jeudi 20 janvier 2011

L'immigration, utilisée à gauche et à droite

jn cuénodJean-Noël Cuénod, correspondant à Paris, est l'invité de la rubrique Réflexions du quotidien 24 Heures.

Accusé de diffamation et de discrimination raciale – ce qu’il conteste – le polémiste français Eric Zemmour a fait l’objet d’un procès à la XVIIe Chambre correctionnelle de Paris. Au cours de ces débats judiciaires, Zemmour a mis le doigt, non sans pertinence, sur les ambiguïtés de la gauche par rapport à l’antiracisme et, par voie de conséquence, à l’immigration.

Voici, en résumé, son argumentation: lorsque, au milieu des années 1980, le Parti socialiste a adhéré à l’idéologie libérale et chanté les vertus de la société de marché, plus grand-chose ne le distinguait de la droite; pour conserver une apparence de gauche, le PS a développé son discours antiraciste de façon massive; l’antiracisme est devenu son marqueur identitaire de gauche, faisant ainsi oublier sa capitulation devant l’idéologie libérale.

La coïncidence des dates entre la conversion des socialistes français au libéralisme et le soutien accru du PS aux organisations antiracistes est, en effet, troublante. Certes, les socialistes ont toujours combattu le racisme. Mais ils ont particulièrement mis en avant ce combat dès l’époque en question. Si Eric Zemmour, comme à son habitude, force le trait, il y a sans doute un fond de vérité dans son propos.

De l’autre côté de l’échiquier politique, la stigmatisation des immigrés a été systématiquement utilisée à des fins de propagande. Par le Front national surtout, mais aussi dans une moindre mesure par le camp de Nicolas Sarkozy, période Kärcher. jn cuénod citations

Dans les deux cas, il y a eu instrumentalisation de l’immigration, soit directement, soit par le truchement de l’antiracisme. Or, en jouant avec ces phénomènes à des fins électorales ou partisanes, on les travestit, empêchant ainsi de réfléchir objectivement à leur sujet.

Pourtant, il est essentiel que nos sociétés européennes développent une réflexion riche, profonde, non partisane à propos de l’immigration et du racisme. La mondialisation est désormais un fait. Comment l’aborder? En élevant des murs comme le préconisent les partis nationalistes? Compte tenu de l’interdépendance généralisée de la planète, autant se protéger d’une crue avec son mouchoir. Ne rien faire et remettre ces problèmes ennuyeux à demain, à l’instar des partis gouvernementaux? C’est offrir aux démagogues de l’extrême droite un boulevard royal. Elaborer de nouvelles règles de vie commune entre des populations qui viennent d’horizons différents prendra du temps. Et c’est un travail qui concerne toute la société et non pas seulement les politiciens.

Cela exige à la fois une prise de conscience de la propre histoire de son peuple et une ouverture d’esprit à l’autre qui ne signifie pas abandon de son identité mais enrichissement de sa culture. Autant se mettre à l’œuvre sans tarder, sans instrumentalisation partisane.

24 Heures

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