Voici l'éditorial de Marco Gregori dans Le Courrier; ce dernier élabore une synthèse des politiques européennes en matière d'asile et de migration qui sont de plus en plus en déni de la réalité de la pression migratoire...
Ils ont l'énergie du désespoir comme moteur et le rêve d'un avenir un peu meilleur comme destination. Depuis plusieurs semaines, des centaines d'Africains tentent, souvent au péril de leur vie, de pénétrer dans les enclaves espagnoles, situées au Maroc, de Melilla et Ceuta. Un peu plus à l'est, des migrants essayent régulièrement d'accoster l'île italienne de Lampedusa, au large de la Sicile. Et là aussi, la mort est parfois au rendez-vous. Mais l'Europe ne veut rien savoir. Elle préfère se barricader et attendre que la marée humaine recule. Comme si elle allait reculer...
Au sein de l'Union européenne, certains gouvernements sont réputés pour leur dureté à l'égard des immigrants. On montre du doigt le ministre de l'Intérieur français Nicolas Sarkozy, qui –si l'on en croit Libération d'hier– élabore un énième durcissement de la loi sur l'immigration. On fustige la politique migratoire italienne du gouvernement Berlusconi. Politique qui vient de recevoir un camouflet judiciaire: un juge vénitien estime l'emprisonnement –jusqu'à quatre ans– d'un ressortissant étranger qui refuse de quitter le territoire national non conforme à la Constitution italienne. L'homme de loi rappelle qu'une telle disposition ne figurait même pas dans les tristement célèbres lois raciales mussoliniennes. Pour la Suisse, il suffit d'évoquer la loi fédérale sur les étrangers et celle sur l'asile, dont les versions qui seront définitivement approuvées au début de l'hiver par les Chambres foulent allègrement les droits humains.
Ces politiques menées par des majorités bourgeoises promptes à se rallier aux thèses des partis d'extrême droite ne doivent pas occulter que la gauche n'a pas vraiment de leçons à donner. N'est-ce pas José Luis Zapatero –l'homme qui a «révolutionné» l'Espagne en rompant avec le populisme conservateur de José Maria Aznar et en se montrant progressiste en matière de moeurs– à avoir envoyé l'armée du côté de Ceuta et Melilla? N'est-ce pas lui qui veut rehausser les barrières des enclaves?
Pourtant, dans Le Monde diplomatique du mois de mai, Philippe Rivière rappelait que cette stratégie du contrôle à tout prix, «désormais courante autant à gauche qu'à droite» et destinée à stopper les vagues migratoires, n'est qu'un leurre: «Les études de terrain relèvent que, à l'exception des situations de guerre (les boat people), les «flux» migratoires s'établissent dans la durée, par affinités et au cours d'une histoire commune –en particulier, la colonisation, et désormais la mondialisation.»
Rendu public mercredi (lire notre édition d'hier), le premier rapport de la Commission mondiale sur les migrations abonde dans ce sens. Selon l'organisation onusienne, les disparités toujours plus grandes en termes de développement provoqueront une accélération des migrations. Insistant sur leur potentiel économique, tant pour les pays d'origine des migrants que pour les terres d'accueil, la commission en appelle à davantage de tolérance. Ne serait-ce que pour se conformer aux droits humains.
Mais l'Europe préfère suivre une voie sans issue. Jusqu'au jour où elle finira, elle aussi, dans le mur.
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