lundi 30 novembre 2009

La voie de Strasbourg


PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOIS NUSSBAUM

Le peuple suisse ne veut pas de minarets dans ses villes.

Andreas Auer, professeur à l'Université de Zurich, le répète depuis des mois: l'initiative antiminarets ne pourra pas être appliquée. Avec une majorité de 57,5% et 22 cantons, le vote est clair. Qu'est-ce qui pourrait faire obstacle à l'application de l'initiative? Andreas Auer: Le fait qu'elle est manifestement contraire aux articles 9 (liberté de religion) et 14 (interdiction de discrimination) de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). Il suffit donc de s'adresser à la Cour européenne des droits de l'homme, à Strasbourg, pour que celle-ci entre en matière, constate cette incompatibilité et impose à la Suisse de ne pas appliquer l'initiative. Sinon? Sinon la Suisse devrait dénoncer la CEDH et s'exclure du Conseil de l'Europe, ce qui est totalement impensable. Le problème vient du fait que la protection des droits de l'homme, telle que garantie au niveau international, s'impose aujourd'hui aux Etats, ce qui n'était pas le cas il y a encore une vingtaine d'années. Nous sommes liés. La communauté islamique de Langenthal (BE) annonce qu'elle maintient sa demande de minaret et qu'en cas de refus basé sur le vote de dimanche, elle s'adressera à Strasbourg. C'est le scénario le plus probable? Il n'y a même pas besoin d'attendre une décision à Langenthal. Selon sa jurisprudence, la Cour de Strasbourg n'exige pas un cas concret: il suffit qu'un individu ou une communauté se sente victime d'une décision d'un Etat pour formuler une requête. Aujourd'hui, toutes les communautés musulmanes de Suisse peuvent se déclarer victimes de ce vote et s'adresser à la Cour dans les six mois. Sans passer par le Tribunal fédéral? Le Tribunal fédéral n'a aucune compétence juridictionnelle dans ce cas: on a toujours refusé de lui accorder un statut de Cour constitutionnelle. Il y a donc, en Suisse, un problème entre la protection internationale des droits de l'homme et les droits populaires... Bien sûr. Mais ce n'est pas la faute du droit international ou des tribunaux. Il faut le dire très clairement: la seule responsabilité en incombe à ceux qui lancent des initiatives en sachant à l'avance qu'elles ne pourront probablement pas être appliquées. Celle sur les minarets constitue d'autant plus un abus du droit d'initiative que, selon ses propres auteurs, elle ne visait pas du tout les minarets, mais bien la communauté musulmane.

Aucun commentaire: