mardi 1 décembre 2009

Minarets : le vote suisse rebondit en France


À Nantes, la nouvelle mosquée construite par la communauté turque.

À Nantes, la nouvelle mosquée construite par la communauté turque.
Photo : Frédéric Girou

Leur interdiction, décidée par référendum chez nos voisins helvètes, suscite malaise et indignationdans la classe politique française. Dans l'Hexagone, leur construction fait l'objet de consensus.

Le vote suisse contre les minarets aura-t-il des conséquences ? C'est la crainte du gouvernement fédéral. Le ministre suisse des Affaires étrangères a reçu, hier, les ambassadeurs des pays musulmans pour les rassurer et leur « expliquer » les résultats du référendum (57,5% contre les minarets). Par ailleurs, le Conseil de l'Europe estime que cette interdiction touche à plusieurs libertés fondamentales garanties par la Convention européenne des droits de l'homme. Ce qui ouvre la voie à des recours. Enfin, les évêques suisses (appuyés par le Vatican) ont estimé, hier, que le vote de dimanche était « un coup dur porté à la liberté de religion ».

Comment a-t-on réagi en France ? Le risque de « stigmatisation » de l'islam a été souligné par les grands partis et les dirigeants politiques. Ainsi Bernard Kouchner, le chef de la diplomatie française, s'est-il déclaré « un peu scandalisé » par le vote suisse, qui est, selon lui, « une expression d'intolérance ». Seul le Front national s'est félicité du vote. Côté musulman, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a fait part de sa « tristesse » et de sa « consternation ».

Les minarets sont-ils interdits dans notre pays ? Non. On en compte aujourd'hui une dizaine et certains sont en construction ou en projet à Marseille, Toulouse, Bayonne, Poitiers, La Roche-sur-Yon... Mais la construction et la taille d'un minaret font toujours l'objet de négociations menées au niveau local entre les mairies et les responsables musulmans.

Est-ce une affaire de couleur politique ? Non. La municipalité socialiste de Georges Frêche, à Montpellier, ne veut pas entendre parler de minaret. À Marseille, l'UMP Jean-Claude Gaudin n'y est pas opposé. Par contre, l'ancienne municipalité UMP de Strasbourg (Keller-Grossmann) ne voulait pas de minaret. Ce n'est pas le cas de l'actuelle (socialiste).

Quelles sont les règles d'urbanisme ? Qu'il s'agisse d'églises ou de mosquées, ce sont les mêmes règles d'urbanisme que pour les autres bâtiments (hauteur maximum, surface au sol, style architectural...). La hauteur, notamment, fait l'objet de négociations. Le minaret le plus élevé (33 mètres) est toujours celui de la grande Mosquée de Paris. Celui de Marseille mesurera 25 mètres. Mais, aujourd'hui, mis à part les très grandes villes, la tendance lourde est à la construction de minarets qui « n'écrasent pas » les bâtiments voisins. À Gennevilliers, la municipalité communiste a demandé que le minaret ne soit pas plus haut que la mairie.

Que souhaitent les musulmans ? Depuis la mise en place du Conseil français du culte musulman, en 2003, les constructions de minarets sont devenues plus fréquentes. Le CFCM y voit une meilleure acceptation de l'islam. Le minaret, relève-t-il aussi, n'est que symbolique puisqu'il ne sert pas à lancer l'appel à la prière. On n'entend pas le muezzin, même s'il n'y a pas de loi qui interdise l'appel à la prière.

Y a-t-il, comme en Suisse, des oppositions locales ? Oui, elles peuvent être fortes. Au nom de la laïcité ou pour dénoncer « l'islamisation rampante ». À Poitiers, un comité « Riposte laïque » a stigmatisé la construction d'un minaret. « Les musulmans tiennent leur revanche », déclare ce comité. « C'est à Poitiers, en effet, qu'en 732, Charles Martel a mis un terme à l'invasion de notre pays par les musulmans. » À Bayonne, un comité conteste un projet de minaret de 10 m de haut. « Le paysage traditionnel, c'est le clocher et les flèches de nos cathédrales. Même le candidat Mitterrand l'a utilisé pour sa campagne électorale. »

Aucun commentaire: