jeudi 8 octobre 2009

Des infamies

A propos des minarets, une lettre de lecteur dans 24 Heures, signée Alain Campiotti, journaliste, Lausanne.

Oskar fait rouler son petit tambour et tout le monde bat la mesure. Dans ce pays où rôdent tous les préjugés contre les musulmans, le conseiller national UDC avance sans obstacle avec sa grande cohorte tacite. Les affiches de son mouvement contre les minarets, insultantes et odieuses, ne font pas de vagues. Et il peut, sur ce sujet, dire les pires infamies sans être contredit. Lors du congrès de son parti, samedi à Genève, le téléjournal romand lui a tendu son micro, non pas à la sauvette mais pour une déclaration face à la caméra. Oskar Freysinger a expliqué avec son bon sourire que la Suisse, aujourd’hui, est dans la même situation que l’Allemagne en 1932, à la veille de la prise du pouvoir par Adolf Hitler: «Beaucoup de juifs se disaient, ce ne sera pas si grave, on pourra vivre avec…» Vous avez bien lu, bien entendu: les Suisses sont dans la position des juifs à la veille de l’Holocauste, et les musulmans sont dans les bottes des nazis.

Que de tels propos puissent être tenus, qu’une telle campagne puisse être menée dans cette molle indifférence et sans la moindre contradiction est le signe d’un affaissement politique et moral. Ou d’une tradition helvétique désormais bien établie? Antisémitisme rampant avant la guerre, acceptation intéressée de l’abomination pendant la guerre, chapardages inqualifiables dans la poche des martyrs après la guerre… Et Oskar Freysinger ose comparer notre situation à celle des juifs? Et personne ne dit rien?

D’UBS en Kadhafi, les Suisses sont, par les temps qui courent, abreuvés de railleries et de commentaires assassins — souvent caricaturaux, injustes et mal informés. Mais tout se passe comme si le pays, avec ses Freysinger, cherchait avec entêtement à ressembler à sa caricature.

Les démocraties sont fondées sur le droit. Le droit garantit la liberté de croyance et son expression. La polémique indigne autour des minarets n’est qu’un moyen détourné pour commencer à limiter les droits des fidèles de la deuxième religion de Suisse.

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