mardi 11 décembre 2007

Les sénateurs tirent sur le Taser,

Le Conseil des Etats refuse l’utilisation du pistolet à décharge électrique pour le renvoi d’étrangers. Un article de Cédric Waelti dans 24 Heures.


L’arme, assimilée par l’ONU
à «une forme de torture»,
est utilisée par certaines
unités spéciales à Zurich
ou à Berne, pour des
interventions sur des
forcenés par exemple.
Shaun Fellows / Keystone

Au sujet du Taser, le Conseil des Etats renvoie la balle au National. Contrairement à la Chambre basse, les sénateurs ont décidé hier soir, par 28 voix contre 11, de ne pas l’inscrire dans le catalogue des armes pouvant être utilisées lors du renvoi d’étrangers. Ils se ran­gent donc à l’avis du Conseil fédé­ral, et surtout à celui des policiers. Au cours de la procédure de consultation, la Conférence des di­recteurs des départements canto­naux de justice et police (CCDJP) avait exprimé ses réticences sur le pistolet à décharge électrique. «Nous estimons que cette arme n’est pas nécessaire pour renvoyer des étrangers dans leur pays», précise le secrétaire général de la CCDJP, Roger Schneeberger.
Lors d’une procédure de renvoi classique, deux policiers sont char­gés d’accompagner le ressortissant étranger dans l’avion. En cas de besoin, ils menottent l’individu. De l’aveu des personnes concernées, ce dispositif a fait ses preuves. Dans ce contexte, le Taser apparaît donc comme superflu.
Pas de Taser chez les Vaudois et les Genevois
Formellement, le vote d’hier ne règle l’utilisation du pistolet élec­trique que dans le cadre d’expul­sions. Les cantons sont donc libres de l’utiliser ou non, pour des inter­ventions sur des forcenés par exemple. C’est d’ailleurs ce que fait Zurich, qui a équipé ses policiers d’élite. A Berne, certaines unités spéciales disposent aussi du Taser. Il y a une année, un individu armé a ainsi été maîtrisé avec succès par les agents bernois grâce à une décharge électrique.
Malgré tout, le Taser n’inspire pas encore confiance à tous les policiers suisses. Le commandant de la police cantonale vaudoise a expliqué la semaine dernière que son utilisation était disproportion­née pour le renvoi d’étrangers. Son service de presse le rappelait hier: «Le Taser n’est pas utilisé et ne sera pas utilisé par les policiers vaudois.» Leurs homologues gene­vois sont pour l’instant du même avis. Renvoi d’étrangers ou non, le Taser, assimilé par l’ONU à «une forme de torture», n’est pas d’ac­tualité. En coulisses, on craint sur­tout qu’il soit une source de ba­vure et qu’il serve à défrayer la chronique d’une manière un peu trop décoiffante.


Ecoutez le broadcast de la Première (44 sec.)
Le Conseil des Etats barre la route aux pistolets à électrochocs.
Par Valérie de Graffenried dans Le Temps
et ci dessous l'édito de Fabio Lo Verso dans le Courrier
Taser international, fabricant du fameux pistolet électrocutant aux faux airs de joujou, devra probablement enterrer ses projets d'expansion en Suisse. Le Conseil des Etats a refusé hier, pour la deuxième fois, d'autoriser son usage lors de renvois forcés. Admise en cas de prise d'otage dans huit cantons alémaniques, cette arme a récemment servi à tenir sous la contrainte un couple de requérants d'asile à Moutier. Des policiers y ont abusivement anticipé l'issue des débats parlementaires. Leur impatience trahit la popularité de ce dispositif paralysant parmi les agents. Mais surtout une absence inquiétante de recul face à un engin aux effets imprévisibles.
Aucune étude ne permet en effet de conclure à l'innocuité du modèle proposé aux policiers suisses. Les rares analyses indépendantes dénoncent plutôt sa dangerosité suite aux centaines de décès répertoriés par Amnesty International. Une trentaine semble avoir directement été provoquée par l'utilisation du Taser. Pour l'ONU, ce pistolet à électrocution constitue une forme de torture, la décharge électrique coupant la communication entre le cerveau et les muscles. Les risques encourus sont pour l'organisation clairement disproportionnés au but recherché. Mais ces mises en garde n'ont pas empêché son fabricant d'équiper quelque dix mille commissariats de police dans plus de 65 pays, Etats-Unis en tête. Jamais sans doute dans l'histoire d'une arme de fabrication privée, son succès n'a autant été alimenté par la controverse publique.
De part et d'autre de l'Atlantique, ses partisans et ses détracteurs ont eu recours à des moyens de communication sans précédent pour défendre leurs thèses. Répertorié par les organisations internationales dans la même catégorie que le fusil à pompe ou le 357 magnum, le Taser est publicisé comme un jouet inoffensif, sa réclame étant plus proche de celle d'un téléphone portable ou une friteuse. En Suisse, Taser international a reçu le soutien d'une vedette de la politique. Le vice-président de l'UDC, Yvan Perrin, a joué aux cobayes pour tenter de convaincre que l'engin n'est pas létal. Mais les conditions de son essai ont été opportunément faussées. Cette tromperie prouve a contrario que cet ancien inspecteur de la sûreté neuchâteloise n'a pas une confiance aveugle en ce pistolet. Quant au prétendu test sur Christoph Blocher, le protagoniste lui-même a avoué hier à demi-mot qu'il ne l'a jamais effectué.
Pour l'UDC, les fruits sont à récolter ailleurs. Des étrangers récalcitrants, aux manifestants en colère, aux supporters violents, tous les épouvantails supposés par la droite populiste sont déversés dans le débat public. Refusé ou pas, le Taser a fait son oeuvre dans l'opinion. Reste à espérer qu'après les Etats, le National sache se montrer à la hauteur : ni dupe, ni aveugle.
Lisez aussi l'article de synthèse du Courrier sur la polémique du Taser en Suisse
Ecoutez le traitement de la question par Forum
Regardez la séquence du Téléjournal de la TSR

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