mercredi 27 janvier 2010

Renvoi des étrangers criminels: les partis rivalisent de propositions

Après le «syndrome minarets», le PLR et le PDC proposent chacun un contre-projet direct pour combattre l’initiative du mouton noir, tout en allant dans son sens. Une surenchère que déplore la gauche. Un article de Valérie de Graffenried dans le Temps.

Attention, vives empoignades en vue. L’initiative de l’UDC sur le renvoi des étrangers criminels, dite du mouton noir, revient sur le devant de la scène et avec elle, son lot de questions. Après le succès de l’initiative anti-minarets en novembre, le Conseil des Etats a décidé de reporter son débat sur ce texte délicat à la session de mars et a chargé sa commission des institutions politiques d’étudier son invalidation ou l’opportunité de lui accoler un contre-projet direct. Elle s’y attellera lundi. En attendant, le PLR vient de proposer son propre contre-projet direct. Et le PDC fera de même jeudi.

Voilà de quoi avoir le tournis. A vingt mois des élections fédérales, on assiste à une surenchère féroce sur un sujet qui a toujours été très porteur. Force est de constater que l’initiative de l’UDC séduit: elle est parvenue à récolter 210 000 signatures en un temps record. Ni une, ni deux, le PLR a tenté d’imposer un premier contre-projet indirect, balayé en mars, «victime d’une alliance contre-nature entre la gauche et l’UDC». «Depuis, les minarets sont passés par là. Cette fois, nous intervenons avec un contre-projet direct pour être plus efficaces. L’UDC pose la bonne question; le PLR apporte la réponse adéquate!», résume Christian Lüscher (PLR/GE).

Abus dans l’aide sociale

Pour le Conseil fédéral, l’initiative de l’UDC, même si elle pose des problèmes évidents, ne viole pas le droit impératif international, le jus cogens. A entendre Christian Lüscher, le PLR préfère contourner la question de son invalidation, «même si elle est contraire au droit international contraignant». «Ne nous cachons pas derrière des arguties juridiques», commente le Genevois. «La criminalité des étrangers est un vrai problème sur lequel le peuple doit se prononcer. Or, le texte de l’UDC, très vague et flou, pose des problèmes. Nous avons donc élaboré un catalogue de délits à inscrire dans la Constitution de meilleure qualité et plus détaillé, en respectant le jus cogens».

Si l’UDC veut priver de leur titre de séjour les auteurs de meurtre, viol, «ou tout autre délit sexuel grave» ainsi que ceux qui ont commis un acte de violence d’une autre nature tel que le brigandage, la traite des êtres humains, le trafic de drogue ou l’effraction», le PLR se veut plus précis. Il parle aussi d’assassinat, de brigandage qualifié, de prise d’otage, d’infraction grave à la loi sur les stupéfiants, d’infraction grave contre le patrimoine, d’incendie ou «toute autre infraction passible d’une peine privative de liberté d’une année au moins». Et d’expulser également tous ceux qui ont été condamnés à au moins 18 mois de prison ou une peine pécuniaire équivalente fixée par la loi.

L’UDC veut renvoyer ceux qui «ont perçu abusivement des prestations des assurances sociales ou de l’aide sociale»? Le PLR aussi. Il précise dans son texte que les étrangers sont privés de leur titre de séjour et expulsés du pays «s’il a été constaté par une décision d’entrée en force qu’ils ont commis une escroquerie ou un autre abus grave en vue de percevoir des prestations des assurances sociales ou de l’aide sociale».

Accent sur l’intégration

La proposition du PLR n’est-elle finalement pas juste un simple copier-coller de l’initiative de l’UDC, un peu mieux ficelée? Christian Lüscher s’en défend. «Notre texte apporte une sécurité juridique: il respecte la Constitution et le droit international, dont le principe du non-refoulement. Et surtout, nous insistons dans la première phrase sur le fait que la Confédération doit veiller à ce que les étrangers s’intègrent dans l’ordre libéral et démocratique de la Suisse. C’est un principe auquel nous tenons. Le PLR demande d’ailleurs une loi-cadre sur l’intégration.»

Le contre-projet du PLR a de bonnes chances d’être accepté, du moins au Conseil des Etats où le PS et l’UDC sont minoritaires, a assuré mardi, confiant, le conseiller aux Etats Rolf Büttiker (PLR/SO), devant la presse.

Après les élections fédérales

Vraiment? C’est oublier que le PDC entre aussi dans la danse de la surenchère alors que la loi actuelle permet déjà, dans les faits, d’expulser des étrangers criminels. Le groupe démocrate-chrétien, qui a décidé de ne pas demander l’invalidation du texte de l’UDC, proposera un projet bien différent. Pas de catalogue à la Prévert des délits qui devraient justifier un renvoi: le PDC se concentre sur la peine.

Pour le parti, un étranger pourrait ainsi se faire retirer son permis de séjour s’il est condamné à une peine d’au moins 2 ans de prison ou s’il a cumulé plusieurs délits totalisant 720 jours de peine privative de liberté. Des propositions qui vont dans le sens du contre-projet indirect du Conseil fédéral. Le PDC devrait également présenter jeudi une initiative parlementaire exigeant que la Chancellerie fédérale examine plus scrupuleusement les initiatives populaires qui lui sont présentées. Qu’elle ne statue pas juste sur la forme mais aussi sur le fond.

L’UDC, elle, n’a pas manqué de fustiger mardi le projet du PLR, «dont l’unique effet est de diluer, voire d’empêcher, l’objectif de notre initiative, à savoir l’expulsion systématique des étrangers ayant commis des crimes graves». Le parti assure qu’il ne retirera pas son initiative. Mais il a toujours en travers de la gorge le fait que le Conseil des Etats a décidé de repousser à mars le débat qui fera inévitablement des vagues. Pour l’UDC, cette décision relève de la pure tactique électorale, avec pour seul objectif de chercher à repousser la votation populaire après les élections fédérales de 2011.

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