mercredi 27 janvier 2010

Expulsé sans sa famille, mais avec des vis dans l'estomac

Nouvelle variante cynique de l’emballement de la machine à expulser, coûte que coûte : le 16 janvier dernier, un Tunisien dont la procédure d’asile était en cours d’examen a été expulsé vers la Tunisie, alors qu’il venait d’avaler des vis et des pièces de monnaie, et que le médecin de garde à qui il avait été présenté avait demandé à le revoir pour décider de l’opportunité d’une intervention chirurgicale. Un article de Anne Roy dans l'Humanité.

Originaire de Ben Guerdane en Tunisie, Ammar Lamloum avait fui son pays en 2008 et était arrivé, via l’Italie, en France, où sa femme l’avait déjà précédé, ainsi que leur enfant aujourd’hui âgé de six ans – un second, âgé de neuf mois, est né par la suite sur le sol français. M. Lamloum dépose une demande d’asile, ainsi que sa femme. C’est dans le cadre de l’examen de celle-ci qu’il est convoqué, le 4 janvier, à l’Ofpra. Au retour de cet entretien, il est arrêté sur l’autoroute près d’Évry. Contrôle routier, d’identité : M. Lamloum est placé au centre de rétention administrative de Palaiseau. Sa demande d’asile est traitée en procédure prioritaire, selon le Réseau Éducation sans frontières, qui relaie aujourd’hui son histoire. Ce qui signifie, en des termes plus crus, qu’elle n’est pas accompagnée d’une autorisation provisoire de séjour, et que M. Lamloum peut être renvoyé en Tunisie avant même le terme de la procédure. Il dépose un recours contre son arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. Rejeté. En désespoir de cause, il entame une grève de la faim quelques jours plus tard. Puis avale des pièces de monnaie et des vis pour tenter d’échapper à son expulsion. À son arrivée à l’hôpital, il passe des radios qui attestent de la présence de ces objets métalliques. Faute de chirurgien disponible, il rencontre le médecin de garde qui se refuse à décider ou non de l’opérer et demande à le revoir le lendemain matin. M. Lamloum ne reviendra jamais : il a été expulsé entre-temps avec les vis dans le ventre, au risque d’avoir l’estomac déchiré.

À son arrivée à l’aéroport de Tunis, il est interpellé par la police tunisienne, et aussitôt placé en prison – comme tous les ressortissants tunisiens expulsés par la France. « Il a pu appeler sa femme pour la prévenir de son départ, puis l’appeler à nouveau à sa descente de l’avion, pour la prévenir qu’il serait placé en détention : depuis, elle n’a plus de nouvelles », raconte Nadia Nguyen, de RESF. Depuis l’arrestation de son mari, la femme d’Ammar Lamloum vit à Lyon avec leurs deux enfants. Tous trois étaient d’ailleurs présents lors de l’arrestation. Lorsque M. Lamloum a été emmené, ils ont été tout bonnement laissés sur le bord de la route. À charge pour eux de regagner leur domicile par leurs propres moyens.

Aucun commentaire: