mardi 2 novembre 2010

« Le Maroc doit rapatrier les centaines de corps gisant dans des cimetières anonymes en Espagne »

Bien que son travail le mette au contact direct avec les morts, cet Espagnol avait le cœur qui ne vibrait que par la recherche du profit. Voyant dans le rapatriement de dépouilles d’immigrants clandestins un bon moyen de se faire de l’argent, il se lance dans l’aventure. Mais au lieu de l’argent, le thanatopracteur gagna quelque chose d’autre de plus précieux…

Il s’appelle Martin Zamora, tout juste âgé de 50 ans. Profession : croque-mort  à Los Barrios, un bourg  de la ville portuaire du Sud de l’Espagne, Algésiras. Depuis 12 ans, Martin y tient les pompes funèbres, mais c’est en 1999 que sa vie prit une tournure logique mais inattendue : 16 immigrants clandestins marocains font naufrage et échouent sur une plage proche d’Algésiras - morts. Martin y voit « un bon business » qui peut lui rapporter 4 000 euros par cadavre si jamais il  arrivait à « retrouver leurs familles » confie t-il dans le journal suisse «Le Temps» . Car autrement ils allaient tous finir dans des tombes anonymes.

Le jeu en valait la chandelle. Ce père de 7 enfants décide alors de se lancer à la recherche des familles des victimes. Au volant de sa fourgonnette, il prend la direction de Beni Mellal, dans l’espoir de retrouver les parents des naufragés. Armé de sa cupidité, il parcourt pendant des semaines, marchés et villages en exposant les effets des disparus (vêtements, montres, papiers..). Par chance, il atterrit dans un village d’où était partie une des victimes. Le bouche à oreille faisant le reste, Martin réussit à retrouver les familles des 16 cadavres !

De l’avidité à l’humanisme

Mais, c’est de là qu’une sorte de miracle se produit pour ce businessman de la mort : « Et là, ce fut un choc ! Je pensais faire du fric mais ces gens étaient misérables, avec juste de quoi manger jusqu’au lendemain ». Il espérait repartir avec des liasses de billets mais « finalement, j’ai mis 30 000 dirhams de ma poche!». A partir de ce jour, confie Martin, « quand je vois un naufragé ou un type en danger, je me vois à sa place, alors il faut que je l’aide, c’est plus fort que moi. »

De l’avidité, il est passé à la philanthropie (surtout envers les immigrés). En dix ans, il a transporté près de 600 dépouilles d’immigrants clandestins. Et ce n’est pas tout, Martin, bien qu’il conserve son nom, devient musulman (pas très accro certes à la prière et se réjouit d’un diabète qui l’empêche de faire le ramadan). Il se décarcasse à chaque naufrage pour récupérer les corps qu’il prépare pour ensuite se lancer à la recherche de leurs proches. Une véritable bataille du combattant pour ce thanatopracteur.

La fin justifie les moyens

En effet, reconnait cet homme qui a eu 7 enfants avec trois femmes : « Cela exige de la ténacité, jusqu’à six mois d’attente. Sans test ADN, par exemple, les juges retiennent le corps. » Pour récupérer un quelconque corps, Martin est obligé de faire avec les lenteurs administratives, ces fameux tests ADN, les tractations consulaires, en plus de l’autorisation du juge.

Mais c’est comme si Martin a fait du rapatriement des victimes de l’immigration son raccourci vers le Paradis. Les va-et viens interminables entre Algésiras et le Royaume lui ont fait connaitre « le Maroc comme [sa] poche, les routes en asphalte comme les pistes en terre ». Le bien finissant toujours par payer, Martin est aujourd’hui très sollicité par la communauté marocaine d’Espagne. Il est le recours dès qu’il s’agit de rapatriement de dépouille de Marocains morts sur la péninsule ibérique. Il estime à 3 000 le nombre de dépouilles d’immigrés qu’il a eu à acheminer vers le Royaume.

Les derniers vœux de Martin

Toutefois, la crise financière qui force de nombreux Marocains résidant en Espagne à regagner le bled impacte également les activités de notre businessman de la mort. Les barques de clandestins atterrissent de moins en moins sur les plages espagnoles (45,7% de moins en 2009, comparé à 2008). Un tout qui ne fait pas les affaires de Martin qui pense immigrer lui aussi vers le Brésil, le pays de son actuelle femme.

Avant de partir, il espère tout de même voir un de ses plus grands rêves se réaliser : « obtenir que les 300 ou 400 cadavres de clandestins qui gisent, anonymes, dans des cimetières espagnols, soient rapatriés, avec le financement de l’Etat marocain. » A bon entendeur…

Oumar Baldé sur yabildi.com


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