Sur les 3,9 millions de tous-ménages envoyés cet été, 70 000 réponses sont revenues. Mais elles ne sont pas représentatives.
Hier, à Berne, Toni Brunner affichait une mine réjouie. Le président de l’UDC s’est félicité du «succès remporté par le grand sondage lancé cet été». Rappelez-vous: fin juillet, le parti envoyait un questionnaire de 24 pages sur la politique d’immigration aux 3,9 millions de ménages du pays. Présentés hier, les résultats indiquent que les sondés souhaitent un durcissement de la politique d’asile. Mais, pour les experts et les partis politiques, la démarche de l’UDC est «truffée d’erreurs» et «aucunement représentative de la population».
L’UDC a reçu 70 123 réponses. 55,1% d’entre elles ont été renvoyées par courrier et 44,9% ont été enregistrées sur internet. «C’est plus que ce que nous attendions, constate Toni Brunner. Et les résultats confirment nos actions politiques.» Ainsi, l’initiative «Pour le renvoi des étrangers criminels» recueille 67,2% des voix. 63,9% des réponses signalent qu’il faudrait également expulser systématiquement les sans-papiers. Et 63,8% seraient favorables à une naturalisation à l’essai, avec une période probatoire de cinq ans. De quoi donner des idées au parti.
Résultats «manipulés»
«Sauf que tout cela n’est guère représentatif, signale Georg Lutz, politologue à l’Université de Lausanne. Appeler ce questionnaire «sondage » est usurpé. Il n’y a aucun échantillon représentatif de la population, comme l’exigent les enquêtes scientifiques. L’information sur la provenance, l’âge ou la préférence politique des personnes n’existe pas. On peut dès lors partir du fait que les gens qui y ont répondu sont partisans de l’UDC. Ces résultats ne m’étonnent pas.»
Le moins surpris est le Vert Antonio Hodgers. Pour prouver l’«absurdité» de la démarche, le conseiller national genevois a ouvert un site internet intitulé cequeludcvouscache . ch . Il y démontre que le parti a «omis» des informations et «joué avec les chiffres». «Nous avons découvert 52 manipulations, soit 14 trucages, 19 mensonges et autant d’omissions, dit-il. Les questions sont donc orientées. C’est dommage parce que le thème est important et l’UDC aurait pu réaliser une enquête sérieuse.»
Combien cela a-t-il coûté?
Même son de cloche à droite, où l’on refuse de commenter des résultats «bricolés», comme l’indique Isabelle Moret, conseillère nationale libérale-radicale (VD). «Cette démarche n’est rien d’autre qu’une façon habile de faire campagne pour les élections», ajoute Christophe Darbellay, président du PDC.
Mais combien l’opération a-t-elle coûté? «Je ne vous le dirai pas», répond fermement Toni Brunner. Les experts estiment qu’au moins 1 million a été investi. «Pour une campagne qui touche 3,9 millions de ménages, c’est rentable», sourit Georg Lutz. Si bien que même Toni Brunner a fini hier par avouer que «l’enquête n’a pas pour vocation d’être représentative», mais mobilisatrice.
Elle a ainsi permis de récolter 13 830 nouvelles propositions, dont un durcissement des interventions contre les abus dans l’asile. Ces idées seront évaluées par un groupe dans le but de lancer d’éventuelles initiatives. L’opération a aussi rapporté 1500 nouveaux membres, 200 000 francs de dons et un joli coup de pub.
Nadine Haltiner, Berne, dans le quotidien 24 Heures
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