PARIS — Dans le cadre de la lutte contre l'immigration clandestine, Eric Besson entend s'attaquer à ce qu'il appelle un "supermarché de l'asile en Europe", s'attirant les critiques des associations qui l'accusent de vouloir décourager les réfugiés d'arriver en France.
Pour le ministre qui s'exprimait au retour d'un voyage dans les Balkans, de lundi à mercredi, "il y a une montée évidente de candidats à l'émigration qui, tactiquement, passent par le droit d'asile". "Si on veut défendre cette tradition (du droit d'asile, ndlr), on ne peut pas accepter cette dérive", a-t-il déclaré à un journaliste de l'AFP.
"En mettant fin au supermarché de l'asile en Europe, nous protègerons mieux les personnes persécutées et nous lutterons plus efficacement contre les filières d'immigration clandestine", a dit M. Besson.
Observant qu'il y a une "très forte croissance de la demande" d'asile et une "croissance du détournement de la procédure", le ministre a affirmé: "c'est une catastrophe absolue pour la tradition d'asile et pour l'espace Schengen" de libre circulation au sein de l'Union européenne.
"L'Ofpra (Office de protection des réfugiés et apatrides) et la CNDA (commission nationale du droit d'asile) sont bien armés, si tel était le cas, pour parer à d'éventuelles fraudes", a répondu France Terre d'Asile (FTA).
Mercredi à Pristina, M. Besson ne s'est pas privé d'exprimer son sentiment devant les autorités du Kosovo lors de la signature d'un accord de "réadmission" des ressortissants de ce pays en situation irrégulière en France.
Le ministre n'envisage pas une modification immédiate de la loi. Mais "ce n'est pas un engagement pour l'avenir" en raison d'une croissance constante de la demande, prévient-il.
Avec 42.599 demandes déposées en 2008, soit une hausse de 19,9% par rapport à 2007, la France est redevenue en 2008 la première destination des demandeurs dans l'Union européenne, selon l'Ofpra.
En deuxième position, la Grande Bretagne a reçu 25.930 demandes qui se sont traduites par 7.3OO réponses favorables.
Se réappropriant l'argument du "détournement" utilisé par M. Besson, l'ONG Amnesty International accuse le ministre de vouloir "détourner" les réfugiés en les empêchant d'arriver dans un pays de l'UE pour y déposer leur demande d'asile.
M. Besson "est le champion de la défense de Frontex (l'agence européenne de surveillance des frontières); il cherche à détourner les demandeurs d'asile" grâce à des contrôles au plus près des pays de départ ou de passage (Libye, Maroc, Mauritanie) pour que les refoulements soient de plus en plus en efficaces", a-t-elle dit.
"Il est de plus en plus difficile d'arriver à la procédure d'asile" parce que "des systèmes dissuasifs sont mis en place" aux frontières, a confirmé de son côté le directeur général de France Terre d'Asile (FTA), Pierre Henry.
Pour lui, la tentation de contourner la loi résulte de la fermeture des voies d'immigration régulière qui s'est traduite en 2008 par près de 30.000 reconduites à la frontière, un chiffre supérieur à l'objectif gouvernemental de 26.000.
Selon M. Henry, "il en va ainsi: plus vous bloquez le guichet de l'émigration régulière et économique plus il y aura des stratégies de contournement".
Pour illustrer son propos, il remonte aux années où des dictatures sévissaient encore en Europe (Espagne, Grèce, Portugal) sans provoquer d'importants flux des réfugiés.
Entre 1954 et 1974, le nombre de demandeurs d'asile était en moyenne de 5.O00. Les ressortissants de ces pays "ne prenaient pas le chemin du contournement" de la procédure "parce qu'il y avait l'émigration économique", dit-il.
Par ailleurs, Eric Besson a annoncé que les deux premières cartes de résident de 10 ans seront prochainement remises à deux ex-prostituées moldaves qui ont coopéré avec la police et témoigné lors du procès de la filière qui les a exploitées.
"J'ai demandé à la préfecture de police de leur délivrer dans les meilleurs délais possibles une carte de résident de 10 ans", a déclaré le ministre, saluant leur "courage" dans les locaux parisiens de l'Equipe d'action contre le proxénétisme (EACP), l'association qui les a soutenues.
Ces titres de long séjour rentrent dans le cadre de la circulaire du 5 février 2009 qui permet d'attribuer des cartes de séjour d'un an renouvelable pour les victimes des réseaux de traite humaine qui dénoncent à la police ceux qui les ont exploitées. Une carte de 10 ans est délivrée en cas de condamnation définitive.
"La circulaire n'était pas appliquée", a-t-on reconnu au ministère, ce qui explique que peu de femmes exploitées se soient insérées dans ce dispositif.
Des deux femmes, une seule était présente. Elle a expliqué son parcours, difficile même après sa sortie du réseau de proxénétisme. "J'ai témoigné (au procès), j'ai été très choquée que le proxénète ne prenne pas une grande peine de prison", a raconté Katia (le prénom a été modifié), 30 ans.
Selon l'avocat de l'EACP, la tête du réseau, qui achetait les jeunes femmes environ 3.000 euros et les revendait plusieurs fois, a été condamné en correctionnelle à 6 ans d'emprisonnement et a été libéré à mi-peine et expulsé.
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