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L'appel à la prière qui a retenti samedi matin dans le quartier ne venait pas de la mosquée du Petit-Saconnex (photo) mais d'une voiture conduite par des extrémistes de droite.
Un appel à la prière a réveillé les voisins de la mosquée du Petit-Saconnex (GE) samedi dernier. En réalité, l'appel a été diffusé par un groupe d'extrême droite
Mathieu Cupelin - le 11 novembre 2009, 22h45
Le Matin
«Allah Akhbar». La voix puissante d'un muezzin psalmodiant l'appel à la prière a tiré de leur sommeil certains riverains de la mosquée du Petit-Saconnex, à Genève, samedi dernier vers 7 h. Un réveil qui a fortement surpris, voire agacé, les habitants. Cet appel allait-il se répéter régulièrement à l'avenir? Les questions et les inquiétudes n'ont pas manqué de surgir dans le quartier.
En réalité, la mosquée n'était en rien responsable de ce tumulte matinal. C'est un groupuscule d'extrême droite, appelé les Jeunes identitaires genevois (JIG), qui s'est amusé à créer la confusion dans le cadre de sa campagne en faveur de l'initiative contre les minarets soumise en votation le 29 novembre. Une poignée d'entre eux ont circulé dans le quartier en voiture, diffusant par mégaphone l'enregistrement du chant d'un muezzin. Ils ont choisi samedi dernier, jour des portes ouvertes à la mosquée, pour mener leur opération. Ils ont ensuite posté sur Internet une vidéo de leurs «exploits».
«surprise et choquée»
«Nous voulions montrer qu'en cas de refus de l'initiative nous accepterions de facto que de tels appels retentissent dans quelques années en Suisse. Car les minarets n'ont pas d'autres fonctions que celle-ci», affirme Benjamin Perret, membre des JIG, groupe qui compterait une centaine de sympathisants. Un jeune homme qui semble oublier que cela fait trente ans, depuis sa construction, que le minaret du Petit-Saconnex est silencieux. «C'était une manière de dire stop aux revendications des musulmans», ajoute-t-il.
Dans le voisinage, l'action a suscité un certain émoi. «Ça m'a réveillée, je me suis demandé si j'avais rêvé. J'ai cru que ça venait de la mosquée et j'ai eu peur qu'ils commencent à piailler comme ça tous les matins», indique une habitante du chemin du Champ-d'Anier. «Ça m'a surprise et choquée, j'ai redouté que tout le monde se mette à les détester si ces appels se répétaient», ajoute une voisine. Certains riverains, informés de la journée portes ouvertes, ont pensé que l'appel était lié à cet événement.
Plainte envisagée
Les responsables de la mosquée déplorent vivement «cette action gratuite», selon l'un des imams. «Nous avons été informés le matin même par un voisin qui a vu passer la voiture. Le son était très fort, je pense que le but était d'énerver les gens pour qu'ils boycottent nos portes ouvertes. Nous avons contacté notre avocat et nous n'excluons pas de déposer une plainte. Mais, de manière générale, nous ne souhaitons pas réagir face à de tels comportements», poursuit l'imam. L'homme de religion ne peut que le répéter: il n'a jamais été question de lancer l'appel à la prière depuis le minaret. «Nous distribuons des horaires de prière, les fidèles savent une année à l'avance quand ils doivent venir. Nous n'avons pas besoin d'un muezzin!»
La démonstration intempestive sème la tristesse et l'incompréhension dans la communauté musulmane. Fouzia, une fidèle qui habite le quartier, se dit choquée. «C'est une manière de jeter de l'huile sur le feu et de se moquer de l'islam.»
«Cette provocation malheureuse vise à créer la confusion et les amalgames, réagit Hafid Ouardiri, président de la Fondation de l'Entre-Connaissance. Le mieux est de ne pas y répondre.» Il est rejoint par Ali Benouari, président de l'Association des musulmans pour la laïcité: «Les musulmans ne doivent pas céder à ce piège grossier, il faut qu'ils gardent leur sérénité.»
Responsable de la sécurité de la Ville de Genève, le magistrat Pierre Maudet est consterné par un tel acte. Sur le plan juridique, il doute qu'on puisse agir contre ses auteurs. «Le problème est plutôt politique. J'y vois la démonstration de l'absurdité de l'initiative antiminarets. Ses partisans sont obligés de générer eux-mêmes un problème inexistant, qu'ils entendent néanmoins dénoncer.»
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