Révérien Rurangwa, miraculé du génocide rwandais, obtient enfin un permis B humanitaire.
La nouvelle s'est répandue hier comme une traînée de poudre parmi les défenseurs des migrants. Révérien Rurangwa, qui réside à Neuchâtel, peut enfin bénéficier d'un permis B humanitaire. Ce miraculé du génocide rwandais de 1994 voit ainsi s'achever un long combat pour que l'administration fédérale lui procure un droit de séjour durable et lui redonne sa liberté de mouvement. Tout le monde se réjouit de l'issue de cette affaire. En particulier le conseiller aux Etats neuchâtelois Didier Berberat, qui constate que l'Office fédéral des migrations a attendu l'échéance légale de cinq ans de séjour pour octroyer le permis. En l'espèce, ce formalisme a tout de même fait traîner les choses un peu trop longtemps, a estimé le parlementaire socialiste sur les ondes de la radio neuchâteloise.
Michel Gakuba, président de l'association Ibuka Suisse, qui aide les survivants du génocide rwandais, est aussi heureux pour son compatriote. «Mieux vaut tard que jamais, indique-t-il. Nous sommes encore intervenus en faveur de Révérien en avril dernier, à l'occasion du 16e anniversaire du génocide. Cette procédure était la seule possible, vu que sa demande d'asile risquait d'être rejetée faute d'éléments suffisants. Vous savez, Révérien était condamné à vivre dans une situation de quasi-clandestinité. Il devait toujours recourir à un tiers, ne serait-ce que pour téléphoner.»
Avril 1994: comme les autres Tutsis, Révérien Rurangwa, alors âgé de 15 ans, est victime de la pire vague de massacres qu'ait connu le Rwanda. Il perd 43 membres de sa famille et doit son salut personnel à l'organisation Sentinelles pour être évacué, d'abord à Bruxelles, puis en Suisse où il dépose une première demande d'asile. Il n'arrive pas indemne: les massacres lui ont fait perdre un bras et un oeil, et son corps est aujourd'hui couturé de cicatrices. Il aboutit à La Vue-des-Alpes, où un hôtelier le prend sous son aile. Révérien Rurangwa retourne au Rwanda deux ans plus tard, mais fuit à nouveau son pays sous la menace de ses anciens tortionnaires qu'il a dénoncés. De retour en Suisse en 2000, il y dépose une nouvelle demande d'asile, rejetée en 2006. Il publie la même année un livre, Génocidé, où il raconte son histoire poignante. Ce qui lui vaut une très grande célébrité. Deux chaînes françaises de télévision l'invitent sur leur plateau littéraire, et les membres neuchâtelois du parlement, tous partis confondus, se mobilisent aux côtés de son avocate et de nombreux amis. Le statut de Révérien Rurangwa était alors particulier. Au bénéfice d'une admission provisoire, il ne risquait pas d'être renvoyé tant qu'il était en procédure. Il était par contre astreint à rester en Suisse, ne pouvant ainsi pas honorer les nombreuses invitations que les médias étrangers lui adressaient. Le jeune Rwandais a toujours manifesté sa détermination à s'intégrer. Son nouveau permis lui redonne une liberté de mouvement et lui facilitera l'accès à une formation et à un emploi. Et cela réjouit particulièrement Michel Gakuba.
Philippe Chopard dans le Courrier
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