La mission parlementaire appelée à statuer sur le port du voile intégral renonce à son interdiction générale. Un article de Christophe Jacquet, Paris, pour 24 Heures.
La montagne n’accouche pas d’une souris, mais presque. Après sept mois de débats acharnés, la mission parlementaire «sur la pratique du port du voile intégral» a remis son rapport hier, dans une grande confusion. Plusieurs de ses membres, députés UMP, ont menacé de le rejeter, fustigeant la «demi-loi» préconisée au final. La mission propose en effet d’interdire le niqab ou la burqa, non pas dans la rue, mais uniquement dans les services publics.
La loi envisagée devrait empêcher toute personne de «dissimuler son visage» dans les administrations, les transports en commun, les hôpitaux, les écoles… Plus précisément, elle forcerait «les personnes non seulement à montrer leur visage à l’entrée du service public, mais aussi à le conserver découvert tout au long de leur présence».
Privées de prestations
Les contrevenant(e)s qui rechigneraient à tomber le voile ou le casque de moto intégral n’écoperont pas d’une amende, mais ne recevront pas «la prestation souhaitée», soit par exemple le versement des allocations ou la remise de papiers d’identité.
Pour la mission, cette proposition de loi a minima a l’avantage de pouvoir échapper à la censure du Conseil constitutionnel, car les interdits évoqués, multiples et non discriminatoires a priori, sont décidés pour des motifs d’ordre et de sécurité publics. La voie législative n’en demeure pas moins étroite. La France peut toujours se voir condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour atteinte à la liberté d’opinion, si elle ne limite pas strictement le dispositif.
La querelle juridique à venir ne freine pas pour autant les défenseurs d’une interdiction générale du voile intégral dans tout l’espace public. Le chef des députés UMP, Jean-François Copé, entend faire sa propre proposition de loi en ce sens, qui prévoit notamment des amendes.
Président de la mission, le député communiste André Gérin, qui a déclenché les hostilités depuis sa commune de Vénissieux, lui a déjà emboîté le pas dans le rapport, déterminé à faire cesser cette pratique, «fruit d’un enfermement communautariste et étendard d’un mouvement intégriste, le salafisme».
L’absence des intéressées
Embrasé en quelques jours en juin dernier, le feu n’est pas près de s’éteindre sous un phénomène encore marginal. Les renseignements généraux estiment à 400 les femmes portant le voile intégral, le gouvernement à 1900. Elles ont été absentes du débat. Aucune n’a été entendue par les députés. Pour elles, l’incompréhension demeure.
Interrogées pour un documentaire réalisé par l’Observatoire du religieux de l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence et diffusé par OummaTV*, quatre femmes voilées craignent de «rester cloîtrées». L’une va peut-être retirer le niqab parce qu’elle y est «obligée», ou alors «se cacher». Une autre n’entend pas «l’enlever si la loi passe», et aller jusque devant le Parlement européen, car «on ne peut pas nous interdire ce que l’on veut être, ce n’est pas possible». £
* www.oummatv.tv/Il-y-a-des-femmes-derriere-la
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