Le taux d’étrangers dans les prisons suisses est le plus élevé d’Europe. Tandis que les partis affûtent leurs armes, les spécialistes, eux, mettent en garde contre une politisation excessive du sujet. Un article de Chantal Savioz dans 24 Heures.
Près de 70% de la population carcérale suisse est étrangère. C’est ce que dévoilaient, il y a une semaine, les statistiques nationales. Ce chiffre confirme l’un des pourcentages les plus élevés en Europe ainsi qu’une stabilité par rapport aux précédentes années.
La criminalité étrangère et l’expulsion se trouvent dans la ligne de mire du gouvernement et des partis, tout particulièrement de l’UDC qui tient son assemblée générale ce samedi à Berne; et qui a déposé une initiative sur le sujet.
Certains spécialistes, quant à eux, ne diagnostiquent aucun changement dans la criminalité, et mettent en garde contre des conclusions hâtives et une politisation excessive.
Droit du sang
Daniel Fink, qui dirige le Service des statistiques sur la criminalité et le droit pénal à l’Office fédéral (OFS) de Neuchâtel refuse de peindre le diable sur la muraille. Sur 5780 détenus, 3946 n’ont pas le passeport suisse. Le spécialiste souligne tout d’abord une situation globalement positive. Seules 5780 des 6700 places sont occupées. «Hormis Champ-Dollon, à Genève, les prisons sont sous-occupées», précise-t-il.
La forte proportion d’immigrés est liée, selon lui, à une politique de naturalisation restrictive dans notre pays. Avec ses 21%, la Suisse abrite la plus forte population étrangère en Europe. «Contrairement à la France qui pratique le droit du sol, notre pays a un système basé sur le droit du sang. Pour être plus précis, il faudrait faire apparaître le nombre d’étrangers résidents ainsi que celui d’étrangers de passage», note Daniel Fink.
Autre élément d’explication: la modification du Code pénal concernant les courtes peines. «Celles-ci représentent 85% des condamnations», précise le directeur à l’OFS. La surveillance électronique, les travaux d’intérêts généraux ne s’appliquent pas à des délinquants sans domicile ni situation professionnelle. Si la tendance se poursuit, on pourrait même s’attendre, dans les prochaines années, à 100% d’étrangers dans les prisons suisses.
Au niveau politique, la statistique pénitencière ravive la polémique. La question de l’expulsion des criminels sans passeport à croix blanche agite les partis. L’UDC en tête, qui a récolté 210 000 signatures en faveur du renvoi immédiat des délinquants étrangers. Saisis par cette expression populaire d’insécurité, les partis gouvernementaux, y compris les socialistes, ont dû empoigner la question.
Initiative et contre-projet
De son côté, le Conseil fédéral et plus précisément les services d’Eveline Widmer-Schlumpf ont concocté un contre-projet censé barrer la route à l’initiative UDC en donnant un tour de vis supplémentaire à la loi sur les étrangers approuvée par le peuple en 2006.
«Il est évident que la statistique de 70% de criminels étrangers est inquiétante, rebondit Yvan Perrin, vice-président UDC. D’autant que le coût d’un prisonnier se monte à 300 francs par jour. Il faut s’interroger sur les causes et arrêter de faire dans la demi-mesure», préconise-t-il.
Initiative et contre-projet s’opposent essentiellement sur les modalités d’expulsion. La première prévoit un renvoi automatique à la moindre infraction. Le second estime que ledit renvoi doit être «proportionné» et que des «facteurs humains» doivent entrer en ligne de compte.
«L’initiative ne laisse pas de marge d’appréciation dans le sens du respect de la famille», estime Eduard Gnesa, directeur de l’Office fédéral des migrations.
L’UDC exige, par ailleurs, plus d’homogénéité, estimant que certains cantons ont une politique trop laxiste en matière de renvoi.
Le peuple aura le dernier mot dans une votation qui devrait être agendée dans un proche avenir.
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