Le rapatriement sous la contrainte des trois premiers requérants d'asile nigérians depuis le décès de l'un d'eux il y a dix mois s'est déroulé sans incident dans la nuit de mercredi à jeudi. Au moins quatre autres devraient suivre dans le prochain vol, d'ici trois semaines environ.
La date dépend des autres pays européens membres de Frontex, l'agence européenne chargée notamment des expulsions sous la contrainte dans le cadre du traité de Dublin. Il suffit à la Suisse de réserver des places.
Pour Berne, les avantages sont nombreux, relève la sous-directrice de l'Office fédéral des migrations (ODM) Eveline Gugger Bruckdorfer. D'abord le vol ne coûte rien à la Suisse, si ce n'est sa cotisation à Frontex. Celle-ci oscille entre 2,3 et 2,7 millions de francs par an, sachant que les tâches de l'agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l'UE sont bien plus vastes. Si Berne organisait elle-même un tel vol, cela reviendrait à plus de 13'000 francs par requérant. Cette semaine, la Confédération n'a dû payer que les billets des requérants et des policiers entre Kloten et Vienne, d'où décollait l'avion Frontex pour Lagos, précise Eveline Gugger.
Observateurs neutres
Autre avantage des vols groupés Frontex, la présence d'un observateur indépendant, que la Suisse ne peut pas encore garantir. Le vol entre Vienne et Lagos était accompagné par un observateur d'une ONG autrichienne, a précisé à l'ATS Eveline Gugger. L'ODM continue pour sa part d'évaluer "des offres intéressantes. Mais nous ne serons pas prêts avant le milieu de cette année", a ajouté sa sous-directrice.
C'est trop tard, selon Amnesty International. Cela fait deux ans que l'ODM sait qu'elle doit trouver une solution, on ne peut pas attendre encore six mois, a précisé Manon Schick, porte-parole de la section suisse d'Amnesty. Il faut au moins trouver une solution transitoire pour assurer l'observation entre le lieu de détention et l'aéroport étranger d'où décolle l'avion de Frontex.
Si Amnesty International estime que ce n'est pas là son mandat et qu'elle n'est donc pas intéressée, Manon Schick note que la commission de prévention de la torture l'a déjà fait et que l'Organisation d'aide aux réfugiés y serait certainement disposée.
Jugeant positive la collaboration avec Frontex, Amnesty International souhaite que la Suisse s'inspire de ce qui se fait dans d'autres pays comme l'a fait l'Autriche, a expliqué sa porte-parole Manon Schick à l'ATS. Certains Etats comme l'Angleterre ne ligotent qu'exceptionnellement les requérants expulsés sous la contrainte. Les mesures de contrainte doivent être proportionnelles et non systématiques, selon elle.
Espace Dublin
L'an dernier, 1969 ressortissants nigérians ont déposé une demande d'asile en Suisse, indique l'ODM. La grande majorité d'entre eux (1670) se sont vu opposer une décision de non-entrée en matière dès lors qu'ils sont arrivés en Europe par un autre pays de l'Espace Dublin, compétent pour mener la procédure et vers lequel ils sont renvoyés.
Près de la moitié (732) ont déjà été transférés dans un autre Etat européen alors que 286 sont rentrés dans leur pays directement depuis la Suisse. Un peu plus de la moitié de ces derniers (165) ont fait la démarche volontairement, les autres (121) sous la contrainte.
Cela jusqu'au 17 mars 2010 quand un jeune Nigérian a succombé à un arrêt cardiaque sur le tarmac de l'aéroport de Kloten.
Un accident qui a valu l'interruption des renvois sous la contrainte vers le Nigeria jusqu'à cette semaine. Les vols avaient déjà repris en juin à destination d'autres Etats: 22 vols spéciaux ont été effectués durant les sept derniers mois de 2010, qui ont rapatrié 109 requérants d'asile.
Pour faciliter les renvois, la Suisse et le Nigeria ont convenu d'un mémorandum d'entente. Premier accord de ce type avec un pays africain, il reflète une approche globale de la migration que la Suisse aimerait étendre au plus grand nombre d'Etats. Berne ne a passé trois autres accords de ce genre, tous avec des pays des Balkans.
ATS sur le site de la TSR
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