mercredi 2 mars 2011

Paris face à la crainte d'un afflux de migrants

Les révolutions arabes font redouter une arrivée massive de clandestins, une peur attisée par la droite populiste. Nouveau ministre de l’Intérieur, Claude Guéant sera chargé de la lutte contre cette immigration.

Le remaniement ministériel du week-end dernier ne vise pas seulement à redonner du souffle à la politique extérieure de la France. Les changements au sein du gouvernement sont également guidés par des ambitions de politique intérieure.

Pour le président Nicolas Sarkozy, il s’agit de «protéger le présent des Français». La mission a été endossée par un proche du président, Claude Guéant. Ancien préfet, ancien directeur général de la police nationale, il connaît tous les rouages du Ministère de l’intérieur, où il a déjà occupé de nombreux postes. Dès sa prise de fonction, le successeur de Brice Hortefeux a donné le ton, égrenant ses priorités: améliorer la sécurité et «lutter contre l’immigration irrégulière qui, c’est un fait, […] inquiète» les Français.

Le gouvernement se prépare

Avec trois politiciens aguerris dans trois ministères régaliens – Claude Guéant, Alain Juppé aux Affaires étrangères (LT du 1.3.11) et Gérard Longuet à la Défense –, Nicolas Sarkozy espère être prêt à «affronter les événements à venir dont nul ne peut prévoir le déroulement». Derrière cette menace à peine voilée, l’ombre de flux migratoires massifs en provenance de la rive sud de la Méditerranée et plus particulièrement de la Tunisie et de la Libye, secouées par la révolution. Les images de l’île italienne de Lampedusa et les propos de son maire, expliquant que les migrants tunisiens ont la France pour but final de leur périple, ont attisé les peurs.

Comme en Suisse, la droite populiste s’est emparée du sujet. Brandissant le «risque de tsunami migratoire», Marine Le Pen, présidente du Front national et candidate à l’élection présidentielle, demande des mesures de «salut public». Elle évoque le rétablissement temporaire de frontières douanières avec l’Espagne et l’Italie pour «éviter l’arrivée massive de clandestins» ou la négociation d’un accord avec ces deux pays «afin de coordonner la protection des eaux territoriales par nos marines communes». En visite au Salon de l’agriculture le week-end dernier, elle a lancé une de ces phrases qui font mouche, suggérant de «repousser dans les eaux internationales les migrants qui voudraient entrer en Europe».

Les sondages de leur côté commencent à enregistrer l’inquiétude des Français. Près de la moitié (49%) des personnes interrogées dans une enquête Ifop ont dit leur crainte des révolutions dans le monde arabe. Une très forte majorité (81%) estime probable l’augmentation du nombre d’immigrés en Europe.

«Réponse collective»

«Avec les autres pays européens, nous ferons preuve d’une très grande fermeté à l’égard de l’immigration illégale», a déjà devancé le premier ministre sur RTL, en appelant à une «réponse collective» de l’Union. Pour François Fillon, «le meilleur moyen» de limiter le flux migratoire, «c’est d’aider la Tunisie à réussir, d’aider l’Egypte à réussir, c’est faire en sorte que la situation se stabilise rapidement en Libye».

Les socialistes sont également entrés dans le débat. Ils ripostent à Marine Le Pen en proposant eux aussi d’agir à la source. Sur France Inter, l’ancien premier ministre Laurent Fabius a lancé l’idée d’un «pacte des libertés» entre l’Europe, la Tunisie, l’Egypte et la Libye. Son projet: apporter à ces pays «un soutien massif sur tous les plans, économique, sanitaire ou social, afin d’éviter une immigration massive».

Catherine Dubouloz dans le Temps

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