrer. Ne pas laisser s’instiller le doute. A cet égard les prises de position de Micheline Calmy-Rey et de Doris Leuthard sont réjouissantes.

L’injonction aux employeurs de recruter d’abord parmi les travailleurs installés en Suisse n’a rien à voir avec un retour au protectionnisme. C’est juste un appel moral, c’est souligner que l’autorité entend les craintes de la population. La volonté de revoir l’accès aux prestations de l’assurance chômage, c’est dire que l’autorité veut trouver des solutions pragmatiques. Il faut y aller. En faire plus. Renforcer les contrôles. Tout pour éviter de casser ce système qui a permis de créer des milliers d’emploi. Cela aussi, et surtout, c’est parler aux préoccupations des citoyens.

Pierre-Han Choffat

Minarets: le prix de la peur

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Nicole Lamon

Les Suisses ont peur de la différence. Pour n’avoir pas pris le pouls de cette crainte, nos autorités se retrouvent plongées dans un double cauchemar.

Cauchemar national tout d’abord.

En voulant interdire la construction des minarets, les citoyens ont voulu sanctionner la communauté musulmane, ses manifestations visuelles, en un mot sa différence.

Grands spécialistes du réduit national, démocrates jusqu’à la moëlle, tolérants tant qu’on ne marche pas sur leur drapeau, les Suisses peinent à dire oui à l’Autre.

Et l’Autre, c’est l’étranger dans les années 1970, c’est l’Européen de l’EEE en 1992, c’est l’immigré de longue date quand on dit NON aux naturalisations facilitées, et aujourd’hui, c’est donc LE musulman.

Légitime, la peur de la sharia, de la burka, du retour à une société machiste ont cabré les Suisses. Aux élus fédéraux de lancer une politique d’intégration nationale, et de cesser d’attendre que chaque petite commune règle son problème particulier.

Mais le cauchemar est aussi international. Les réactions indignées et les représailles économiques vont parachever l’annus horribilis de la politique extérieure de la Suisse. Au Conseil fédéral de se muer en grand communicateur, et de motiver son réseau d’ambassadeurs à sortir de sa réserve. Si elle veut rester un partenaire fiable aux niveaux économique, politique mais aussi culturel et touristique, la Suisse des officiels doit se lancer dans une croisade d’explications qui pourrait durer plusieurs mois.

Nicole Lamon

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