Après le débat hystérique sur l’immigration et la place de l’islam, le pays veut trouver un peu de sérénité. La chancelière a reçu 120 élus, ministres et représentants de la société civile pour un sommet à Berlin.
La chancelière Angela Merkel a reçu mercredi 120 élus et représentants de la société civile pour élaborer un «plan d’action» en faveur des 15,6 millions d’étrangers vivant en Allemagne. «Nous devons rattraper ce que nous n’avons pas fait au cours des trente dernières années», a déclaré la chancelière à l’issue de ce «sommet de l’intégration».
Après le débat hystérique de ces dernières semaines sur l’immigration et la place de l’islam, l’Allemagne a retrouvé sa sérénité. Les thèses racistes de Thilo Sarrazin, dont le livre s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires, et la campagne antimusulmane de Horst Seehofer, président de la CSU (branche bavaroise de la CDU), ont laissé la place à un débat plus constructif sur les moyens d’une intégration réussie des étrangers.
Les arguments la droite ultraconservatrice dénonçant une immigration envahissante et leur manque de volonté à s’intégrer ont été démentis par les faits. Les étrangers sont désormais plus nombreux à quitter l’Allemagne qu’à y entrer: le solde migratoire est négatif depuis 2008. Par ailleurs, leur assiduité aux cours d’intégration financés par l’Etat (cinq cents heures de cours d’allemand, d’histoire et d’éducation civique) est irréprochable. Le ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière (CDU), avait avancé en septembre un nombre de «réfractaires à l’intégration» entre 10 et 15%. Un chiffre qui n’a jamais été vérifié. En Saxe, par exemple, on a démontré en 2009 un réfractaire sur 3200 diplômés.
Au contraire, la polémique a fait prendre conscience à l’Allemagne qu’elle avait besoin de l’immigration pour son avenir. Les entreprises font face à un manque cruel de main-d’œuvre qualifiée depuis plusieurs années. «Nous avons besoin de 400 000 ingénieurs supplémentaires. L’Allemagne renonce actuellement à une création de richesse de l’ordre de 25 milliards d’euros, soit 1% de croissance», estime Hans Heinrich Driftmann, président de la chambre de commerce et d’industrie allemande (DIHK).
Dans les soins hospitaliers et les aides à domicile, la pénurie de main-d’œuvre est déjà criante et elle devrait s’accentuer dans les prochaines années. «On ne pourra pas résoudre le problème en recrutant sur le marché du travail allemand», insiste Thomas Greiner, président de la Fédération des aides-soignants. Et de souligner l’urgence du problème en raison du vieillissement de la population: «Nous ne sommes pas les seuls à être confrontés à cette situation en Europe. Il faudra sans aucun doute recruter en Asie», dit-il. Selon lui, l’Allemagne aura besoin de 300 000 aides-soignants dans les prochaines années, dont 77 000 personnels qualifiés.
Les ministres du gouvernement Merkel réclament maintenant un assouplissement du droit des étrangers. Ursula von der Leyen, la ministre du Travail (CDU), veut une loi pour faciliter leur entrée sur le territoire, «quelle que soit leur culture d’origine». La ministre libérale de la Justice, Sabine Leutheusser-Schnarrenberger (FDP), réclame une réforme pour éviter les expulsions d’enfants et d’adolescents bien intégrés. «Nous ne pouvons pas discuter d’une immigration contrôlée tout en expulsant ceux qui remplissent les conditions d’une intégration réussie», déplore-t-elle.
Quant à Maria Böhmer, la ministre d’Etat chargée de l’intégration, elle refuse les nouvelles sanctions contre les «réfractaires» réclamées par la droite réactionnaire. Elle veut un accès plus facile des Allemands d’origine étrangère dans les services publics, notamment dans la police et l’enseignement. Enfin, la ministre de la Famille, Kristina Schröder, a débloqué 400 millions d’euros pour les crèches afin d’aider les enfants d’origine étrangère à maîtriser la langue de Goethe avant leur scolarisation.
Pour la ministre de l’Education Annette Schavan (CDU), l’Allemagne doit absolument devenir «plus attractive» pour «attirer les talents du monde entier». Elle prépare un projet de loi permettant une plus large reconnaissance des diplômes étrangers. Plus de 300 000 étrangers pourraient en profiter, notamment dans le domaine de la santé et de l’éducation.
Christophe Bourdoiseau dans le Temps
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