mardi 26 juillet 2005

«Les intérêts du Kosovo sont également les nôtres»



La Conseillère fédérale se rend samedi à Pristina. Un voyage très attendu après les déclarations de la Suisse sur l’indépendance de la province. Elle parlera aussi des «523».

Après s’être rendue en Serbie il y a un mois, la cheffe du Département fédéral des affaires étrangères sera ce week-end au Kosovo. C’est la première fois que la conseillère fédérale socialiste genevoise se rend dans la province autonome. Cette visite est particulièrement attendue après les déclarations de l’ambassadeur de Suisse auprès des Nations Unies, Peter Maurer, sur le statut futur du Kosovo.

L'interview de Micheline Calmy-Rey par Vincent Bourquin et Grégoire Nappey dans 24heures :
Pourquoi vous rendez-vous au Kosovo?
MCR : C’est une région d’importance pour notre pays. Les Kosovars qui vivent en Suisse représentent 10% de la population du Kosovo et cette région est proche. Les intérêts du Kosovo sont aussi les nôtres, essentiellement en termes de sécurité. Là-bas, il y a plus de 50% de chômage, jusqu’à 70% chez les jeunes. La population vit dans la préLcarité, elle est disponible pour des discours nationalistes. L’instabilité dans la région du Kosovo a sans conteste des conséquences chez nous. Pour préserver sa sécurité et son bien-être, la Suisse est donc engagée avec tous les instruments de la politique étrangère, y compris l’armée.

Vous allez d’ailleurs passer le 1er Août avec les soldats de la Swisscoy.
MCR : Oui, car je trouve que l’engagement de l’armée pour des opérations de maintien de la paix est une contribution de la Suisse particulièrement importante en matière de politique étrangère.

Vous avez été récemment en Serbie, est-ce que vous allez apporter un message au Gouvernement kosovar de la part des autorités serbes?
MCR : Non, le rôle de la Suisse au Kosovo n’est pas celui d’un médiateur ou d’un facilitateur. La Suisse a une position très claire sur l’avenir de cette région: il y a d’une part des standards à respecter, notamment pour les droits de l’homme et la protection des minorités. Mais, audelà des standards, il y a aussi la question du statut. La communauté internationale avait dit: d’abord les standards, puis on discutera du statut. Appliqué de façon rigide, ce principe peut être contre-productif. C’est difficile d’atteindre des standards quand on ne voit pas son avenir. Nous avons donc pris position sur cette question en disant: il est temps de débattre le statut du Kosovo et d’envisager les voies d’une indépendance formelle pour ce pays, qui doit faire l’objet de discussions entre toutes les parties concernées. Je l’ai dit récemment à Belgrade et je le répéterai à Pristina.

Pourtant à Belgrade, vous avez donné l’impression d’être plus en retrait que Peter Maurer, l’ambassadeur de Suisse auprès des Nations Unies?
MCR : Non. C’est un discours inévitablement plus difficile à faire entendre en Serbie-et-Monténégro qu’aux Nations Unies, mais la position politique est identique, où qu’elle s’exprime.

Le conseiller national Josef Lang a laissé entendre que cette déclaration vous aurait été soufflée par les Etats-Unis.

MCR : Je vous le dis tout net: je n’ai subi aucune pression. J’ai d’ailleurs rencontré ma collègue, Mme Condoleezza Rice, après cette prise de position. Cette déclaration est le résultat d’un long processus de réflexion au Département des affaires étrangères.

Mais n’aurait-il pas fallu attendre que l’envoyé spécial de Kofi Annan, le Norvégien Kai Eide, ait terminé son examen global du Kosovo?
MCR : Nous avons lancé notre petit caillou avant les autres. Il faut parfois que quelqu’un ait le courage de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. La Suisse en a la capacité et la crédibilité. Notre objectif est de faire avancer les choses, il en va de nos intérêts bien compris. Nous sommes convaincus que les parties doivent se parler directement. Mais, pour l’instant, le dialogue est très difficile.

L’engagement de la Suisse n’a-t-il pas aussi pour objectif d’éviter de nouvelles migrations ou de pousser les Kosovars vivant ici à rentrer chez eux?

MCR : Notre but est d’aider les gens sur place, plutôt que de devoir les aider chez nous.

Outre sur le dossier du Kosovo, la Suisse fait parler d’elle dans le cadre de la réforme de la Commission des droits de l’homme et du Conseil de sécurité de l’ONU. Mais le durcissement de la politique d’asile ne risque-t-il pas de discréditer cette politique internationale?

MCR : Je ne crois pas qu’une loi sur l’asile, aussi restrictive soit-elle, puisse apporter une solution durable. Il y a d’abord la dimension humaine, humanitaire même. Si je prends l’exemple des «523» dans le canton de Vaud, j’observe qu’un certain nombre de ces personnes sont dans notre pays depuis plusieurs années, avec un travail, parfois des enfants nés ici. Nous ne pouvons pas nous en laver les mains. Cela posé, l’asile est partie d’une problématique plus générale, celle de la migration. Les solutions sont à rechercher dans la collaboration multilatérale et des partenariats bilatéraux avec les pays d’origine et de transit des personnes requérantes. C’est ainsi que je vois des pistes de solutions durables pour les problèmes de migration. Je ne les vois pas dans une politique d’asile toujours plus dissuasive. Par ailleurs, du point de vue du DFAE, la compatibilité des dispositions du droit d’asile avec les conventions internationales est essentielle. Il appartiendra aux tribunaux, le cas échéant, de se prononcer sur cette question.

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