En 2007, des requérants africains mettaient en cause un gendarme pour des vols. La partie civile dénonce la mise en veilleuse de la procédure.
Le Ministère public cherche-t-il à épargner un gendarme accusé de racket? Son attitude passive en «donne l'impression», affirme Me Jean-Pierre Garbade. Son client, A.C., un ex-requérant d'asile guinéen qui a été expulsé de Suisse, a porté plainte en février 2007 contre un sous-brigadier pour le vol de 150 francs et la falsification d'un reçu1. Quatre ans plus tard, l'avocat plaidait hier devant la Chambre pénale de recours pour demander une nouvelle fois l'inculpation de l'agent. Il réclame parallèlement la récusation du procureur en charge du dossier. Les décisions tomberont ultérieurement. Maître-chien aux «excellents états de service», selon son défenseur Me Olivier Jornot, le fonctionnaire a toujours nié la moindre malveillance. Il a tout de même été inculpé dans une procédure jumelle, en juin 2010, de faux dans les titres. Il a avoué avoir signé une déclaration et une autorisation de visite domiciliaire à la place d'un prévenu, selon lui par gain de temps. Ce délit a été découvert quand plusieurs autres ex-requérants l'ont également mis en cause pour des faits survenus entre 2005 et 2007. Les histoires se ressemblent, les victimes alléguées aussi: Africains, recalés de l'asile, connus des services pour du deal de rue.
Baptisé «Money Natel»
Lors de ses missions, le sous-brigadier les a interpellés à plusieurs reprises en ville ou au foyer du Lagnon, à Bernex, où certains résidaient. A tel point que les dénonciateurs l'avaient surnommé «Money Natel». Pour les sommes dont ils prétendent avoir été dépouillés (jusqu'à plusieurs centaines de francs), ainsi que les nombreux téléphones mobiles qui auraient disparu lors des contrôles. Dans certains cas, de petites quantités de cannabis et de boulettes de cocaïne auraient été dérobées.
Des accusations «invraisemblables», d'autant plus à la lumière des antécédents de leurs auteurs, soutient Me Jornot. L'avocat considère qu'un seul et unique reproche peut être adressé au gendarme: des saisies d'argent en prévision d'une contravention à recevoir. Cette pratique était illégale mais a longtemps été utilisée à Genève, notamment avec les mendiants roms, avant qu'un avis de droit conduise les autorités à y mettre fin. Me Jornot en a conclu au rejet de la requête de la partie civile. «Le procureur classera ensuite cette plainte, cela paraît évident.»
La hiérarchie policière, elle, n'avait pas pris à la légère les dires des Africains. En août 2007 déjà, à l'issue d'une longue enquête – avec écoutes téléphoniques –, les commissaires de la police genevoise ont transmis leurs conclusions à la justice. La lecture de ce rapport est édifiante: le document établit une liste conséquente d'irrégularités et de lacunes à charge du sous-brigadier. Des saisies non inventoriées, des quittances fantaisistes, des documents introuvables, des incohérences entre les différents types de formulaires remplis, ou encore des falsifications présumées et avérées.
Relancer l'instruction
Cette gestion approximative du travail administratif accrédite indéniablement une partie des dires de A.C. et des autres requérants. «Les soupçons sont suffisants. Il serait scandaleux de fermer les yeux et d'empêcher un débat judiciaire», s'est élevé Me Garbade. Pour lui, le magistrat instructeur – Michel-Alexandre Graber – aurait dû réentendre «tout le monde» après avoir reçu l'enquête de police: «Les commissaires le suggéraient eux-mêmes.»
Interrogé en marge de l'audience, l'avocat de la partie civile pointe le système genevois, qui ne prévoit pas de procureur spécial pour les affaires impliquant des membres forces de l'ordre. «Quand un magistrat travaille quotidiennement avec la police, il n'est pas facile de traiter ensuite les plaintes qui la visent», ajoute Me Garbade.
Olivier Chavaz dans le Courrier
Note : 1Le Courrier du 9 avril 2008.
1 commentaire:
Je felicite le courage de cet avocat et tous les avocats qui defedent les requerants contre la police Suisse doivent aller jusqu'au bout et ne doivent pas baisser les bras.
Il ya des avocats qui pretendent defendre les requerants d'asile sans voir le bout du tunnel ils les lachent.
Meme si on est requerant d'asile debouté, dans un pays de droit les lois sont les memes pour tous. Nul n'est au dessus de la loi.
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