Une motion ouvrant la voie de l'apprentissage aux jeunes sans-papiers scolarisés en Suisse a été adoptée. L'inégalité entre apprentis et étudiants sera ainsi levée.
«Le Conseil fédéral est chargé de mettre en oeuvre un mode d'accès à l'apprentissage pour les jeunes sans statut légal ayant effectué leur scolarité en Suisse.» Par 23 voix contre 20, le Conseil des Etats a approuvé hier cette motion du démocrate-chrétien genevois Luc Barthassat, qui avait déjà obtenu l'aval du Conseil national en mars dernier (93 voix contre 85, avec 8 abstentions). Résultats serrés mais impératifs: le Conseil fédéral est maintenant tenu de s'exécuter.Débats nourris: 25 sénateurs (plus de la moitié du conseil) ont pris la parole pour appuyer ou contester la motion Barthassat. Parmi les partisans, Didier Berberat (ps/NE) a rappelé qu'il s'agissait de 300 à 500 jeunes qui, chaque année, pourraient commencer un apprentissage. Ils ont pu suivre l'école obligatoire, ont accès au niveau secondaire II et aux hautes écoles. Mais pas à l'apprentissage dual: il leur faut un contrat de travail et, sans permis de séjour, aucun employeur ne s'y risque.
Mieux que «zoner»
Bien sûr que la clandestinité, c'est l'illégalité, ajoute Robert Cramer (Verts/GE). Mais en quoi ces jeunes sont-ils responsables de cette situation? Si on est attaché au principe de la responsabilité individuelle, on ne peut pas les sanctionner alors qu'ils n'ont commis aucune faute, note Raphaël Comte (plr/NE). Si on laisse des jeunes de 15-20 ans «zoner» dans les rues à ne rien faire, ils vont au mieux travailler au noir et, au pire, tomber dans la délinquance, avertit Luc Recordon (Verts/VD). Mais une partie du conseil craint qu'on ne vise, sans le dire, une régularisation collective des sans-papiers, avec le potentiel d'attractivité qui en découlerait pour de nouveaux clandestins. Il n'en est pourtant pas question, souligne Didier Berberat: les parents clandestins - avec leurs enfants en apprentissage - resteraient en principe expulsables. Dans les faits, il s'agit de jeunes scolarisés en Suisse (donc intégrés) et qui y resteront, à qui il faut offrir une formation, assure Liliane Maury Pasquier (pe/GE).La conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf estime que les cantons peuvent accorder des régularisations au cas par cas, dans des situations graves: c'est une marge de manoeuvre suffisante. Mais, demande Alain Berset (ps/FR), un jeune de 15 ans va-t-il demander à bénéficier d'une telle mesure, en dévoilant la clandestinité de ses parents (puisqu'il ne peut signer lui-même un contrat de travail), sachant en outre que la décision est le plus souvent négative?Au final, la gauche est rejointe par suffisamment de démocrates-chrétiens (dont les Valaisans René Imoberdorf et Jean-René Fournier, le Fribourgeois Urs Schwaller), avec quelques libéraux-radicaux, pour faire passer la motion Barthassat. L'initiative cantonale neuchâteloise, de même teneur, échoue à 22 contre 21. Et la motion du Vert genevois Hugues Hiltpold, qui voulait une régularisation à la naissance, au nom de la Convention sur les droits de l'enfant, est rejetée par 22 voix contre 16.
François Nussbaum dans la Liberté
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