Bassam Youssef n'avait jamais pensé quitter l'Irak mais après avoir échappé dimanche au massacre dans une cathédrale au coeur de Bagdad, il a décidé de rejoindre l'exode de dizaines de milliers de ses coreligionnaires et d'abandonner son pays qu'il aimait tant.
"Maintenant, c'est décidé je pars. Je vais faire une demande d'asile aux Etats-Unis le plus tôt possible. C'est clair qu'ils ne veulent plus de nous dans ce pays qui est le mien", affirme cet employé au service clientèle d'une compagnie de téléphonie mobile.
Dimanche, il s'est rendu à la cathédrale syriaque catholique Sayidat al-Najat (Notre-Dame du Perpétuel secours) pour assister à la messe, dans le quartier de Karada, quand l'inimaginable s'est produit.
"Un quart d'heure après le début de la messe, nous avons entendu des explosions et des bruits d'arme automatique, puis les terroristes ont pénétré par la porte principale dans l'église", raconte ce jeune de 21 ans rencontré lundi sur le lieu de l'attentat.
"Le père Athir a interrompu son sermon, et le père Wassim a tenté de mettre dans une pièce une cinquantaine de fidèles, dont moi. Il a ensuite essayé de parlementer avec les assaillants mais ils l'ont immédiatement abattu, ainsi que le père Athir", a-t-il ajouté.
Selon lui, les attaquants, armés de kalachnikovs, de grenades et vestes d'explosifs, ont immédiatement ouvert le feu. "C'était la panique. Les terroristes ont jeté une grenade sur sept fidèles qui tentaient de s'échapper".
En ce jour de Toussaint, la fête des morts, la majorité des chrétiens réunis près du lieu de l'attaque pensent qu'il vaut mieux préparer ses valises pour éviter le cercueil.
La communauté chrétienne d'Irak, l'une des plus anciennes au monde, ne compte plus que 500.000 âmes contre 800.000 avant l'invasion de 2003.
"Nous n'avons plus notre place ici. Qu'est ce qu'ils veulent de nous? Que leur a-t-on fait? Ils ont tué des innocents qui priaient. Ils désirent nous voir partir, et que fait le gouvernement? Absolument rien", s'élève plein de douleur Mgr Pios Kasha, le vicaire épiscopal syrien catholique de Bagdad.
Selon lui, "tout le monde va partir. Ils attendent la fin de l'année scolaire et partiront". Il n'y a plus que 20.000 syriaques catholiques en Irak contre 60.000 avant 2003.
La cathédrale ressemblait lundi à un champ de bataille. Des balles ont criblé le fronton où est inscrit "Gloire à Dieu au ciel et paix sur la terre". Un bas relief de la Vierge est égratigné par des éclats. Le sol et les murs sont maculés de sang et des morceaux de chair étaient visibles.
"Ils nous chassent du pays. Ils ne nous veulent plus ici. C'est un désastre. Pourquoi toute cette haine?", s'indigne Athir Adam, un fonctionnaire de 28 ans.
"C'est notre fin. Nous allons quitter le pays. Le gouvernement sera content puisqu'il ne fait rien pour nous protéger".
Même sentiment d'amertume chez Aymane George, un étudiant de 23 ans qui ne pense plus qu'à partir: "Je vis avec mon père et mon frère. J'étais attaché à ce pays mais c'est fini. Nous allons le quitter comme l'ont fait les autres".
L'attaque de dimanche a été revendiquée par l'Etat islamique d'Irak, branche irakienne d'Al-Qaïda, qui a indiqué dans un communiqué qu'elle visait "l'un des repaires obscènes de l'idolâtrie qui était toujours utilisé par les chrétiens d'Irak comme quartier-général pour le combat contre (...) l'islam".
Le 12 octobre, à l'occasion du synode sur le Moyen-Orient au Vatican, l'archevêque de Kirkouk s'était inquiété de l'"exode mortel" des chrétiens d'Irak, affirmant que ceux-ci veulent "vivre en paix et en liberté au lieu de survivre".
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