samedi 5 novembre 2005

Réagir contre la banalisation de la xénophobie


Dans 24heures, Jean Martin, le député radical livre son opinion:

Les jours se suivent sans se ressembler. Les Suisses «ouverts» pouvaient manifester leur satisfaction le 25 septembre au soir, mais une partie importante d’entre eux déchantaient le 26 devant les décisions du Parlement fédéral sur la loi sur l’asile… Le 27, la section suisse de la LICRA* invitait Isil Gachet, secrétaire de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance du Conseil de l’Europe, à s’exprimer sur les dangers de la xénophobie dans le discours politique (la Suisse est depuis très longtemps membre du Conseil de l’Europe, à ne pas confondre avec l’Union). Eléments majeurs de son propos: d’abord, il s’avère que, au plan légal, la plupart de nos pays ont intégré dans leurs lois la punissabilité des actes racistes. Il y a aussi, dans les autorités et la plupart des partis, un consensus pour stigmatiser la xénophobie. L’ennui, dit Mme Gachet, est que ce consensus est mou et entraîne une ambiguïté préoccupante: on est tous contre, mais en pratique on laisse faire, on ne réagit vraiment qu’en cas de situation crasse, quand les limites de la décence ont été dépassées de beaucoup. Rappelons-nous les graves dérapages, à l’endroit de musulmans et d’autres, avant les votations de septembre 2004 sur la naturalisation facilitée. Très discutables aussi, les jugements de tribunaux concluant que, s’agissant de campagnes électorales, on devrait être plus coulant… Plus que dans la vie quotidienne et vis-à-vis des simples citoyens, il faudrait admettre que les formules utilisées puissent être blessantes ou discrimi-atoires!? Alors, feu libre pour ces politiciens qui, constamment, jouent avec des affirmations à la limite — voire au-delà — de ce qui peut être accepté dans une société respectueuse du prochain? Danger, confirme Isil Gachet, on fait là le lit de tous les excès. Plus sérieux encore: le martèlement auquel le peuple suisse est soumis depuis des années par un groupe d’opinion très actif: lavage de cerveau à l’aide de chiffres sortis de leur contexte, selon quoi il y a chez les non-Suisses plus de délinquants, d’abuseurs de tous genres, de gens qui minent la prospérité et le «propre en ordre» du pays. Propos tenus par des personnalités parfois débonnaires, «qui ne feraient pas de mal à une mouche». Alors, imperceptiblement, nous sommes tous peu ou prou contaminés par une banalisation de l’allégation ou de l’argument xénophobe ou raciste. De plus, comme c’est impunément que des ténors flattent et trompent le public avec des accusations populistes, le reste de la classe politique, craignant de perdre ses électeurs, se sent contraint de suivre le mouvement (c’est le cas malheureusement des partis en principe raisonnables du centre droite auquel j’appartiens). Il m’arrive d’utiliser la formule «Le pire n’est jamais certain»; or, la vice-présidente de la Commission fédérale contre le racisme disait lors de la confé-rence du 27 septembre que j’évoque, et à propos de l’ambiance politique ces dernières années, «Le scénario du pire s’est toujours vérifié»… Dans tous les cas, il importe de mettre en garde vigoureusement contre cette banalisation d’une xénophobie rampante. Refuser la «chape de plomb» (c’est une citation) à laquelle se sont soumis une majorité des parlementaires dans le débat sur la loi sur l’asile — résignés au joug xénophobe… Dans ces conditions, ce n’est certainement pas de l’acharnement ou une volonté de brider la liberté d’expression que de réagir fermement, à chaque fois; c’est faire oeuvre de salubrité publique.

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