mardi 15 décembre 2009

L’Hospice n’arrive plus à loger les requérants


FOYERS | L’institution s’était déjà alarmée en 2008. La situation se dégrade encore. Il est urgent de construire 500 à 600 places pour les requérants d’asile.

© olivier vogelsang | Rue Jean-Simonet. Cet appartement ainsi que d’autres sont délabrés. Certains habitants n’ont plus de salle de bains depuis plusieurs semaines en raison des travaux.

MARC GUÉNIAT | 15.12.2009 | 00:05

De son propre aveu, l’Hospice général n’est pratiquement plus en mesure d’accomplir l’une de ses deux missions principales, à savoir l’aide aux requérants d’asile (ARA). Foyers et logements sont saturés et leurs infrastructures décrépies. Pour l’institution, il est urgent de construire 500 à 600 logements pour cette population.

C’est ce qu’il ressort des procès-verbaux et lettres, que s’est procurés la Tribune de Genève, du Groupe hébergement, constitué à la fin de 2008 par le Département de la solidarité et de l’emploi. L’un des courriers, daté du 26 janvier 2009, est un appel au secours de l’Hospice général, adressé au conseiller d’Etat Mark Muller. Lequel a donné son feu vert à l’agrandissement de quatre foyers par l’implantation de préfabriqués. Mais cela sera insuffisant.

A l’origine de cette situation se trouve, bien sûr, la crise du logement. Des cafouillages et une volonté politique lacunaire complètent le tableau, dont les conséquences peuvent s’avérer humainement dramatiques.

Retour en arrière. En octobre 2008, l’Hospice général tire la sonnette d’alarme: sous peu, il ne parviendra plus à loger les requérants d’asile qui affluent. Les foyers sont pleins, quand ils ne sont pas délabrés ou insalubres, comme celui des Tattes (lire ci-dessous). Par ailleurs, certains seront détruits (140 places) alors que les projets bien avancés (120 places) n’aboutiront pas avant la fin de 2010.

En clair, l’Hospice n’est pas préparé pour faire face à cet afflux. D’aucuns y voient de l’imprévoyance. Mais la volte-face de la Confédération y est pour beaucoup. Celle-ci, par le biais de l’armée, devait assumer un flux imprévu. Mais Berne a fait machine arrière tandis que les cantons se sont entre-temps débarrassés des logements «excédentaires». Bilan: 350 places perdues à Genève. Et ce ne sont pas les 25 millions que la Confédération a octroyés aux cantons en compensation qui suffisent. D’autant que pour l’Hospice, le problème n’est pas de financer les constructions mais de trouver les terrains.

De plus, l’afflux de requérants se poursuit. Si les personnes frappées de non-entrée en matière (NEM) s’entassent depuis janvier dans les abris PC, les réfugiés admis doivent être logés plus convenablement. Ce qui pousse l’Hospice général à faire le ménage; des courriers fusent à destination d’anciens requérants titulaires du permis B: ils doivent quitter leur appartement pour faire de la place. Depuis janvier, trente personnes par mois se voient priées de quitter leur domicile. Et le nombre de permis B augmente de 30 unités par mois, accroissant d’autant le nombre de personnes tenues de déménager.

Un cercle vicieux

Or, très souvent dotées de faibles revenus, elles ne parviennent pas à trouver un appartement sur le marché, dont les prix flambent. Et les logements subventionnés sont simplement submergés par plus de 5000 demandes. Ainsi, ils restent. Pour y remédier, l’Hospice a récemment résilié au moins 112 baux et demandé 48 évacuations, selon nos documents.

Comme alternative, on propose à ces personnes intégrées, dont les enfants vont à l’école, de revenir à la case départ en les logeant aux Tattes, par exemple. Cela pour faire de la place aux nouveaux arrivants!

En attendant l’agrandissement des foyers, l’Hospice a demandé l’aide des communes. Bien que «compréhensives» selon le directeur général Bertrand Levrat, celles qui ont répondu ont à ce jour toutes refusé. Sauf Plan-les-Ouates, qui a proposé un appartement!


Bâtiments insalubres

Beaucoup de foyers et de logements pour requérants d’asile sont dans un état de délabrement avancé, voire insalubres. C’est notamment le cas des Tattes, ce dont nous nous étions fait l’écho en mai 2008. Alors, déjà, le Département des constructions annonçait qu’il faudrait attendre «au moins la fin de 2009». Aujourd’hui, une partie seulement des travaux a été réalisée.

A la rue Jean-Simonet, où logent des familles dans des appartements individuels, les conditions ne sont pas meilleures. Construit en 1991 et détenu par une fondation présidée par le conseiller d’Etat Mark Muller, le bâtiment tombe en ruine. Des travaux viennent cependant d’être engagés. Mais là encore, la pression sur l’Hospice général est telle que les locataires résident encore dans des appartements en chantier. Certains sont ainsi privés de salle de bains depuis plusieurs semaines. «Je suis peintre en bâtiment: comment me laver après une journée de travail?» s’interroge un résident. Question pertinente, demeurée sans réponse.

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