Minarets: un appel au bon sens
Paru le Mercredi 18 Novembre 2009Chaque soir jusqu'au scrutin du 29 novembre sur l'initiative anti-minarets, la cheminée de l'usine Kugler s'illuminera de vert pour affirmer la place légitime de l'islam en Suisse. Du haut de cette tourelle de 35 mètres, Le Courrier et ses voisins, la Fédération des artistes de Kugler, lancent un appel au bon sens. Il faut refuser cette initiative que le Conseil fédéral et le parlement n'ont pas eu le courage d'invalider. Elle consacre pourtant une intolérable discrimination à l'égard des 350000 à 400000 musulmans de ce pays. Surtout, cette atteinte à la liberté religieuse attaquerait de plein fouet notre démocratie, construite sur le respect et l'ouverture. L'Etat de droit serait gravement ébranlé puisqu'il pose comme base l'égalité de traitement entre les citoyens. Si l'on rejette les minarets, il faudrait interdire les clochers.
Les guerres de religion ont dans un passé récent opposé catholiques et protestants. Les initiants –des membres de l'UDF, un parti chrétien, et de l'UDC– réveillent de vieux démons. Ils décrivent les minarets comme les missiles d'une idéologie politico-religieuse conquérante, faisant l'amalgame entre musulmans et extrémistes, voire terroristes. C'est inacceptable. La grande diversité culturelle et confessionnelle des musulmans en Suisse, dont une minorité seulement est pratiquante (15%), oppose un démenti cinglant à la caricature fondamentaliste dans laquelle les initiants les enferment. Le minaret est seulement, aux yeux de l'immense majorité des musulmans, un ornement architectural signalant pacifiquement l'emplacement d'une mosquée et diffusant l'appel à la prière –dans les pays qui l'autorisent.
Les quatre minarets érigés en Suisse sont le signe que les musulmans y sont reconnus comme des citoyens à part entière. Donner le signal inverse risque de favoriser le repli sur soi de certains membres de cette communauté, voire leur radicalisation.
Les fidèles souhaitent dans l'ensemble vivre leur foi dans le respect des lois suisses, même si certaines pratiques ou revendications –port du voile, cours de piscine non mixtes, carrés musulmans dans les cimetières, etc.– posent légitimement la question de leur compatibilité avec les principes juridiques et sociaux des démocraties occidentales.
Mais l'islam n'est pas seul en cause. Partout en Europe, des citoyens se battent pour détrôner les crucifix des écoles, tandis que des chrétiens lancent des croisades contre l'avortement, les contraceptifs, le préservatif ou les droits des homosexuels. Le christianisme a-t-il autant d'avance qu'on le dit sur le chemin des Lumières? La Suisse, où l'on donne des cours d'histoire biblique à l'école, est-elle laïque?
Les limites aux religions doivent être fixées dans un climat serein et apaisé. Pas sous la pression inadmissible de l'incitation à la haine des musulmans. En justifiant l'interdiction des minarets par l'impossibilité, dans certains pays, de construire des églises, les initiants dévoilent leur visage. Car ils valident les pratiques de certains régimes dictatoriaux. Depuis quelques mois, la cheminée de Kugler est éclairée pour rendre compte de l'activité des artistes. Ils la teignent aujourd'hui de vert, couleur des jardins de l'islam, symbole de vie au milieu du désert. Ils s'expriment publiquement et visuellement en tant que membres de la société civile. Au nom de la vocation des artistes à faire exploser les limites des normes sociales et à expérimenter plus de libertés, ils refusent «une initiative restrictive et xénophobe de plus».
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