mercredi 10 novembre 2010

Réflexions à propos des votations du 28/11

Johan Rochel et Josiane Aubert sont les deux invités de la rubrique Opinion du 24 Heures, dans laquelle ils livrent leurs réflexions sur les votations du 28 novembre prochain.

Aux urnes, patriotes: l’avenir du pays est en jeu!

johan rochelLoin d’offrir une plate-forme adéquate, la discussion actuelle sur l’initiative des «moutons noirs» est menée à coups d’arguments juridiques, assénés comme autant de vérités inébranlables. La qualité du débat politique ne profite pas de ce recours constant à des règles prétendues immuables. Par son vote sanction, le citoyen veut alors montrer qu’il est au-dessus de ces règles. Plus que jamais, il importe donc de retourner au cœur de ces principes, afin de nous convaincre que l’initiative de l’UDC menace nos valeurs les plus profondes et nos intérêts les plus directs.

Que signifie, par exemple, le principe de proportionnalité, et pourquoi pourrait-il empêcher l’expulsion d’un étranger criminel? Très concrètement, il signifie que n’importe quelle action de l’Etat doit chercher le meilleur équilibre entre un but légitime à atteindre (la sécurité de tous) et les moyens pour y parvenir. Ce principe ne prescrit aucun résultat! Il exige simplement que tous les éléments en présence soient pris en compte au moment de décider. En ordonnant un renvoi automatique, l’initiative exclut toute marge de manœuvre. La mère de famille avec enfants à charge sera renvoyée exactement de la même façon que le jeune homme de 19 ans. Cela est-il compatible avec notre conception de la justice?

De manière similaire, le droit international est de plus en plus présenté comme un élément étranger, imposé d’ailleurs. Il devient urgent de se rappeler pourquoi nous avons souscrit démocratiquement à ces engagements. En ordonnant le renvoi, quelle que soit la situation dans le pays, l’initiative entre en conflit direct avec le principe de non-refoulement. La Suisse devrait-elle renvoyer vers son pays une mère de famille ayant perçu abusivement de l’aide sociale, si elle est menacée de torture? L’initiative répond oui à cette question: le renvoi est automatique, traitements inhumains ou pas. Le respect de la dignité humaine nous empêche pourtant de renvoyer quelqu’un vers la torture. Loin d’être une obligation imposée à la Suisse, voilà l’expression de nos principes éthiques les plus profonds!

Il en va de même pour notre accord avec l’UE sur la libre circulation des personnes. En confirmant démocratiquement par trois fois cet accord, nous avons pris un engagement: le renvoi d’un ressortissant européen n’est possible que si la personne met véritablement en danger la société et que le principe de proportionnalité est respecté. Ces deux conditions ne peuvent être remplies par l’initiative UDC. L’initiative entre donc en confrontation directe avec cet accord et avec nos choix démocratiques. Cela pourrait mettre la Suisse dans une position très inconfortable à Bruxelles, avec désavantages économiques majeurs à la clé!

Que les patriotes se mobilisent pour aller aux urnes: il faut repousser vigoureusement une initiative contraire à nos principes et dangereuse pour nos intérêts.


Le piège trop bien connu du bouc émissaire

josiane aubertLes assauts continus contre l’Etat social créent une situation d’insécurité. AVS, chômage, AI, 2e pilier sont soumis à des diminutions de prestations par une droite musclée qui vole au secours des grandes banques sans leur demander de comptes, refuse toute règlementation de la finance ou des salaires des grands managers, accepte sans sourciller une flexibilisation accrue des conditions de travail, parle de caisses vides de l’Etat et de projets d’économie.

Pour endormir le bon peuple pendant que ces basses œuvres sont entreprises, offrons-lui des boucs émissaires! La méthode ne date pas d’hier: Juifs dans les années 30, Italiens et Espagnols dans les années 70 avec les initiatives Schwarzenbach, musulmans en 2009 et, en 2010, criminels étrangers ici ou Roms en France. Ne soyons pas dupes!

Les crimes doivent être punis. Mais, si l’on considère les individus comme égaux, on ne peut pas appliquer pour le même crime un droit différent parce qu’un individu est de nationalité différente. Développer un droit parallèle basé sur la nationalité est inadmissible, je voterai deux fois non. Seule concession: préférer le contre-projet dans la question subsidiaire, pour le cas où les deux projets devraient être acceptés, permet d’assurer que chaque crime sera jugé pour lui-même.

L’initiative dite «des moutons noirs» a été l’instrument de campagne de l’UDC lors des élections fédérales 2007. Depuis, les responsables de la crise financière s’en sont sortis sans grand dommage, mais l’Etat social reste attaqué!

Les assurances sociales permettent à chacun de vivre décemment lorsque l’âge, un accident, une maladie, une invalidité, ou encore un manque d’emploi ne lui permet plus de travailler. Elles contribuent à une meilleure répartition des revenus et développent la solidarité, dans le respect de la dignité et de la liberté. L’Etat doit garantir un financement pérenne des assurances sociales, et assumer ses tâches, aussi par des rentrées fiscales justes et équitables.

C’est là qu’intervient l’initiative fiscale touchant ceux qui déclarent 250 000 fr. de revenu imposable par an, ou une fortune imposable de plus de 2 millions. Elle vise à stopper les abus de la concurrence fiscale entre les cantons et les communes qui se disputent les multimillionnaires à coups de cadeaux fiscaux, entraînant des pertes de recettes dont les revenus inférieurs paient la facture; elle veut aussi en finir avec des taxations dégressives absurdes et assurer plus de justice entre les revenus élevés et ceux qui le sont moins, entre les cantons et les communes; la spirale de la sous- enchère fiscale sera interrompue.

En 2004, 4% des contribuables détenaient 54,5% des richesses, mais depuis quinze ans le pouvoir d’achat des bas et moyens revenus n’a fait que baisser, et les conditions de travail se précarisent: le nombre de travailleurs intérimaires a passé de 70 000 à 210 000 personnes…

Ne nous trompons pas de combat, votons pour plus de justice et de solidarité.

Tiré de 24 Heures

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