Ce matin, le Conseil des Etats pourrait renoncer à débattre de la validité de l’initiative de l’UDC. Pour les juristes, pas de doute, le texte doit être soumis au peuple même s’il enfreint le droit international. Un article de 24 Heures, signé Nadine Haltiner et Laurent Aubert.
L’initiative sur les minarets n’en finit pas de faire des vagues. Hier, la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats a adopté de toute urgence une motion d’ordre demandant le renvoi du débat prévu aujourd’hui sur l’initiative de l’UDC «Pour le renvoi des étrangers criminels». L’idée est d’étudier une nouvelle fois en commission cet objet signé par 211 000 citoyens. «Il faut ramener un peu de calme», justifie le président Hansheiri Inderkum (PDC/UR).
Membre de la commission jumelle du National, Ada Marra (PS/VD) indique que la proposition émane du PDC Theo Maissen, qui souhaite tout bonnement invalider l’initiative. Une idée à laquelle souscrit la Vaudoise. Elle estime en effet que le texte de l’UDC présente de fortes analogies avec l’initiative des Démocrates suisses «Pour une politique d’asile raisonnable», qui demandait le renvoi sans procès de tous les requérants clandestins. Ce texte fut annulé en 1996 parce qu’il violait le principe de non-refoulement.
Il n’est toutefois pas certain que l’initiative de l’UDC viole aussi ce principe, note Andreas Auer, constitutionnaliste à l’Université de Zurich, en précisant qu’il n’a pas suffisamment étudié ce cas pour se prononcer. Pour Etienne Grisel, professeur de droit constitutionnel à Lausanne, l’affaire est en revanche assez claire. «Une initiative ne peut être invalidée qu’en cas de violation du droit international impératif. Jusqu’à présent, ce dernier a été interprété de manière très étroite: c’est une sorte de noyau dur interdisant la torture, le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.»
Pour le constitutionnaliste, l’initiative ordonne le renvoi des criminels étrangers dans des conditions assez précises. «Il est difficile d’invoquer une violation du droit international impératif.»
Pour autant, il n’accorde pas un blanc-seing. «Le texte viole peut-être d’autres dispositions, comme la Convention européenne des droits de l’homme ou la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant.» Mais on se heurte à une contradiction: la Constitution fédérale reconnaît la primauté du droit international mais elle permet aussi de voter sur des textes contraires à ce même droit. Comme pour les minarets, il est alors possible pour un individu de faire constater la violation devant une juridiction internationale.
«Une absurdité, estime Robert Cramer, conseiller aux Etats (GE/Verts). On ne peut plus faire voter le peuple sur des initiatives qui se révèlent inapplicables. L’exemple de l’internement à vie des délinquants dangereux l’a montré. Le parlement a dû retoucher l’initiative pour la conformer au droit international.» Pour le Genevois, le parlement doit à présent avoir le courage d’invalider une initiative contraire au droit international, qu’il soit impératif, ou pas.
«Reste que la tâche est complexe, note Etienne Grisel. Le parlement ne peut pas en décider lui-même. Ce serait n’importe quoi. Une telle procédure aboutirait à une trahison des droits politiques.» Pour lui, la seule solution serait de réviser la Constitution et de créer une Cour constitutionnelle indépendante.
Ce projet est justement à l’étude aux Chambres fédérales. De son côté, le Conseil fédéral envisage aussi de redéfinir la notion de droit impératif. Mais ces révisions arriveront trop tard pour juger du sort de l’initiative sur le renvoi des criminels étrangers. L’initiative dépend donc désormais de l’interprétation juridique que vont retenir juristes et politiciens.
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